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Paix à vos cendres ?

ILS semblaient bien
ringards, ces derniers
temps. Et bien
discrets. Il fallait être
un « ancien Belge »
pour encore sortir les
couleurs nationales le 21 juillet
ou le 11 novembre,
comme cela se faisait jadis.

Quant aux victoires de
Justine, on ne peut pas dire
qu’elles aient suscité de cris
de joie tels qu’ils poussaient
à arborer fièrement le drapeau.

Il fallait remonter à la mort
du roi Baudouin, en 1993, pour avoir vu des étendards en berne sur quelques
façades...

Il y a près de quinze ans.

C’est que les opinions, chez nous, c’est chacun pour soi. On ne les affiche surtout
pas en public. La foi est une affaire privée. Et cà´té politique, c’est bien
assez déjà de devoir les affirmer quand on est obligé d’aller voter ! Pour le
reste, on ne parle pas politique. On se contente d’en rire, et de se moquer de
certains des personnages « phénomènes » qui y font carrière. En rire, à défaut
d’en pleurer...

Et puis voilà que, depuis un bon mois, les couleurs noir-jaune-rouge commencent
à fleurir aux balcons, aux quatre coins de Wallonie et de Bruxelles.

« Les Belgicains sont de retour ! », interprètent rapidement certains médias.
Bruxelles et la Wallonie compteraient-ils tant de nostalgiques d’un heureux
passé où, dans un État unitaire, la francophonie damait le pion aux
« Flamins » ? Pas sûr. Bien des jeunes et de jeunes adultes sont prêts à entrer
dans le mouvement, alors que pour eux la « Belgique de Papa » n’existe que
dans les albums de Tintin et les chromos de l’Expo 58.

Pour beaucoup, arborer à sa fenêtre un drapeau belge a une autre signification.

Et si ces drapeaux étaient d’abord une façon de se manifester ? De clamer
sans le crier, pacifiquement : « Moi aussi, j’ai un mot à dire. » Sortir un symbole
pour remplacer une parole. Choisir l’expression permanente plutà´t que
le coup de gueule.

Afficher un drapeau, pour dire quoique ce soit, est essayer de reprendre la
parole. Revendiquer une place dans le débat social. Rappeler que les citoyens
ne peuvent se contenter de passer par les urnes, puis de déléguer et d’être
mis à l’écart. Vivre en citoyen consiste à être partie prenante au débat. Le
manifester en arborant un symbole est un acte de citoyenneté.

Ces actes sont sûrement le fruit d’une certaine émotion, comme ce fut le cas
lors des « Marches blanches ». Mais ils démontrent aussi que tout homme
peut se réapproprier son futur. On a souvent dit la démocratie était
amorphe, voire morte, en Belgique. Les événements récents montrent le
contraire. On ne peut que s’en réjouir.

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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