Edito

Rien ne compte plus que d’aimer. Les francophones de ce pays interrogeÌ s pour L’appel (voir n° de feÌ vrier) consideÌ€rent l’amour comme "La valeur– la plus importante. Bien avant la liberteÌ , qui vient certes en deuxieÌ€me position du classement, mais assez loin apreÌ€s l’amour. Ce binoÌ‚me repreÌ sente ce qui a le plus de poids pour les sondeÌ s : aÌ€ la fois aimer, mais aussi eÌ‚tre libre. Ces deux valeurs ne sont-elles pourtant pas quelque peu contradictoires ? Ou serait-ce parce qu’elles le sont qu’elles ont eÌ teÌ pleÌ bisciteÌ es par un si grand nombre des personnes sondeÌ es ? On est, bien suÌ‚r, libre d’aimer quelqu’un, ou de ne pas l’ai- mer. Mais, deÌ€s que l’amour est laÌ€, et qu’il se manifeste comme un "don mutuel– , n’entraiÌ‚ne-t-il pas du meÌ‚me coup la mise de coÌ‚teÌ d’une partie de la liberteÌ de chacun ?

L’amour, c’est bien suÌ‚r celui de l’attirance que les humains eÌ prouvent l’un envers l’autre, et qui les pousse aÌ€ "faire couple– , ce qui ne veut pas neÌ cessairement dire "faire un– . Mais l’amour n’est pas seulement cela, et les enqueÌ‚teÌ s de L’appel l’ont bien perçu lors de leurs reÌ ponses. Aimer remplit tous les moments d’une vie. De leurs premiers cris de nourrisson aÌ€ leurs derniers moments , femme et homme aiment autant qu’ils sont aimeÌ s. Leurs proches, mais aussi tant d’eÌ‚tres qu’ils vont rencontrer au cours de l’existence. Et combien d’autres encore, qu’ils coÌ‚toieront jamais directement, mais qui leur inspireront un indeÌ fectible sentiment d’amour.

L’amour est universel. Il en est de meÌ‚me de sa fragiliteÌ , et des craintes qu’il fait inspirer pour l’autre, ou pour les autres. Ces interminables temps de pandeÌ mie le rappellent tous les jours : ce n’est pas tant pour soi-meÌ‚me que l’on craint ou que l’on a peur, mais pour ses proches, voire pour tous ceux qui constituent la socieÌ teÌ dans laquelle on eÌ volue.

La covid met aÌ€ rude eÌ preuve les sentiments d’amour, et la manieÌ€re dont on aimerait les exprimer. Toutefois, contrairement aÌ€ l’adage, la pandeÌ mie n’est pas un "remeÌ€de contre l’amour– . Au contraire, elle en constitue un des dopants les plus efficaces... Du moins jusqu’aÌ€ ce que cette valeur premieÌ€re entre en conflit avec la deuxieÌ€me : la fameuse liberteÌ . La soif que l’on en a peut parfois pousser aÌ€ mettre l’amour et ses exigences sous le boisseau. Les actuelles revendi- cations de liberteÌ qui surgissent de toutes parts face aux entraves imposeÌ es par la crise sanitaire le deÌ - montrent aÌ€ l’envi : tout faire parce qu’on aime l’autre et les autres, et que l’on craint pour eux ? Oui, jusqu’aÌ€ un certain point. Mais, quand ces marques d’amour en viennent aÌ€ trop peser sur le besoin de liberteÌ , les humains n’ont-ils pas parfois envie d’envoyer l’amour promener, afin de faire, enfin, ce que bon leur plaiÌ‚t ?

Le binoÌ‚me amour/liberteÌ est plutoÌ‚t de type explosif. Choisir l’un en fonction de l’autre peut devenir l’objet de dilemmes aÌ€ peu preÌ€s insurmontables. Lors- qu’ils ceÌ leÌ€brent PaÌ‚ques, les chreÌ tiens en revivent par exemple un cas plus qu’exemplaire : JeÌ sus devait-il accepter la croix par amour pour les Hommes ? Terrible question. Parfois, les exigences de l’amour s’aveÌ€rent surhumaines. Mais ouÌ€ se trouve, alors, la liberteÌ ? La question se pose face aÌ€ la covid, et aÌ€ l’obligation (ou non) de se faire vacciner. Elle peÌ€se sur tout le mysteÌ€re chreÌ tien. Mais elle traverse aussi la vie de chacun. Tous les jours...

Frédéric ANTOINE

Rédacteur en chef

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