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Edito

Heure d’eÌ teÌ .
Dix heures du soir. C’est le moment ouÌ€, du 21 au 29 juin de cette anneÌ e, le soleil se couchera sur Bruxelles. Depuis le retour de l’heure d’eÌ teÌ , en 1976, on beÌ neÌ ficie en cette peÌ riode de l’anneÌ e de longues soireÌ es lumineuses, particulieÌ€rement agreÌ ables lorsqu’il fait beau. Personne ne regrette alors ce moment
plus peÌ nible qu’est parfois celui du passage aÌ€ l’heure d’eÌ teÌ , lorsqu’il faut demander aux horloges biologiques d’un peu s’adapter au nouveau rythme du nyctheÌ meÌ€re.
Mais c’est un changement d’heure plus subtil qu’a commenceÌ aÌ€ connaiÌ‚tre l’EÌ glise catholique de Belgique le 6 mai dernier. Ce jour-laÌ€, l’archeveÌ‚que de Malines-Bruxelles atteignait ses septante-cinq printemps. Comme il s’y eÌ tait engageÌ , il avait, le jour- meÌ‚me, envoyeÌ sa lettre de deÌ mission au pape François. Certains bruits laissaient meÌ‚me croire que l’archeveÌ‚que demandait d’eÌ‚tre rapidement exauceÌ , afin de pouvoir au plus vite mettre fin aÌ€ sa taÌ‚che. D’autres sources, toutefois, ont contesteÌ cette version des faits. Quoi qu’il en soit, le sieÌ€ge archieÌ piscopal est vacant, ainsi que le roÌ‚le qui lui est traditionnellement associeÌ : celui non seulement de preÌ sider la ConfeÌ rence eÌ piscopale de Belgique mais aussi d’en eÌ‚tre le primus inter pares, comme on disait jadis en langue d’EÌ glise, c’est-aÌ€-dire le premier entre tous.
L’enjeu de cette succession n’est donc pas simplement de savoir qui va demain tenir les reÌ‚nes d’un eÌ veÌ‚cheÌ plus grand que les autres, comprenant aÌ€ la fois la reÌ gion de Bruxelles et celle des deux Brabants (wallon et flamand). Au-delaÌ€ d’une question pastorale, il s’agit aussi de voir qui incarnera demain ce qu’est l’EÌ glise catholique en Belgique, qui en deÌ terminera les lignes directrices et qui en dessinera le futur.
Alors que la place de l’EÌ glise dans la socieÌ teÌ belge est plus que jamais sujette aÌ€ inter- rogations, il ne s’agira pas tant de poursuivre un travail accompli, ou deÌ jaÌ€ sur chantier, que de s’engager avec volonteÌ , force et courage dans de nouvelles voies, totalement aÌ€ imaginer et aÌ€ concreÌ tiser. Car on ne peut dire que le reÌ€gne qui s’acheÌ€ve aura permis de tracer sans heÌ sitations les futurs sillons dans lesquels devra s’engager l’institution. Ce n’est pas sans raison que, recourant aux commentaires de speÌ cialistes pour eÌ valuer l’action de l’archeveÌ‚que sortant, plusieurs meÌ dias avaient repris deÌ but mai la tentante meÌ taphore selon laquelle celui-ci aurait maintenu l’EÌ glise de Belgique « en deÌ calage horaire » par rapport aÌ€ l’eÌ volution du monde et de l’EÌ glise elle-meÌ‚me...
Il est grand temps que son successeur reÌ cupeÌ€re le retard avant que le deÌ calage devienne irrattrapable, notamment sur les possibiliteÌ s de deÌ bat autour des questions eÌ thiques, de morale personnelle, du roÌ‚le des laïcs et des femmes. Il est temps aussi que les prises de parole au sein de l’EÌ glise de Belgique puissent eÌ‚tre libres, et que toute expression dissonante ne soit pas automatiquement consideÌ reÌ e comme deÌ viante, et ceux qui les manifestent taxeÌ s de dangereux contestataires.
Il est temps, encore, que voie le jour une reÌ flexion sur le statut des preÌ‚tres, ce qui est attendu d’eux, et que soit rediscuteÌ ce « modeÌ€le unique » aujourd’hui d’application (voir aÌ€ ce sujet notre « EÌ clairage » de ce numeÌ ro).
Alors, et alors seulement, l’EÌ glise catholique de Belgique sera pleinement dans l’heure d’eÌ teÌ . Bonnes vacances.
Frédéric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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