HEUREUX les riches, ils verront
leurs rêves se réaliser tout
seuls. Heureux ceux qui ont
faim et soif d’actions et
d’obligations, le royaume de
la finance leur appartient.
Bienheureux ceux qui se sont enrichis grâce
à la Bourse, ils auront vu le dieu Argent.
Il y a un an encore, aurait-il été scandaleux
de décliner de cette manière peu orthodoxe
les Béatitudes ? L’idiot, le paumé, celui qui
avait tout raté, était celui qui n’était pas
devenu riche. Qui n’avait pas réussi à
gagner plus sur le dos des plus faibles.
L’argent. Il n’y en avait que pour lui. En
détenir le plus possible, en dépenser autant
que faire se peut, et souvent plus que ne le
permettent les moyens de chacun : voilà sur
quoi reposait le vivre en société.
Et voilà que, cette année, il semble que les
Béatitudes n’ont plus besoin d’une nouvelle mise en forme. Il n’y a plus de
bienheureux à la Bourse. Et bon nombre de ceux qui avaient parié sur les
« bulles » de l’argent vite gagné en sont pour leurs frais.
Les Béatitudes retrouveraient alors leur véritable sens.
Mais hélas, traders et hommes d’affaires ne sont pas seuls à payer la note. Le
krach de la Bourse touche tout le monde. Tous ceux à qui l’on avait garanti
ce moyen comme le plus simple pour faire fructifier leurs quelques Talents
(Jésus lui-même n’encourageait-il pas ceux qui font fructifier leurs talents et
ne les enterrent pas de peur qu’on ne leur vole ?).
Et puis aussi tous ceux qui n’ont pas investi un Euro en Bourse, voire dans une
banque. Mais qui voient la vie chère continuer, le prix du pétrole ne pas
retomber, les matières premières s’envoler... sous les yeux d’un État qui
n’agit pas, ne cesse de dire qu’il n’a pas de « marges »... mais trouve au même
moment des milliards à emprunter lorsqu’il s’agit de sauver des banquiers
aux pieds d’argile.
Toutes les explications financières n’y suffiront pas, comme l’atteste le dossier
que nous avons monté en urgence sur le sujet. Toutes les déclarations politiques
ou syndicales ont beau tenter de faire passer la pilule. On ne fera pas
gober au citoyen qu’il n’y a pas deux poids, deux mesures. Et une profonde
injustice. Comme s’il était normal qu’il y ait quelques riches et beaucoup de
pauvres. Que la règle serait de sauver les riches et non les autres. Et cela au
nom d’une certaine lecture des Béatitudes qui reviendrait à calmer les
aigreurs des malheureux en leur disant que, après leur mort, eux, ils verront
Dieu. D’ici-là , qu’ils se taisent et attendent !
L’Évangile n’est pas un chèque en blanc tiré sur l’avenir. Le royaume de Dieu
commence aujourd’hui, maintenant. C’est ici-bas qu’il s’agit de le bâtir.
Oui, il faut donc bien revoir les Béatitudes à la lumière de la crise. Mais pour
faire advenir maintenant l’équité et la justice. L’occasion de la révolution est
là . Il faut s’en saisir.