La précarité des jeunes à l’école

La précarité des jeunes à l’école

Durant ce mois, Action Vivre Ensemble met en avant les importantes inégalités qui frappent les plus démunis dans le monde scolaire. Elles doivent y être combattues, comme en bien d’autres milieux où l’association soutient des acteurs de terrain.

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Publié le

24 novembre 2025

· Mis à jour le

24 novembre 2025
Une femme à côté d'une jeune enfant qui écrit sur un banc d'école
CONTRE LA PRÉCARITÉ. Soutenir les jeunes dans et hors écoles.

« Le poids du cartable – Quand la précarité pèse sur le droit à l’éducation » est le titre du dossier publié par Action Vivre Ensemble (AVE) qui invite à lutter contre les pauvretés et exclusions sociales en Wallonie et à Bruxelles depuis les années 70. Il entend sensibiliser l’opinion publique à ce droit fondamental qu’est l’éducation. Et particulièrement dans les communautés chrétiennes en vue de Noël, fête de l’incarnation de Jésus de Nazareth au sein d’une famille précaire, comme le sont aujourd’hui celles des 25% des enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté en Wallonie, pourcentage qui grimpe à 40% à Bruxelles.

LE RÔLE DE L’ÉCOLE

Cette invitation rejoint l’appel du pape Léon XIV à mettre les pauvres au cœur des préoccupations. Lancé en octobre et destiné à la fois à l’Église catholique et à la civilisation, il figure dans sa première Exhortation apostolique Dikexi te – Je t’ai aimé présentée comme l’aboutissement d’un projet initié par le pape François à la fin de sa vie et dénonçant « la dictature d’une économie qui tue ». Il encourage, à son tour, à mener de nouvelles initiatives de soutiens et d’aides aux plus démunis, ainsi que cela a été redit en novembre dans le message papal pour la neuvième Journée mondiale des pauvres dans l’Église catholique.

Le dossier d’AVE, accompagné d’une vidéo, rappelle les quatre grands rôles de l’école à l’égard des enfants : l’instruction,la socialisation, l’utilité à remplir pour la société et l’épanouissement personnel. Des propos appuyés par Nadia Echadi, enseignante et fondatrice de l’ASBL Maxi-Liens, et par Catherine Beauthier, ancienne enseignante et attachée à ATD-Quart-Monde, toutes deux conscientes du lourd contexte bruxellois, ainsi que par l’AMO Le Cercle, un service d’accueil pour jeunes à Ciney. 

INÉGALITÉS CREUSÉES

Prolongeant de précédents dossiers annuels et de régulières analyses (Pauvreté et humiliation et L’Arizona à l’assaut de la social-démocratie), celui-ci note que, « pour beaucoup d’enfants de milieux défavorisés, l’école, plutôt que de gommer les inégalités, a tendance à les creuser. En matière d’éducation, la Belgique est un des plus inégalitaires parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En cause, notamment, un modèle de plus en plus calqué selon un système néo-libéral et compétitif ». Déplorant qu’une concurrence au sein des établissements scolaires alourdisse « un cartable déjà lourd pour de bien fragiles épaules », il estime qu’il faudrait « permettre à chaque enfant, quel qu’il soit, de grandir avec les mêmes chances ».

Il est donc évidemment question du rôle et des réalités de l’institution scolaire avec « les inégalités creusées et renforcées par un système défaillant ». « Si l’école était meilleure avec un jardin vert, du savon dans les toilettes et des activités complémentaires, ma vie serait plus facile », témoigne un écolier. Plusieurs propositions sont avancées : « réellement réinventer l’école » ; « garantir à chaque enfant la gratuité complète de l’enseignement passant notamment par la mise en place d’un repas gratuit » ; « lutter contre la relégation scolaire à l’origine de nombreux destins brisés et qui ne fonctionne pas telle qu’elle est pratiquée ». « Réduire les inégalités à l’école, c’est donner les mêmes chances à chaque enfant, c’est donc, in fine, prévenir la pauvreté et l’exclusion sociale, question éthique, de dignité humaine et de justice sociale », conclut le dossier.

UN SLOGAN CONTESTÉ

Alors que l’invitation « Si on réinventait l’école », répétée dans les différents documents d’AVE, paraît opportune dans le contexte politique actuel, par contre, le slogan « L’école fabrique d’inégalités ? », qui figure sur l’affiche de campagne, a suscité des réactions contrastées, malgré son point d’interrogation. Aux yeux d’un professeur à la retraite, militant de longue date à AVE et engagé dans les mondes carcéral et paroissial, cette étude relève « de graves réalités, au sujet desquelles il n’est pas nécessaire de revenir aux travaux bien connus du sociologue français Pierre Bourdieu pour les comprendre, alors que pas mal d’enseignants – pour ne pas dire plus ! – n’en sont pas conscients ». Il reconnaît certes en avoir rencontré de très généreux, mais qui ne comprenaient pas dans quel système ils fonctionnaient.

En se basant aussi sur son passé professionnel, un autre enseignant retraité, également bénévole AVE-EF et membre de mouvements chrétiens, émet des réserves sur ce slogan. En effet, regrette-t-il, « il touche les profs et démotive ceux d’entre eux qui auraient préféré le “Si on réinventait l’école”. Il y a comme un sentiment d’acharnement : c’est la société qui crée des inégalités que l’école n’arrive pas à gommer ». Il poursuit : « Pas d’accord aussi de mettre les parents à l’écart, même s’il est vrai que les profs ont du mal à avoir des contacts avec ceux qui ne sont souvent pas demandeurs. La religion musulmane empêche l’ouverture à des loisirs, mais l’école et les profs essaient tant bien que mal d’orienter les élèves vers ceux-ci. Il y a effectivement un problème de communication qui ne vient pas de l’école. »

À cela s’ajoute cet autre écho selon lequel « des professeurs accompagnent leurs élèves parce qu’ils les apprécient et les aiment, tels qu’ils sont, tout autant que leurs familles, même si c’est loin d’être souvent facile à vivre. D’autant plus que les enseignants vont, tout comme bien d’autres, être touchés dans leur métier et dans chacune de leurs vies par les décisions politiques déjà prises ou annoncées ou encore à craindre. Si bien qu’ils mériteraient d’être plus soutenus et accompagnés pour ce qu’ils continueront à faire pour l’avenir des jeunes et des familles, spécialement les plus précaires. ».

DES ACTEURS SOUS PRESSION

En ne se limitant pas à l’école, AVE soulève également la question de la précarité infantile au sein du secteur en crise de la petite enfance. À cause des conditions de logement, d’une mauvaise alimentation, du stress, de la pauvreté répétée de génération en génération et du nombre des familles monoparentales, « les situations de pauvreté affectent durablement l’enfant dès son plus jeune âge et même avant sa naissance ». Et quid de « l’après-école » ? Selon Bernard de Vos, précédent délégué aux droits de l’enfant en Wallonie et à Bruxelles, « l’enfant ne se réduit pas à l’école et à la famille. D’autres compétences doivent être mises en œuvre en matière d’expression, de participation, de créativité ; il est important que cela soit structuré et encouragé au travers des activités extrascolaires ».

Au cours des assemblées associatives qui ont précédé la campagne, les acteurs de terrain ont souligné l’importance des accompagnements et soutiens émanant d’AVE, vu que les différents pouvoirs publics réduisent, voire suppriment des subsides au monde associatif, mettant dès lors sous pression ses travailleurs et bénévoles. Lors de la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté, le 17 octobre à Namur, on a rappelé qu’à côté du droit à l’éducation, il ne faut pas oublier ceux à l’alimentation et à la culture. À Gaza, enfants, jeunes et familles n’ont plus d’écoles, de dispensaires et d’hôpitaux. Et c’est aussi le cas ailleurs.

Jacques BRIARD

avent.vivre-ensemble.be/ Action Vivre Ensemble compte BE91 7327 7777 7676 – Communication : 7338.

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