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Edito

LA REÌ VOLUTION DES EÌ LEÌ PHANTS.
Pour la premieÌ€re fois, la France va se retrouver avec un PreÌ sident ne se revendiquant ni de gauche, ni de droite. Et n’appuyant pas sa victoire sur le lourd appareil d’un parti se reÌ clamant d’un de ces horizons.

HabitueÌ s aÌ€ cateÌ goriser leurs semblables de façon treÌ€s manicheÌ enne, bon nombre de nos voisins de l’Ouest semblent ne pas s’en remettre. Comme s’il devenait compliqueÌ d’envisager l’avenir aÌ€ partir du moment ouÌ€ celui-ci ne se construisait plus bloc contre bloc. Avec, face aÌ€ face, deux mastodontes de taille plus ou moins semblable justifiant leur existence par la profondeur de ce qui les divise.

En ce moment, le vainqueur du second tour n’est pas connu. Et on ne peut donc certifier que l’essai reÌ aliseÌ par le candidat de En Marche sera transformeÌ en victoire, meÌ‚me si celle-ci paraiÌ‚t probable.

Mais la rupture de la bipolarisation politique de la France est elle, par contre, deÌ jaÌ€ intervenue. Du moins au stade preÌ sidentiel. Restera aÌ€ voir si les familles politiques traditionnelles, qui ont vu leur leÌ gitimiteÌ s’effondrer le 23 avril, ne redresseront pas l’eÌ chine lors du scrutin parlementaire du mois de juin. Les commentaires de la droite, deÌ€s le soir du premier tour, laissaient en tout cas percevoir que, pour ses teÌ nors, leur camp avait peut-eÌ‚tre perdu une bataille. Mais qu’ils espeÌ raient bien finir par gagner la guerre, estimant que « le peuple de droite » se ressaisirait lors de l’eÌ lection de l’AssembleÌ e nationale.

Impossible donc de dire si le Mur de Berlin qui coupait le France en deux aura seulement trembleÌ au terme
des preÌ sidentielles, ou si ses fissures finiront par le faire tomber. Mais une breÌ€che y est deÌ jaÌ€ apparue. Au grand dam des deÌ fenseurs de la theÌ orie des blocs qui, pour se rassurer, n’ont eu de cesse de nier la chose. En s’efforçant de faire du promoteur de cette rupture un membre du clan d’en face : libeÌ ral-euro- peÌ en pour la famille des gauches ; paÌ‚le copie du preÌ - sident socialiste sortant, pour l’autre.

De cette troueÌ e surgissent des humains, certains il y a peu encore de gauche ou de droite, ou du « centre ». Mais qui se revendiquent deÌ sormais simplement « hommes et femmes de bonne volonteÌ ». Le promoteur d’En Marche ne leur a pas demandeÌ de s’inscrire aÌ€ un parti, mais d’entrer dans un « mouvement ». Ce qui est plus qu’une nuance aÌ€ une eÌ poque ouÌ€ la culture des « digital native » fait rejeter les hieÌ rarchies et les organisations verticales pour leur preÌ feÌ rer l’horizontaliteÌ d’un monde ouÌ€ les hommes voudraient se parler d’eÌ gal aÌ€ eÌ gal.

L’utopisme de celui que les urnes ont placeÌ en teÌ‚te au premier tour n’est-elle qu’une façade, comme l’affirment les deÌ fenseurs d’une France bipolaire ? Casser les eÌ tiquettes est-il suffisant pour changer les mentaliteÌ s et amener aÌ€ oeuvrer ensemble ? Ou d’autres clivages vont-ils remplacer les anciens ? Une partie des Français a en tout cas oseÌ mettre aÌ€ l’eÌ cart des eÌ leÌ phants qui paraissaient indeÌ troÌ‚nables. Ce changement est deÌ jaÌ€, en soi, une reÌ volution.

Frédéric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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