Des bâtisseurs de possibles
Des bâtisseurs de possibles
Depuis plus de vingt-cinq ans, l’ASBL Escalpade se met au service de parents qui s’unissent pour tenter de créer des lieux d’accueil adaptés pour leurs enfants handicapés moteurs. Une action toujours recommencée lorsque les enfants grandissent.
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À l’extrémité du lac de Louvain-la-Neuve, adossée à la ferme équestre, s’élève une école apparemment semblable à toutes les autres. Des dessins de cloches et d’œufs aux fenêtres, saison de Pâques et de printemps oblige. Comme l’arbre en fleur au milieu de la cour. C’est l’heure de la récréation avec les mêmes cris qu’ailleurs. Des garçons et filles juchés sur des tricycles tournent dans la partie de la cour qui leur est réservée. Un enfant pousse un autre installé dans une poussette. Un petit groupe discute assis par terre. Plus loin, un élève s’accroche à un chariot mobile dont il se sert comme tribune pour avoir le pas plus sûr. Ça joue à se courir les uns après les autres en s’inventant, à force de gestes et de discussions, des règles à respecter ou pas. Un ballon passe au-dessus de la haie qui fait office de clôture. Une dame le ramasse et le renvoie dans un vibrant « merci » lancé par un chœur d’une dizaine de voix. Cette école a pourtant quelque chose de particulier : construite de plain-pied, ses murs ont le goût du chocolat. « Chaque année, nous vendons des pralines dans des boîtes qui représentent des briques, précise Martine Mortelmans, coordinatrice de l’ASBL Escalpade qui gère l’établissement. Ces briques sont vraiment nos meilleures ambassadrices. Elles nous offrent une grande visibilité et nous donnent l’occasion d’entretenir les murs existants, tout en nous attelant à d’autres projets qui nécessitent de nouvelles constructions, grâce à toute une série de généreux donateurs qui nous soutiennent depuis très longtemps. »
DES ÉCOLES QUI GRANDISSENT
Tout débute en 1997, quand six parents se désolent de ne pas trouver de solution adaptée pour assurer la scolarité de leurs enfants handicapés moteurs. Ils décident alors de se regrouper et de créer eux-mêmes une première classe. Pour pouvoir commencer à exister en tant qu’école, ils doivent rejoindre un pouvoir organisateur. Et, naturellement, c’est à l’école Escale, qui accueille à l’époque des enfants hospitalisés à Ottignies, qu’ils s’accrochent. Leur classe est, dans un premier temps, abritée au monastère de Clerlande, avant de déménager dans les locaux de l’école Le Gai Savoir à Limal. Il faudra attendre près de trois ans pour que l’école puisse être autonome et soit reconnue par la Fédération Wallonie Bruxelles. Celle-ci constatant qu’elle répondait à un besoin, que sa structure était saine et qu’elle allait grandir en même temps que les enfants.
L’ASBL Escalpade prend alors son envol en se donnant un nom qui illustre parfaitement sa spécificité. « Nous avons gardé le mot “escale” qui porte en lui le nom des origines, mais aussi des notions de répit, en le combinant avec “escapade”, qui ouvre à tous les possibles. Cela raconte à la fois tout notre historique depuis le début et les buts que nous poursuivons. Nous savons que nous répondons toujours à une demande de parents sans solution. Nous les aidons à assumer l’accompagnement de leur enfant handicapé qui ne peut être accueilli dans une école ordinaire à cause de son handicap. » Un bâtiment a été construit sur le site de Louvain-la-Neuve pour cet établissement en pleine expansion qui reçoit aujourd’hui soixante-six élèves. Afin que ceux-ci puissent poursuivre leur scolarité au terme du primaire, une école secondaire a été ouverte. Située à Limal, également accessible aux enfants malvoyants et mal entendants ne trouvant pas d’école de ce type dans les environs, elle accueille quatre-vingt-trois élèves.
UN CENTRE D’ACCUEIL DE JOUR
Juste à côté de l’école se dresse un bâtiment qui abrite ce qui s’est avéré indispensable : un centre de jour. Créé en 2016, ce lieu héberge des jeunes qui, ne pouvant pas rejoindre un atelier protégé, auraient donc dû rester à la maison à charge de leurs parents. « Cette obligation est très frustrante pour celui ou celle qui a passé douze ans à Escalpade en étant entouré des soins et d’attentions spécifiques à son handicap. Ces personnes demandent une attention de vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cela représente une tâche énorme pour les parents avec des problèmes de renoncement à un emploi, de vieillissement ou de burn-out. Sans compter les difficultés financières liées à cette situation. C’est vraiment un gros souci pour ces familles. »
Tout ici est fait pour un accueil parfaitement adapté à un public porteur de handicap. De grands espaces favorisent la circulation des personnes en fauteuil électrique ou munis de coques. De petits locaux permettent à chacun d’aller vaquer aux activités qu’il s’est choisies pour la journée : un lieu cuisine, un atelier de menuiserie, un local Snoezelen avec lumière douce, musique adéquate et matelas à eau et coussins pour la détente et le repos…
« Le matin, les vingt-huit personnes qui vont passer leur journée ici sont accueillies par une équipe de dix éducateurs, plus quelques bénévoles, commente la responsable. Ces retrouvailles sont suivies d’un petit déjeuner partagé. On papote, on se sent bien et en sécurité. Escalpade est comme une grande famille où chacun peut se sentir autonome au sein d’un groupe. C’est à ce moment-là que chacun exprime ses envies pour la journée. Ils peuvent s’inscrire à l’un ou l’autre atelier. Tout est possible, mais on offre un cadre, ce qui permet à l’équipe pédagogique de s’organiser. De plus, chacun a l’occasion d’envisager des projets à plus long terme, des projets de vie. Par exemple, monter à cheval dans la ferme équestre toute proche. Et même si on met plusieurs années à le réaliser, on se donne un but et on y arrive. Les éducateurs sont des porteurs d’une énergie nécessaire quand l’un ou l’autre a un coup de mou. L’esprit doit toujours rester positif, tendu vers des projets à court ou à long terme. C’est ce moteur de l’équipe qui fait que celles et ceux qui sont accueillis ici sont toujours souriants, prêts à s’entraider, heureux de se retrouver tous les jours avec tout ce qu’ils s’apportent entre eux. »
RÉPONDRE À DES BESOINS
Chez Escalpade, tout part toujours d’un manque à combler, d’une sollicitation, et d’une écoute. À partir des besoins de parents d’enfants porteurs d’un handicap, l’association élabore avec eux des projets, en prenant le temps nécessaire pour étudier à fond leur demande. C’est une garantie de répondre le plus parfaitement aux besoins réels. « Ce que nous réalisons est indispensable pour les enfants porteurs de handicap et leur famille. Cela peut paraître un peu fou de se lancer dans des projets tout en ne sachant pas du tout si on va être soutenu par les autorités. Cela fait partie des gênes de la famille Escalpade de se dire qu’on ne va pas attendre quand l’urgence est là. »
ASBL Escalpade, rue de la Ferme des Bruyères 2, 1348 Louvain-la- Neuve. 010.24.49.99 – asbl@escalpade.be – escalpade.be