Christelle Delbrouck, une comédienne vraie, engagée pour des valeurs
Christelle Delbrouck, une comédienne vraie, engagée pour des valeurs
« Le rire est le chemin le plus court entre deux personnes. » Tel est l’adage – parmi d’autres – de Christelle Delbrouck. Pour cette comédienne d’origine ardennaise, l’humour, l’amour du terroir, la comédie sociale, l’impro et la langue wallonne, « si chaleureuse et si réconfortante », constituent le terreau de base de son métier. Un métier qu’elle place sous le signe du sens et du collectif.
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Rien ne prédestinait vraiment Christelle Delbrouck à devenir comédienne. Enfant, elle est plutôt timide et réservée. Puis, vers douze ans, elle commence à jeter quelques vannes, qui en font la “marrante” de la classe. « À ce moment-là, j’ai pris ma place, car on ne tire jamais sur le clown », argue-t-elle. Si, plus tard, elle se fait remarquer dans la pièce de rhéto, où elle excelle, elle oublie un peu tout ça, poursuit un cursus de langues romanes à l’UCL et devient prof de français. Sauf que, entretemps, elle a commencé l’impro, et cela lui plait vraiment. Poussée par ses amis, elle reprend des études au conservatoire et entame une nouvelle carrière : celle de comédienne.
UN CARACTÈRE TREMPÉ
Plus proche de Yolande Moreau (qui l’inspire) que de Monica Bellucci, elle affirme très vite son caractère trempé, proche des gens, dont l’humour décalé, parfois noir, peut faire rire jaune. « L’important, pour moi, est de faire passer un message. Surtout celui des femmes de plus de 40 ans du monde rural. Ce sont elles qui font bouger les choses au sein de leurs petites communautés, et pourtant, on n’en parle jamais. Il faut savoir que, dans la province du Luxembourg, dont je suis issue, les gens sont vraiment livrés à eux-mêmes et sont donc amenés, par la force des choses, à trouver des solutions plus vite et mieux que les autres. Ces gens “oubliés” mettent en place des solutions pérennes à leur petite échelle de façon remarquable. »
Christelle Delbrouck, c’est un peu Madame dix mille volts, entre l’impro, la radio, le théâtre de rue, le tournage de films… Elle a notamment à son actif la mini-série télévisée Chez Nadette de Thierry de Coster, aujourd’hui disponible sur Auvio (auparavant diffusée avant le JT de 19h30 sur la RTBF). Elle y est Nadette, la maman solo de Pauline (Laura Fautré). Toutes deux tiennent le bistrot du village où tout le monde passe, et où tout se passe (dans la vraie vie, sa mère tenait aussi un bistrot). Le fil rouge de l’histoire se situe autour de la condition féminine en milieu rural, le tout en wallon. « Le wallon est réconfortant et chaleureux. Lorsque je l’entends, j’ai l’impression que rien ne peut m’arriver… Ma grand-mère parlait wallon, ça vient sans doute de là. C’est la langue du cœur. Pour moi, parler en wallon, c’est presque un combat politique, car j’ai l’impression que l’uniformisation actuelle enlève une partie de l’identité de qui l’on est. »
RÉSILIENCE TERRITORIALE
« Laisser la parole à ceux que l’on n’entend jamais », tel est l’un des crédos de cette quadragénaire. À travers les femmes rurales mises en scène dans Chez Nadette, certes, mais pas uniquement. « Je me sens par exemple très proche de Louis-Julien Petit, le réalisateur de Discount, une comédie sociale qui met le collectif en avant et permet de créer de la joie dans la diversité. Ça, ça me fait vraiment vibrer. » Fidèle à ses valeurs, elle vient de finaliser onze jours de tournage du film Des jours meilleurs, basé lui aussi sur le collectif. Et a récemment terminé un gros projet de récolte de la parole à Ottignies-Louvain-la-Neuve. « Il s’agissait de goûters au cours desquels on écoutait les angoisses des gens. De là, on a créé un cabaret citoyen avec les habitants sur le thème de la résilience territoriale. En gros, on est parti de la vie réelle des gens pour créer un spectacle. Ce projet initié par la Région wallonne s’est terminé fin octobre. »
Dans ce même esprit de comédie sociale, Christelle Delbrouck a effectué, avec une compagnie namuroise, un tour de la Wallonie au cours duquel elle est allée à la rencontre de jeunes de 16 à 30 ans afin de leur laisser, là aussi, la parole. « On a développé un dispositif théâtral dans les écoles, les universités, les IPPJ, etc., pour récolter leur voix, puis la transmettre dans un rapport à destination de la Région wallonne. »
LE CHOIX DU SENS
À 45 ans, cette comédienne tout-terrain peut désormais se targuer de pouvoir choisir ses projets. « J’opte toujours pour le sens, alors qu’autrefois, j’étais parfois un peu contrainte dans mes choix. Si cela m’intéresse et qu’il y a du sens, je fonce. Et ce, même si ça ne paie pas bien. » À l’heure actuelle, elle est chroniqueuse dans l’émission radio Salut les copions sur la Première, diffusée tous les jours de 16h à 17h. Au menu : humour, gai savoir et culture générale autour de l’actu, de l’histoire, de la géographie, des animaux, de la technologie, des grandes célébrités… Elle participe par ailleurs à Zoom, au Petit Chapeau Rond Rouge, à Bruxelles, un spectacle d’impro qui réunit cinq femmes sur scène portant une création éphémère et spontanée de plus d’une heure. Chaque représentation propose donc un nouveau spectacle instantané et original.
Dans Rugueux, un one-woman show également basé sur l’improvisation avec lequel elle tourne depuis plusieurs années, elle n’hésite pas à aborder des sujets qui fâchent, pas forcément “politiquement corrects”. Avant le début du spectacle, elle se promène dans les lieux publics, écoute les sujets de conversation, y participant de temps en temps. En s’inspirant directement des propos entendus, de la presse du moment et d’échanges avec le public avant et pendant le spectacle, elle donne naissance à des séquences improvisées. « Je vais vraiment chercher les thématiques qui hérissent les gens : parfois ils rient jaune, se fâchent… Mais, pour moi, l’important reste le collectif, l’échange direct pour donner forme aux idées. Je suis anti-développement personnel, mais pour le développement collectif ! L’être humain est un être grégaire et il a besoin des autres pour être heureux. Malheureusement, le covid a mis à mal sa capacité à se rassembler. Non seulement durant le confinement, mais même après. En effet, les gens ont mis du temps à oser se regrouper à nouveau. Ils étaient inquiets. Il y a vraiment eu des séquelles post-covid. Aujourd’hui, cela semble heureusement derrière nous. »
Si Christelle Delbrouck n’hésite pas à affronter tous les sujets, y compris les plus âpres, il existe pourtant une limite à son humour : se moquer des “petits”, comme elle les appelle. Entendez par là les “petites gens”, les citoyens lambdas, le gars de la rue… « J’ai beaucoup de mal avec les canulars téléphoniques, les caméras cachées, etc. Je préfère de loin que l’on se moque des puissants plutôt que de ceux qui en subissent déjà assez ! » Un avis qui fait… sens !
Virginie STASSEN
Zoom, au Petit Chapeau Rond Rouge, les 13/01, 24/.02, 06/04 et 15/06 à 20h30. lepetitchapeaurondrouge.be