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La rentrée des livres

ELLE S’APPELAIT Simona. En 1998, elle entamait des études
supérieures de tourisme à l’université Saint-Joseph de Beyrouth.
Catholique, francophile, son projet était de trouver ensuite un emploi
dans le secteur des loisirs. On disait alors que le Liban avait toutes les
chances de se développer dans le tourisme. Grâce aux nababs des
Émirats, qui adoraient passer leurs vacances au pays du Cèdre. Et grâce
aux Européens, qui devaient être séduits par les charmes antiques de ce petit
pays vieux comme le monde. Et notamment par les impressionnantes ruines de
Baalbeck, en pleine vallée de la Beeka. J’avais, à l’époque, raconté son histoire
dans L’appel (1), évoquant l’élan de renouveau qui marquait le pays. Après des
années de guerre, il avait retrouvé la paix. Les villes se reconstruisaient, Beyrouth
n’avait plus besoin de ligne de démarcation. L’espoir renaissant.

Qu’est-elle aujourd’hui devenue, la jeune fille rencontrée il y a huit ans ?
Simona doit avoir 25 ans. A-t-elle pu, ne serait-ce qu’un temps, réaliser le
rêve professionnel qu’elle m’avait confié ? Est-elle forcée, comme ses
compatriotes, de se terrer chaque nuit dans un abri ? A-t-elle quitté
Beyrouth ? Les routes étaient-elles encore praticables ?

A-t-elle fui ? Ou avait-elle déjà auparavant pris le chemin de l’exil, comme
ces autres jeunes Libanais rencontrés à l’époque. Pour eux, il n’y avait pas à 
discuter : en 1998, le Liban était déjà sans avenir. Leur seul espoir, c’était de
partir à l’étranger. Malgré l’impression de richesse, le farniente des plages
et le nombre de grosses voitures, ils ne croyaient pas à la relance, et se
savaient assis sur un baril de poudre. Mais ils pensaient que, comme par le
passé, l’explosion viendrait de l’intérieur. Des difficultés à vivre entre les
communautés du pays.

Un beau jour de juillet 2006, tout a sauté suite à une invasion perpétrée de
l’extérieur, par un pays dont le gouvernement ne sait pas ce que respecter
les frontières d’un État veut dire. Un gouvernement qui n’a aucun égard
pour les populations, les infrastructures. Et bombarde tout avec allégresse,
sans se soucier des vies arrêtées et des milliers de drames occasionnés.
Un ancêtre de ce pays agresseur reçut jadis de Dieu un bien inestimable : les
dix commandements. Plus tard, un autre enfant de ce pays les fit siens, à sa
manière. L’un et l’autre sont formels : Dieu a dit : « Tu ne tueras point ».
Cet été, le Liban en a fait chaque jour l’expérience. Inhumaine.
Inacceptable.

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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