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JODIE DEVOS : « La musique transcende nos émotions »

Révélée au grand public par le Concours Reine Élisabeth, Jodie Devos, jeune cantatrice de 26 ans, garde la tête sur les épaules et voudrait dépoussiérer la musique classique.

Chanteuse d’opéra, c’est un métier intrigant, un choix rare, presque d’un autre temps. C’est pourtant le choix de Jodie Devos. Elle découvre le plaisir de chanter, à l’âge de cinq ans, lors d’une « Semaine chantante » à Neufchâteau, et depuis, cette passion pour le chant ne l’a plus quittée. Comme on n’écoute pas de musique classique à la maison, à l’époque, elle se rêve en Céline Dion. Elle impose à ses parents sa décision de s’inscrire en art de l’expression à l’Institut Saint-Joseph à Ciney, pour y travailler sa voix et perfectionner sa technique. Elle poursuit ensuite sa formation à l’IMEP, l’Institut Supérieur de Musique et de Pédagogie à Namur. Avec son premier professeur, elle découvre très vite sa voix d’opéra, cette voix si particulière qui ne vient pas de la gorge, mais du corps. La connexion entre sa voix et son corps se fait naturellement et la sensation physique qu’elle éprouve en chantant l’opéra la bouleverse complètement. Au sortir de l’IMEP, elle pense déjà au Concours Reine Élisabeth. Ce concours prestigieux, qui tente de vulgariser la musique classique pour le grand public, est un vrai tremplin dans une carrière. Le timing est idéal, il lui reste deux ans pour parfaire sa formation à la Royal Academy of Music de Londres.
En Angleterre, la musique a une place dans l’enseignement bien plus importante qu’en Belgique où elle tend à disparaître, parce que « ça ne sert à rien ». En allant dans des écoles primaires présenter la musique de chambre, elle découvre que les enfants sont beaucoup plus sensibles et réceptifs à la musique classique qu’on ne le croit. Cela va à l’encontre de l’idée reçue que c’est une « musique de vieux ».

UN ENVOL LOURD

En mai 2014, elle décroche le deuxième prix du Concours Reine Élisabeth. L’épreuve se déroule dans une bonne ambiance. Elle y découvre la connivence, l’admiration réciproque et l’échange de conseils. Ce prix est une chance inouïe dans une carrière de cantatrice, mais la pression est énorme. Elle qui aime chanter le jazz avec son fiancé, qui l’accompagne à la guitare, elle qui aimerait dépoussiérer le classique, elle est consciente que certains choix professionnels pourraient la décrédibiliser. Ouvrir certaines portes vers d’autres styles musicaux pourrait lui fermer d’autres portes. « La musique pourrait nous réunir, quel que soit son style et il est dommage que certains puristes voient d’un mauvais œil le mélange des genres. Les mentalités doivent évoluer. »
Parce qu’elle se sent comédienne dans l’âme, elle aimerait faire carrière dans l’opéra. Elle éprouve un plaisir immense à jouer et à chanter, et dans l’opéra, on chante avec tout son corps. Mais l’art lyrique est aussi une école d’humilité. Elle est soprano colorature, une tessiture qui lui permet de chanter des notes très aiguës et de faire des vocalises très rapides, mais elle ne peut pas tout chanter. « Je sais que je ne pourrai jamais chanter Madame Butterfly que dans ma douche, parce que je n’ai pas la voix pour cela. »
La voix est un outil précieux dont il faut prendre grand soin. Le métier est comparable à celui d’un athlète de haut niveau et l’hygiène de vie est importante. Il faut être en forme pour chanter et avoir du tonus. La voix a besoin de tout le corps. Quand on chante Mozart, il faut une maîtrise totale de son corps et de sa respiration.

FORMER DES CITOYENS

Même si elle a reçu une éducation catholique, Jodie Devos s’est aujourd’hui fortement éloignée de l’Église. « Je n’aime pas trop ce que l’homme a pu faire de la religion, de Dieu et la façon dont il l’utilise. C’est une des raisons pour lesquelles je n’ai pas envie de croire. Je crois en ce que l’homme laisse sur terre. La musique fait du bien et aide à faire le bien, elle transcende les émotions. La musique aide à trouver son propre moi, elle apprend le respect des autres et de soi. » Et lorsqu’un jour un professeur d’histoire lui dit : « Vous formez des musiciens, moi des citoyens », elle bondit et s’indigne : « Moi aussi, par la musique, je forme des citoyens. »

Jean BAUWIN

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