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Edito

MartyriseÌ , mais pas abandonneÌ .
Il reÌ‚vait de devenir agriculteur et de fonder une famille. Mais, aÌ€ Al Aour, son village aÌ€ deux cents kilomeÌ€tres du Caire, les embauches sont rares. En avril 2014, alors qu’il vient de feÌ‚ter ses vingt-quatre ans et de terminer son service militaire, Mina Fayez Aziz deÌ cide donc de partir chercher fortune ailleurs, puis de revenir se marier. Dans le village, on
s’est passeÌ le mot : l’Eldorado du moment s’appelle Sirte, en Libye.
Comme d’autres, Mina s’y expatrie puis s’y fait engager comme
maçon. Et son reÌ‚ve de vie commence aÌ€ se transformer en reÌ aliteÌ .
Jusqu’aÌ€ cette nuit du 3 janvier 2015 ouÌ€ des miliciens surgissent dans le logement ouÌ€ s’entassent oncles, cousins et neveux, tous venus d’EÌ gypte. « L’eÌ mir nous a donneÌ ordre de vous arreÌ‚ter », hurle leur chef, exigeant de voir les mains de chacun afin de veÌ rifier si elles sont tatoueÌ es. RepeÌ reÌ , Mina est embarqueÌ avec les autres. Seul son oncle Hana, qui se trouvait cacheÌ dans une autre pieÌ€ce, eÌ chappe aÌ€ la rafle et reÌ ussit aÌ€ s’enfuir aÌ€ travers le deÌ sert.
Le 15 feÌ vrier dernier, le visage de Mina apparait sur internet dans une videÌ o, entoureÌ d’une vingtaine d’autres travailleurs immigreÌ s. VeÌ‚tu d’une combinaison orange, il va eÌ‚tre deÌ capiteÌ par les troupes de DAESH. Alors que les bourreaux se saisissent de leurs couteaux, les hommes aÌ€ genoux implorent Dieu d’avoir pitieÌ d’eux. Leur dernieÌ€re parole sera : « Ya Rabbi Yasou » (« Seigneur JeÌ sus »).
AÌ€ Al Aour, chaque famille aura sa victime. Un conjoint, un peÌ€re, un enfant. Om Beshir perdra ses deux fils d’un coup. Avant leur arrestation, fin deÌ cembre, ils avaient promis de revenir chez leur meÌ€re pour Noël. Car dans ce village, la naissance du Christ se ceÌ leÌ€bre le 6 janvier, comme chez tous les chreÌ tiens coptes d’EÌ gypte.
Cette anneÌ e, revivre la Passion ne pourra se faire sans penser aÌ€ Mina et aÌ€ ses compagnons. ArreÌ‚teÌ s, jugeÌ s, condamneÌ s, exeÌ cuteÌ s. Comme un certain propheÌ€te juif, mort sur la croix il y a preÌ€s de deux mille ans pour avoir veÌ cu et annonceÌ une foi deÌ rangeante. Lui, avant de mourir, s’eÌ tait eÌ crieÌ : « Eli, Eli, lama sabachthani ? » (« Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonneÌ ? »). MeÌ‚me si les hommes les avaient bel et bien abandonneÌ s, Mina Fayez Aziz et ses compagnons d’infortune savaient, eux, que Dieu ne les abandonnerait pas. Modestement, ils ont preÌ feÌ reÌ s’inspirer des paroles prononceÌ es par le bon larron : « JeÌ sus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras dans ton Royaume. » Avec les autres supplicieÌ s, Mina Fayez Aziz a eÌ teÌ eÌ leveÌ au rang de martyr orthodoxe. Un premier pas pour ne pas les oublier le jour de PaÌ‚ques.
FreÌ deÌ ric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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