Philippe Gason, naturaliste et homme de partage
Philippe Gason, naturaliste et homme de partage
Le Theutois Philippe Gason est un homme enthousiaste. Il parle de sa passion pour la nature comme de moments de pur bonheur qu’il partage lors de rencontres ou dans ses chroniques radio. Il est convaincu qu’en découvrir les multiples richesses permet de mieux la connaître et l’aimer.
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La nature, Philippe Gason est tombé dedans à sa naissance. Dès qu’il a été en âge de marcher, sa mère l’a en effet initié à la découverte des choses utiles qu’elle recèle. Non pas, comme aujourd’hui, pour correspondre à une certaine mode, mais par nécessité, parce qu’il faisait partie d’une famille nombreuse pour laquelle la soupe aux orties ou à l’ail des ours pouvait être des compléments bienvenus. Mais son père a également joué un rôle déterminant. « J’ai eu une jeunesse un peu errante, sourit-il. Je suis né à Verviers, mais mon père a très vite trouvé un boulot d’enseignant au Rwanda, pays magnifique où j’ai passé ma prime enfance. Il avait pris l’habitude de m’amener, après l’école, en promenade dans les collines. Cela a contribué à renforcer ma passion pour la nature. »
JOIE ET BONHEUR DE PARTAGER
Revenu en Belgique, il passe son adolescence à Liège, dans le quartier Naniot entouré de parcs et de terrils boisés. Il peut ainsi poursuivre, sur le terrain, son expérience de naturaliste. Ce n’est pourtant pas dans ce domaine qu’il entame sa vie professionnelle, mais dans l’enseignement, et il devient éducateur à Don Bosco Verviers. Sa passion ne l’a toutefois pas quitté. Il complète en effet son travail par une formation d’animateur-conférencier sur ses thèmes de prédilection que lui offre la nature : la découverte des oiseaux, des champignons, des plantes sauvages comestibles, etc. S’il apprend des choses aux autres, il s’enrichit aussi à leur contact. Après chaque conférence, il repart riche de connaissances complémentaires grâce à l’échange d’expériences et aux questions. Il organise également des stages et des promenades aux quatre coins de la Belgique, principalement à la découverte des plantes. Par ailleurs, durant toutes ces années passées comme éducateur, il a eu l’occasion de partager sa passion avec un grand nombre d’élèves. Certains d’entre eux ont d’ailleurs emprunté une voie professionnelle tournée vers la nature.
Comme il se faisait un nom dans ce secteur, la RTBF lui a demandé de présenter des chroniques et un magazine nature, bientôt suivie par BELRTL. Il est ainsi devenu chroniqueur sur les deux chaines concurrentes. « Mon leitmotiv a toujours été le partage de mes connaissances car, pour moi, c’est là que se trouve le bonheur, bien plus que dans la connaissance aiguë de la nature, plaide-t-il. Bien sûr, cette connaissance est indispensable, mais ce sont surtout les rencontres qui sont intéressantes, comme dernièrement avec des enfants de huit-neuf ans. C’est vraiment un bonheur que ces moments d’échanges, c’est un peu le sens de ma vie. J’ai aussi toujours été captivé par la photo qui est un bel outil pour communiquer mes observations et mes découvertes. Grâce aux réseaux sociaux, j’ai pu les partager bien plus largement. Et les réactions et commentaires me permettent à nouveau d’enrichir mes connaissances. »
LA SÈVE DE BOULEAU
« Il y a cinquante ans, lorsque je faisais mes conférences, je passais pour un olibrius, s’amuse le naturaliste. De plus, mon patronyme, Gason, est un aptonyme, c’est-à-dire qu’il correspond à ma passion. Quand je faisais de la radio, les auditeurs pensaient d’ailleurs qu’il s’agissait d’un pseudonyme. »Ce passionné présente aussi toute une série de recettes avec des fruits, des fleurs et des plantes peu connues. Par exemple, l’eau de bouleau qu’il a découverte gamin. Près de chez lui, il y avait en effet un terril boisé avec des bouleaux. En cassant une branche, il s’est aperçu qu’au printemps, se produisait un écoulement. À partir de cette expérience, il a voulu savoir ce que l’on pouvait faire avec cette sève de bouleau.
« Chemin faisant, j’ai approfondi mes connaissances sur ses vertus réelles. Je donne pas mal de recettes aux gens qui sont intéressés par mes découvertes. Quand je vois un champignon particulier ou d’autres choses, j’essaye de fournir des explications. Les personnes qui me suivent sont ravies, elles me disent que c’est du bonheur pour eux, que cela leur permet d’augmenter leurs connaissances de manière agréable et ludique. C’est la façon la plus efficace d’apprendre. »
« Mon leitmotiv a toujours été le partage de mes connaissances car, pour moi, c’est là qu’est le bonheur bien plus que dans la connaissance aiguë de la nature. »
Le monde d’aujourd’hui ne va pas bien. Il est même très mal en point. Chacun peut en permanence observer le bouleversement climatique et en mesurer les conséquences dommageables : sécheresses, incendies, inondations, ouragans… Parce qu’ils sont aux premières loges, les naturalistes sont particulièrement sensibles à ces changements. Ils constatent que certaines espèces disparaissent ou sont beaucoup moins nombreuses, ou bien modifient leur façon de vivre et leurs habitudes d’une manière potentiellement dangereuse.
DRAMATISER OU CONSCIENTISER ?
« Je ne veux pourtant pas tomber dans la dramatisation, car ce n’est pas ainsi que l’on parvient à conscientiser quelqu’un, estime Philippe Gason. Je pense plutôt que l’on aime bien ce qu’on connait bien. Apprendre aux gens ce qu’est réellement la nature me semble plus convaincant. Expliquer, par exemple, le rôle fondamental des champignons qui, pour beaucoup, décorent simplement la forêt. Or ils sont bien plus que cela, ils lui sont indispensables. S’ils disparaissaient, il n’y aurait plus de forêt. C’est un écosystème très complexe. Si on veut inviter les gens à être plus respectueux, à prendre des options qui vont dans un sens plus protecteur, il faut qu’ils sachent tout cela. »
Sans connaissances, on ne peut effectivement pas prendre conscience de tout ce qui se passe dans la nature. Mais il ne s’agit pas seulement de connaissances intellectuelles. C’est d’abord l’expérience de la beauté, d’un monde vivant, ou des odeurs qui importe. « Il y a, par exemple, le pétrichor, l’odeur du sol après la pluie en été. Lorsque le sol a été chauffé et que la pluie tombe, l’odeur est très particulière, fruit d’un phénomène biochimique. Elle est enchanteresse. Ne l’avoir jamais ressentie vous fait manquer quelque chose de fort. La nature est très complexe, et quand elle n’est pas respectée, elle se dégrade. C’est ce que j’explique car je pense que faire comprendre la nature de manière optimiste est plus forte que de semer la peur ou dramatiser. »
Paul FRANCK