Éric Boschman : « Je suis un petit poney ascendant bisounours »

Éric Boschman : « Je suis un petit poney ascendant bisounours »

Visage bonhomme et contours de bon vivant, Éric Boschman est un personnage truculent aux multiples casquettes : œnophile présent sur la scène médiatique (presse, radio, télé), chroniqueur, manieur de mots, auteur de dix-sept livres, humoriste… Il vit sa vie à 100 à l’heure, ce qui ne l’empêche pas de penser et de s’épancher.

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Publié le

29 mai 2024

· Mis à jour le

20 février 2025
Eric Boschman portant une chemise blanche et montrant un verre de vin rouge

Éric Boschman se définit d’abord comme un saltimbanque, « parce que ça permet aux cons d’être méprisants, et aux gens dotés d’une certaine sensibilité de voir à travers ma lorgnette », piaffe-t-il. Et aussi comme quelqu’un de curieux. « Pas dans le sens où les potins m’intéressent, mais, par exemple, parce que je veux toujours connaître l’origine du nom des rues où je vis. Paul Valéry a dit : “Il faut toujours savoir pourquoi”, et c’est ce que je tente d’appliquer. » 

Le sommelier a gardé ses révoltes d’enfant, celles qui touchent à l’injustice, à la méchanceté gratuite. « Bien sûr, en tant que personnage public, cela m’arrive souvent d’y être confronté, surtout via les réseaux sociaux. Je réponds toujours aux attaques, mais avec finesse, ce qui crée l’approbation de mes followers, et me permet de me faire plaisir en même temps. » Les réseaux sociaux ne lui ont pas amené que des revers puisqu’il s’y est aussi fait un ami, un vrai, de ceux qu’on n’oublie pas. « Malheureusement, il était très malade, et est décédé en septembre dernier. Nous avions créé une communauté et, après son décès, je suis devenu président de l’ASBL Fuck cancer qui promeut la détection des cancers de la prostate, dont il souffrait. Nous avons gardé le logo avec un doigt d’honneur, très explicite pour cet examen que beaucoup d’hommes rechignent à effectuer… Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une expérience facile, mais au moins peut-elle sauver des vies. »

UNE NATURE OPTIMISTE

Éric Boschman, à l’image de son visage rieur, est un optimiste intrinsèque. « J’ai déjà vécu avec une femme à qui on ne pouvait pas adresser la parole au réveil pendant une heure. De mon côté, il m’est impossible de me lever le matin de mauvais poil… Je suis heureux, en vie, et je n’ai pas de maladie. Je sais profiter du chant des oiseaux ou d’un morceau de fromage sur un bon pain. Je suis un petit poney ascendant bisounours, toujours prêt à croquer la vie. Mais je ne me laisse pas pour autant glisser dans la démesure : je n’ai été ivre qu’une seule fois, à l’âge de 19 ans. Beaucoup de copains sont morts d’avoir abusé. Et comme je n’ai pas l’intention de mourir tout de suite, je me ménage. »

Il y a près de huit ans, il perdait sa compagne des suites d’une longue maladie. « Je viens seulement de faire mon deuil, explique-t-il. Il y a trois ans, j’ai dégringolé d’une échelle à mon domicile – j’ai été emmené d’urgence à l’hôpital – et, dans ma chute, je suis tombé sur les trois photos d’elle grandeur nature qui ornaient toujours mes murs. Je les ai alors enlevées car j’avais peur qu’elles ne s’abîment à cause d’un plafond défectueux. Avant cet événement, je pouvais encore m’effondrer en larmes en tombant sur un souvenir, une photo… Maintenant, c’est passé. Ça doit être ça, “faire son deuil”. » Malheureusement, un malheur succédant souvent à un autre, il y a un an, le sommelier faisait face au trépas de sa mère. « Avec le décès de maman, j’ai compris que j’étais vraiment le fils de mes parents. J’ai aussi réalisé que si je m’étais beaucoup fritté avec ma mère, c’est parce que nous nous ressemblions énormément. » 

Quand on l’interroge sur l’après-vie, le trublion du vin se montre circonspect. « D’un côté, je ne crois en rien. Mais, de l’autre, je crois aussi que les gens qu’on aimait et qui sont partis sont toujours là, d’une façon ou d’une autre. J’ai reçu beaucoup de signes en ce sens. Je crois plus en l’homme qu’en Dieu, mais je crois aussi en l’art, la science, la littérature, la bonté, la résilience de la nature et de l’univers… Et au battement d’aile des papillons : chaque acte compte et a des conséquences. »  

LA RÉSERVE DES RÊVES

S’il en a déjà réalisé beaucoup (notamment la création d’un vignoble, actuellement en préparation dans la région de Chimay), Éric Boschman nourrit encore quelques rêves. « J’aimerais faire une croisière en voilier depuis les îles Grenadines, en passant par les Açores – où j’irais boire un gin-tonic – avant d’arriver à Lisbonne. J’aimerais aussi retourner à New York en bateau, ce que j’ai déjà fait deux fois. Je voyage énormément pour le boulot, mais je ne prends pas le temps de visiter les lieux qui m’accueillent. » Autre ambition : écrire un roman. « J’ai déjà été publié dix-sept fois, mais il s’agit de livres liés à la gastronomie. Dans un autre style, j’ai aussi écrit 50 nuances de gras, des nouvelles érotiques. »

À la veille de ses soixante ans, l’humoriste s’interroge sur le temps qui passe. « Avec l’infarctus vécu il y a quelques années et la mort de ma mère, j’ai pris conscience de ma mortalité et de l’inanité de nos actes qui visent à laisser des traces. Les gens ne retiennent que le malheur : on se souvient plus d’Hitler que d’Édith Cavell. Alors j’essaie de m’amuser encore plus, même si je ne laisserai rien derrière moi. Au fond, tout me rend heureux. J’ai aussi conscience de ma chance car je suis depuis longtemps dans le métier et que je suis toujours aussi sollicité… Alors que j’aurais pu être remplacé depuis longtemps ! »

PAS DE TRICHE

Plus les années passent, plus le sommelier se rapproche des valeurs qui sont chères à son cœur. « Je dois être en phase avec qui je suis. Je ne triche pas, je n’ai jamais écrasé personne dans mon boulot. Je le fais du mieux que je peux, et c’est important. » En parallèle, la notion de “clan” compte énormément pour le chroniqueur. « Pas dans le style du rôti du dimanche en famille, ce que je ne fais pas, mais plutôt dans le maintien du lien. Mon frère est mon meilleur pote, même si on peut parfois ne pas s’entendre pendant dix jours. Quant à ma fille, elle vit en Écosse, et lorsqu’on se retrouve, c’est comme si on ne s’était jamais quittés. » 

Lorsqu’on lui parle d’amour, Éric Boschman devient intarissable. Amour passion, amour illusoire, amour physique, amour raisonnable, amour au long cours… « Pour moi, l’amour est d’abord un carburant qui apporte une énergie incroyable, souffle-t-il. J’ai surtout été amoureux de l’amour jusqu’à la quarantaine, et j’ai toujours distingué l’amour de la passion, que j’honnis. Par contre, j’ai besoin de l’amour physique, car il représente pour moi l’axe le plus merveilleux de l’amour : le don de soi. Quant à l’amour au long cours, je trouve ça très beau et j’y ai assisté à travers l’amour que se sont porté mes parents pendant soixante ans. Quand maman était à l’hôpital, en fin de vie, je lui ai demandé un jour ce qui la motiverait à rentrer à la maison. Elle m’a répondu : “Être à côté de mon homme”. Pour moi, ça, c’est vraiment l’amour… » 

Virginie STASSEN 

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