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Edito

LA FUITE EN BELGIQUE.

Une ville en ruines. Melchior, Balthazar et Gaspar n’en croyaient pas leurs yeux : c’eÌ tait vers cet amas de murs effondreÌ s, de gravats, de deÌ bris et de voitures calcineÌ es que l’eÌ toile les avait meneÌ s. Eux qui s’attendaient aÌ€ des palais... La lueur s’eÌ tait finale- ment arreÌ‚teÌ e sur un immeuble encore debout, dans un quartier plutoÌ‚t eÌ pargneÌ . Ils avaient peÌ neÌ treÌ par une porte eÌ ventreÌ e et trouveÌ la famille, reÌ fugieÌ e aÌ€ la cave. Le premier leur avait offert de quoi adoucir la vie : savon, dentifrice, deÌ odorants, parfum et eau de toilette. Le deuxieÌ€me, des biscuits et des repas sous vide, pour ameÌ liorer le quotidien. Mais c’est le troisieÌ€me qui avait eÌ teÌ le mieux accueilli. Sa cassette deÌ bordait de batteries de gsm et de chargeurs pour smartphones. De quoi rester en contact...

Craignant les bombes et les snipers, les rois avaient preÌ feÌ reÌ eÌ courter leur visite. Mais, juste avant de prendre congeÌ , ils avaient glisseÌ un conseil au papa : « LeÌ€ve-toi, prends les enfants et leur meÌ€re, et fuis en Belgique. LaÌ€-bas, il y a une valleÌ e, ouÌ€ coule la MoligneÌ e. Sur ses bords, preÌ€s d’une abbaye, une famille est preÌ‚te aÌ€ vous accueillir. Nous la connaissons. Une fois sur place, tu demanderas l’asile. Tu y resteras autant que neÌ cessaire, au moins jusqu’aÌ€ la mort de HeÌ rode, car ici, il va se mettre aÌ€ votre recherche. Mais prends tes preÌ cautions. Ne pars pas par la mer ! »
Toute la nuit, ces phrases avaient reÌ sonneÌ dans la teÌ‚te du peÌ€re. Le matin, il avait pris, seul, la route de la rue EÌ mir BeÌ chir, aÌ€ Beyrouth, 368 km plus au sud. Afin d’y obtenir un visa pour tous les membres de la famille. Ils eÌ viteraient ainsi d’entrer illeÌ galement sur le territoire recommandeÌ par les rois. Attendus sur place, ils n’auraient suÌ‚rement aucun mal aÌ€ se voir accorder un visa.

En Belgique, voyant son strict systeÌ€me de controÌ‚le d’afflux de reÌ fugieÌ s deÌ joueÌ par des hauts dignitaires eÌ trangers qui lui eÌ taient inconnus, le responsable politique dont deÌ pendait l’asile s’eÌ tait mis dans une grande coleÌ€re. Devant le chef de son parti, dont la propagande reposait notamment sur la peur de l’eÌ tranger, il avait jureÌ que jamais une famille venant d’une ville deÌ vasteÌ e n’entrerait dans le pays avec un visa en bonne et due forme. La justice lui donnera tort. Mais le politicien n’en deÌ mordra pas, preÌ feÌ rant remettre en cause le principe selon lequel, dans les deÌ mocraties, le politique n’interfeÌ€re pas avec le judiciaire.

Sans doute aurait-il preÌ feÌ reÌ voir la famille prendre le chemin de l’exil de manieÌ€re clandestine, se faire exploiter par des passeurs sans scrupules et risquer sa vie aÌ€ chaque tournant. IlleÌ gaux, s’ils avaient surpasseÌ ces obstacles, ils auraient enfin eÌ teÌ arreÌ‚teÌ s avant de mettre le pied sur le territoire ouÌ€ s’exercent ses compeÌ tences. Tandis qu’avec un visa...

Au plus fort de la crise migratoire de 2015, on ne comptait pourtant que 3,5 demandeurs d’asile pour mille habitants. Contre 16 en SueÌ€de et 17 en Hongrie, notamment.

Heureusement, tout ce qui preÌ ceÌ€de n’est bien suÌ‚r qu’un triste conte d’apreÌ€s-Noël. Aucun rapport avec la reÌ aliteÌ . Autrement, comment encore oser, en fin de cet eÌ ditorial, vous souhaiter une Bonne AnneÌ e ?

Frédéric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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