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Edito

Coûte que couÌ‚te, ne pas rater.
CB : ReÌ visez vos maths avec Le Soir. » « Aidez votre enfant aÌ€ reÌ ussir ses examens de 6e primaire avec L’Avenir. » « ReÌ vise le CEB graÌ‚ce aÌ€ ton journal »... La presse quotidienne s’est reÌ cemment plieÌ e en quatre pour soutenir ses lecteurs afin que leurs enfants ne ratent pas leur Certificat d’EÌ tudes Primaires (CEB). En France, on se mobilise pour le BaccalaureÌ at, qui cloÌ‚ture douze anneÌ es d’eÌ tudes (cinq de primaire, sept de secondaire). En Belgique, on fait une montagne de la reÌ ussite des six anneÌ es primaires. AÌ€ un point tel que la presse se sent
« obligeÌ e » d’y consacrer de nombreuses pages (et meÌ‚me des suppleÌ ments), suÌ‚re que l’eÌ cole n’aura pas eÌ teÌ aÌ€ meÌ‚me de bien preÌ parer les enfants aÌ€ l’eÌ preuve.
L’an dernier, le taux de reÌ ussite aÌ€ cet examen eÌ tait de 93%. Aurait-il eÌ teÌ moins eÌ leveÌ sans la mobilisation des parents et des meÌ dias ? Ou faudrait-il 100% de reÌ sultats positifs pour satisfaire tout le monde ?
En secondaire, le projet de « pacte d’excellence » preÌ voit d’empeÌ‚cher tout redoublement avant la quatrieÌ€me anneÌ e. Le parcours ainsi traceÌ sera assureÌ ment plus cool pour les eÌ leÌ€ves. Mais comment geÌ€rera-t-on ensuite des jeunes ayant accumuleÌ trois anneÌ es successives de lacunes dans diverses matieÌ€res ? La question existe, mais ne paraiÌ‚t pas essen- tielle. Comme si le plus important eÌ tait deÌ sormais, couÌ‚te que couÌ‚te, de « ne pas rater ». Le rabaissement aÌ€ 10/20 au lieu de 12/20 de la moyenne de reÌ ussite dans l’enseignement supeÌ rieur et universitaire, entreÌ en vigueur l’an dernier avec le DeÌ cret paysage, avait la meÌ‚me ambition. Les premieÌ€res analyses des reÌ sultats obtenus semblent mon- trer que reÌ duire le niveau de reÌ ussite et envisager les eÌ tudes sous forme d’uniteÌ s capi- talisables a permis aÌ€ un plus grand nombre d’eÌ tudiants de « ne pas rater ». La plupart des profs n’ont en effet pas adapteÌ leur eÌ chelle de cotes aÌ€ l’abaissement du niveau de reÌ ussite. Et de nombreux eÌ tudiants ont aussi consacreÌ beaucoup de temps aÌ€ calculer au plus juste le moyen d’eÌ viter l’eÌ chec.
ReÌ ussir ses eÌ tudes est, parfois, devenu une question de strateÌ gie, comme dans un jeu sur PC. L’essentiel est alors moins de maiÌ‚triser un domaine ou un champ de matieÌ€res que de trouver le moyen d’atteindre le plus aiseÌ ment le minimum requis. L’enseignement est ainsi, sinon une « eÌ cole de la reÌ ussite », au moins celle du « non- eÌ chec ». Mais est-il pour autant devenu une meilleure « eÌ cole de
la vie » ?
Permet-il reÌ ellement aÌ€ tous ceux qui en sortent de trouver une place satisfaisante au sein d’une socieÌ teÌ exigeante en termes
d’emploi ?
EÌ viter l’eÌ chec est une bonne chose. Cela permet aÌ€ l’enfant (et aÌ€ ses parents) de ressentir face au parcours effectueÌ fierteÌ , satisfaction et valorisation personnelle.
Alors que se deÌ roulent les sessions d’examens, on ne peut que souhaiter le meilleur aux eÌ tudiants. Mais il ne faut jamais perdre de vue que la vie n’est pas un long fleuve tranquille, sans eÌ cueil ni eÌ preuve. Ne pas reÌ ussir aÌ€ franchir une barrieÌ€re peut aussi, de temps aÌ€ autre, s’aveÌ rer une expeÌ rience, aÌ€ terme, enrichissante.

FreÌ deÌ ric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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