Guerres et religions : ce que les croyants font de la religion

Guerres et religions : ce que les croyants font de la religion

Lorsque l’on demande si telle ou telle religion est source de guerres, on pose en vérité en question qui n’a pas de sens. Ce sont en effet les humains qui leur donnent sens.

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Publié le

31 mars 2024

· Mis à jour le

20 février 2025
Le chroniqueur Hicham Abdel Gawad regardant la caméra, se trouvant à l'extérieur devant un buisson

L’islam est-il une religion de paix ou une religion de guerre?» Telle est l’une des questions les plus récurrentes posées aux musulmans et, accessoirement, aux islamologues de profession. Chacun y va de sa réponse.

Les islamophiles s’empresseront de citer des versets pacifiques pour faire de l’islam une religion de paix, tandis que les islamophobes piocheront parmi les versets les moins compatibles avec la morale du XXIe siècle. En d’autres termes : l’idéologie détermine la réponse avant même que la question ne soit posée.

UNE CATÉGORIE MENTALE

En ce sens, il peut être à-propos de prendre un peu de distance et de questionner le sens même de la question. Une religion n’est jamais autre chose qu’une catégorie mentale construite pour désigner certaines formes d’activités humaines qui ne sont ni de la science ni de la philosophie. Dit autrement, “la religion” n’a d’existence empirique qu’à travers des croyants qui la manifestent dans leurs actions.

De fait, lorsque l’on demande si telle ou telle religion est source de guerres, on pose en vérité en ques- tion qui n’a pas de sens. Si des croyants partent en guerre au nom de leur religion, alors cette dernière devient en effet une source de conflit, mais uniquement dans la mesure où elle est utilisée à cette fin. À l’inverse, le pacifisme le plus strict peut aussi être observé au nom de provisions religieuses : là encore, ce sont les humains qui donnent sens à leur religion. Pour dire les choses de façon prosaïque, il n’existe pas de “Monsieur Islam”. En revanche, il existe des musulmans qui — en fonction de leur psychologie, de leur contexte social et de contingences politiques ou matérielles — peuvent verser dans la violence la plus cruelle ou au contraire consacrer leur vie à la paix.

MÉDIATION HUMAINE

On pourrait rétorquer à ce stade que les réalités humaines ne peuvent pas camoufler les réalités textuelles. Certes, une religion est toujours incarnée dans le monde empirique par des croyants. Pour autant, les textes d’une religion existent indépendamment des croyants et — les mots ayant un sens — on ne peut pas faire dire n’importe quoi à ces textes. La remarque est pertinente. Mais, elle mérite aussi d’être questionnée. Entre un texte et le sens d’un texte, il existera toujours la médiation d’un cerveau humain. La chose est bien connue depuis au moins le philosophe H. G. Gadamer : toute lecture d’un texte est une fusion entre l’horizon du texte et l’horizon du lecteur.

Cette fusion fonde un sens qui ne se limite pas à la sémantique et à la syntaxe : le sens est avant tout une rencontre. Or donc, il existe autant d’horizons que de lecteurs et autant de rencontres que d’horizons. Cela ne signifie pas que le sens soit malléable à l’infini : il existe une échelle de valeurs et des données qui permettent de hiérarchiser les prétentions aux lectures exactes. Mais c’est précisément à ce niveau que, derechef, la dimension humaine redevient centrale. La hiérarchisation des lectures et l’interprétation des données se feront inévitablement sur la base d’une négociation de sens opérée par des croyants ou des spécialistes du monde des religions.

À la question : « L’islam est-il une religion de paix ou une religion de guerre? » il convient donc d’envisager une superposition des deux réponses. L’islam peut être aussi belliqueux que le voudront certains musulmans, comme il peut être aussi pacifique que le voudront d’autres musulmans. Le tout est de savoir ce qui, dans la direction que prend le monde, peut mener des croyants à une lecture pacifiée de leurs textes ou au contraire à y prélever les provisions les moins heureuses.

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