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Edito

Saints modèles.

ApreÌ€s la canonisation des papes Jean XXIII et Jean-Paul II fin avril dernier, voilaÌ€ qu’on annonce pour le 19 octobre la beÌ atification de celui qui a eÌ teÌ successeur du premier et le preÌ -preÌ deÌ cesseur de l’autre : le pape Paul VI. Suite aÌ€ son intercession, un foetus malade aurait en effet connu une gueÌ rison inexpliqueÌ e, ce qui a permis aÌ€ la CongreÌ gation pour la cause des saints d’instruire jusqu’aÌ€ son terme le dossier de Mgr Montini. En moins de six mois, trois papes reÌ cents auront ainsi eÌ teÌ eÌ leveÌ s sur les autels. Alors que, sur les 265 successeurs de saint Pierre, 73 « seulement » ont eÌ teÌ proclameÌ s saints, soit un peu moins de 30%. Et geÌ neÌ ralement bien apreÌ€s leur mort...

Si l’on compare l’histoire ancienne et la reÌ cente, on ne peut s’empeÌ‚cher de constater que la machine vaticane semble s’eÌ‚tre un peu emballeÌ e. Bien suÌ‚r, les calendriers teÌ moignent tous les jours du fait que l’EÌ glise a, de tout temps, veilleÌ aÌ€ transfigurer de nombreux eÌ‚tres remarquables en leur accordant l’eÌ tat de sainteteÌ . Mais le pheÌ nomeÌ€ne prend deÌ sormais une ampleur ineÌ galeÌ e. Et il devient aÌ€ peu preÌ€s ineÌ vitable que tout homme eÌ lu par ses pairs pour gouverner l’EÌ glise finisse par devenir tellement extraordinaire que, apreÌ€s sa mort, on ne puisse qu’en eÌ riger l’existence en modeÌ€le pour les chreÌ tiens.

Effet de mode ? Ou influence de ces temps preÌ sents ouÌ€ les projecteurs des meÌ dias ne peuvent que meÌ tamorphoser en vedettes, voire en stars, les personnaliteÌ s en vue, quelles qu’elles soient ?

Dans un monde ouÌ€ chacun reÌ‚ve de ceÌ leÌ briteÌ , qui n’est en tout cas pas en queÌ‚te de modeÌ€les, de personnages auxquels s’identifier ou dans lesquels se projeter ? Au cours de ce mois de juin, les acteurs de l’eÌ popeÌ e de la Coupe du Monde de foot- ball deviendront ainsi, pour bon nombre de Belges, des saints d’un nouveau genre. Tant que le bonheur sourira aux Diables, on les couvrira d’eÌ loges et de qualiteÌ s, en les ceÌ leÌ brant comme porteurs d’exemples, en les estimant admirables, inimitables, voire divinisables. AÌ€ ce titre, comment ne pourraient-ils pas eÌ‚tre accueillis, ne serait-ce que temporairement au PantheÌ on des saints modernes ?

D’autres humains, sans doute tout aussi remarquables, mais bien plus modestes et plus nombreux, n’auront pas eu tant d’honneur : tous ces petits et ces sans grades qui, partis se battre en 1914, ont eÌ teÌ faucheÌ s en pleine jeunesse par le tourbillon fou de cette guerre effroyable dont on commeÌ more les premiers eÌ veÌ nements.

Cent ans plus tard, il est peut-eÌ‚tre temps de reconnaiÌ‚tre que ces hommes-laÌ€ n’ont pas seulement eÌ teÌ , bien malgreÌ eux, les heÌ ros d’une histoire patriotique ouÌ€ reÌ sonnaient hymnes et fierteÌ s de Nations en queÌ‚te de conqueÌ‚tes et de dominations eÌ conomiques. Mais que, meÌ‚me si leur tombe ne porte pas de nom, ils figurent bien, parmi tant d’autres, dans les rangs de ces innombrables bataillons de « saints de tous les jours ». Une armeÌ e d’eÌ‚tres eux aussi admirables, mais que personne ne veÌ neÌ€re ni ne glorifie...

FreÌ deÌ ric Antoine

Mot(s)-clé(s) : L’édito - Politique
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