Dis moi ce qu’est le vent !
Dis moi ce qu’est le vent !
J’aime beaucoup ce verset de saint Marc, surtout dans la traduction de Frédéric Boyer, quand Jésus dit à la mer : « Silence ! Qu’on te bâillonne ! » Eh oui, le vent tombe.
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« Une fois réveillé, il s’en prend au vent » Marc 4, 39
Dans l’Évangile, le vent ne tombe pas toujours, heureusement ! Même Jésus le laisse souvent souffler. Lors de son entretien avec Nicodème, par exemple, ce notable juif qui vient le trouver de nuit et s’emberlificote les pinceaux en matière de grossesse lorsqu’il est question de « naître d’en haut ». Comme il ne comprend pas cet appel à la nouveauté, Jésus lui explique : « Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. » (Jean 3, 7-8)
Le pasteur Nouis, à qui l’on doit un remarquable commentaire de l’Évangile, verset par verset, a eu la bonne idée d’imaginer qu’en rentrant chez lui Nicodème, qui n’y a toujours rien compris, interroge son serviteur :
– Dis-moi ce qu’est le vent !
Le serviteur lui répond :
– Le vent, c’est ce qui fait chanter les arbres lorsque la brise du soir rafraîchit la terre.
– Je ne t’ai pas demandé de me parler des arbres mais du vent.
– Le vent c’est ce qui fait danser les blés lorsque la moisson est mûre.
– Ne me parle pas de la moisson, mais du vent.
– Le vent c’est ce qui fait avancer le navire lorsque ses voiles sont gonflées.
– Dis-moi ce qu’est le vent !
– Maître, je ne peux pas répondre à la question car le vent ne peut s’attraper.
CEUX QUI S’EMBROUILLENT
Ce souffle qu’on ne retient pas, je l’ai souvent senti dans les propos d’Amin Maalouf, comme ce jour où il a fait l’Éloge du douteux et de l’inconnaissable. Après avoir expliqué comment le doute lui permettait de rester debout et d’avancer, il a précisé : « Je ne peux m’empêcher de croire que Dieu a de la tendresse pour ceux qui doutent, pour ceux qui s’interrogent (…) pour ceux qui brouillent les pistes et pour ceux qui s’embrouillent… »
Dans le même souffle, je suis très marqué par Goa Xingjian, prix Nobel de littérature, et son magnifique ouvrage La montagne de l’âme. Romancier, dramaturge, peintre et poète, Gao Xingjian brûlera un jour tous ses manuscrits et sera exilé à la campagne, très loin de Pékin. Pour échapper à la mort, le vent le pousse beaucoup plus loin encore, jusqu’à Paris, et même jusqu’à Louvain-La-Neuve où j’aurai le bonheur de converser une heure avec lui. Au moment de le quitter, il me dit : « Je suis émerveillé devant le miracle de la vie. » On ne peut pas retenir le vent.
DES LANGES DE NUAGES
Dans la Bible, « le vent se raconte des histoires pour n’être pas trop seul, confie Christian Bobin, le vent qui marche sur les eaux, le vent qui entre dans les maisons ». Un vent qui se déchaîne et provoque la tempête. Mais, au milieu de l’orage, « le Seigneur s’adresse à Job », nous dit un magnifique passage biblique, et l’interroge : « Qui donc a retenu la mer avec des portes quand elle sortait du sein encore bouillonnante ? Moi, je l’ai vêtue de langes de nuages, je l’ai bordée de nuit, j’ai verrouillé ses portes et je lui ai dit ; tu n’iras pas plus loin » (Job 38,8-11)
En pleine tempête, Jésus, qui a lu le livre de Job, menace le vent et calme la mer presque dans les mêmes termes. Le vent tombe, juste un moment, le temps d’entendre cette question : « Vous ne faites toujours pas confiance ? »
Il leur en faudra du temps, aux disciples, pour qu’ils comprennent qu’on ne retient pas le vent de la foi.
Gabriel RINGLET

Antoine NOUIS, Les Quatre Évangiles. Commentaire intégral, verset par verset, Lyon, Olivétan/Salvator, 2018. Prix : 45€. Via L’appel : – 5% = 42,75€.