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Edito

LES UNS, ET LES AUTRES.

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L’horreur a encore frappeÌ . Samuel Paty, professeur d’Histoire d’un colleÌ€ge de Conflans-Sainte-Honorine (France), a eÌ teÌ deÌ capiteÌ aÌ€ la mi-octobre par un jeune de 18 ans, suite aux appels au meurtre diffuseÌ aÌ€ son eÌ gard sur les reÌ seaux sociaux. Son crime : avoir montreÌ et commenteÌ des caricatures de Mahomet aÌ€ ses eÌ leÌ€ves, dans le cadre d’un cours sur la liberteÌ d’ex- pression. Avant d’analyser ces exemples, le professeur avait inviteÌ celles et ceux qui pouvaient eÌ ventuellement eÌ‚tre choqueÌ s aÌ€ quitter la classe. Mais le simple fait de preÌ senter ces dessins, dont l’un com- prenait le propheÌ€te nu et dans une pose provocante clairement plus oseÌ e que d’autres, aura suffi. La haine de certains parents a eÌ teÌ telle que l’enseignant en a perdu la vie.

On pourra bien suÌ‚r consideÌ rer que tout cela se passe en France, que la notion de laïciteÌ n’y est pas la meÌ‚me qu’en Belgique, et estimer que, meÌ‚me si c’est bien triste, en deÌ finitive cela ne nous concerne pas directement.

Pas si suÌ‚r. AÌ€ l’heure actuelle, il nous appartient tous d’eÌ‚tre reÌ volteÌ s aÌ€ propos de la manieÌ€re inhumaine dont cette question de convictions (ou de non convictions) a eÌ teÌ jugeÌ e et exeÌ cuteÌ e par des personnes se revendiquant d’une religion. Certes, on peut consideÌ rer qu’il appartient aÌ€ chaque musulman de deÌ cider s’il peut, ou non, repreÌ senter (et a fortiori caricaturer) le propheÌ€te. Mais, quelle que soit sa religion, aucun croyant ne peut s’octroyer le droit de –˜punir’ toute autre personne ne partageant pas ses croyances. La liberteÌ d’expression est la face –˜pile’ de la pieÌ€ce dont l’autre versant repreÌ sente la liberteÌ de penseÌ e.

Hormis dans une socieÌ teÌ totalitaire, chacun peut penser ce qu’il veut. Et personne ne peut imposer aÌ€ l’autre sa manieÌ€re de croire, ni ce qu’il croit. Or, jusqu’aÌ€ preuve du contraire, nos socieÌ teÌ s ne peuvent eÌ‚tre qualifieÌ es ainsi. Et ce meÌ‚me si l’on entend parfois des avis contraires, deÌ nonçant, notamment aÌ€ propos des mesures anti-covid, le risque de totalitarisme vers lequel certaines restrictions de liberteÌ pourraient nous diriger.

On attribue souvent au philosophe britannique John-Stuart Mill (1806-1873) le ceÌ leÌ€bre adage « la liberteÌ des uns s’arreÌ‚te ouÌ€ commence celle des autres  ». La liberteÌ ne consiste pas aÌ€ s’arroger le droit de tout pouvoir faire, sans limites. On ne peut, en son nom, aller aÌ€ l’encontre d’autrui. Cela vaut pour le respect (ou le non-respect) des mesures de protection contre la pandeÌ mie, comme pour celui de la liberteÌ de penseÌ e de tous les individus. Il appartient aux parents d’inculquer cet art de vivre ensemble aÌ€ leurs enfants. Et il releÌ€ve de l’enseignement de conforter cet apprentissage, ou d’eÌ ventuellement pallier les deÌ saffections rencontreÌ es aÌ€ ce propos dans le cercle familial. AÌ€ ce titre, le professeur assassineÌ eÌ tait pleinement dans son roÌ‚le et avait fait preuve d’un vrai respect de l’autre en proposant de sortir aux eÌ leÌ€ves potentiellement mal aÌ€ l’aise vis-aÌ€-vis des dessins.

Sans toleÌ rance, eÌ coute et respect vis-aÌ€-vis de chaque autre, le monde court aÌ€ sa perte. Et est heÌ las bien parti dans cette direction. S’il n’est pas trop tard pour le dire, il est urgent de crier qu’il faut se ressaisir. Et chacun doit y contribuer. En eÌ tant porteur d’espoir. Envers et contre tout.

Frédéric ANTOINE

Rédacteur en chef

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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