VIVE LA CULTURE !
Dans une récente interview, le président d’un parti démocratique francophone s’interrogeait sur l’opportunité de maintenir un ministère de la Culture. Une provocation de plus ou une idée fondée ? La sortie était cependant inélégante, puisque son parti as- sure la ministre-présidence de la Fédération Wallonie Bruxelles et que l’encre des négociations pour la constitution de ce gouvernement – issu des élections de juin 2024 – était à peine sèche.
Mais la sortie médiatique pouvait aussi froisser le “partenaire” de majorité qui détient le maroquin de la Culture... Une petite réaction de la ministre de tu- telle a cependant remis les pendules à l’heure. Sans grand fracas, laissant entendre que l’on serrerait sans doute les dents pour ne pas faire tanguer le nouveau navire...
Quelques acteurs importants du secteur culturel ont aussi pris la parole pour dénoncer cette sortie jugée déplacée. Le directeur du Théâtre de Liège, Serge Rangoni, répliquait que si l’on propose « de supprimer le ministère de la Culture, ce n’est donc pas seulement une illustration de la lourdeur politique belge ou une provocation médiatique, c’est aussi la proposition d’un autre modèle de société : celui où le commun doit être, le plus possible, défini par l’individu. » (Le Soir, 12/01/25)
Même si elle relève surtout de la punch line, la sortie présidentielle s’inscrit toutefois dans une logique où l’intérêt privé et individuel passe avant l’intérêt collectif, où il s’agit de brider les acteurs de la régulation et de laisser aux forces du marché une nouvelle pseudo-régulation... Rien de bien neuf donc, dans l’affirmation d’une tendance de fond prônant moins d’État et moins de services publics ou attaquant les corps intermédiaires.
Une autre voix – celle du metteur en scène Fabrice Murgia - s’est aussi fait entendre pour davantage mettre l’accent sur la manière dont ces sorties médiatiques interfèrent dans l’espace public : « Ce phénomène, illustré par la théorie de la fenêtre d’Over- ton, consiste à introduire des idées marginales ou choquantes – situées donc “en dehors” des discours admis ou habituels – pour, peu à peu, les normaliser. Ainsi, à partir d’allégations polémiques, une personnalité politique peut tirer deux bénéfices. Tout d’abord, exister médiatiquement, faire le buzz. Mais aussi, déplacer insidieusement les limites de l’acceptable. » (Le Soir, 05/01/25)
Dans le landernau socio-culturel et politique, ces sorties font naître une question : faut-il réagir ? S’il est difficile de le faire à tous les tweets, la portée d’une interview est sans doute plus conséquente. Déserter l’espace public sans réaction ne risque-t-il pas de ne laisser cet espace envahi uniquement que par une seule voix ? La démocratie comme espace de dialogue et de confrontation mérite une attention de tous. Elle doit être investie comme espace de liberté et d’émancipation.
Comme la culture, en somme, comme espace de création et de liberté de penser autrement.
Stephan GRAWEZ
Rédacteur en chef adjoint