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Edito

REÌ‚VE DE REÌ VOLUTION.

« La preÌ sence des chreÌ tiens aÌ€ la reÌ volution suppose et requiert la preÌ sence de la reÌ volution aÌ€ l’EÌ glise. » Ainsi se prononçaient, le 21 mai 1968, quatorze personnaliteÌ s catholiques et protestantes françaises, dont le philosophe Paul Ricoeur, dans le magazine chreÌ tien de gauche TeÌ moignage chreÌ tien. Ils teÌ moignaient de l’agitation qui touchait alors une partie du peuple chreÌ tien de France, au meÌ‚me titre qu’elle s’eÌ tait alors empareÌ e de presque tout le corps social de ce pays voisin dont nous sommes aÌ€ la fois si proches et si lointains.

Il y a dix ans, lors de la ceÌ leÌ bration des quarante ans des eÌ veÌ nements de mai, L’appel avait brosseÌ l’histoire de cette reÌ volution qui avait eÌ lectriseÌ une partie des chreÌ tiens de l’Hexagone. Cet excellent article de Paul de Theux est toujours consultable sur notre site internet.

AÌ€ la meÌ‚me eÌ poque, le speÌ cialiste religieux du journal Le Monde, Henri Tincq, n’heÌ sitait pas aÌ€ eÌ crire que Mai 68 avait eÌ teÌ « un seÌ isme dans les EÌ glises », rappelant que, selon l’historien et politologue ReneÌ ReÌ mond, ce qui s’eÌ tait alors passeÌ « avait fait en France trois principales victimes : l’universiteÌ , le Parti communiste et l’EÌ glise catholique. »

MeÌ‚me si elle eÌ tait resteÌ e au balcon d’eÌ veÌ nements qui ne la concernaient pas directement, l’EÌ glise de Belgique a elle aussi eÌ teÌ toucheÌ e par le vent de contestation et de remise en question porteÌ par les eÌ veÌ nements de Mai. Comme en France, ceux-ci n’avaient pas surgi sans un avis de tempeÌ‚te annonceÌ : le concile Vatican II avait cloÌ‚tureÌ ses travaux deux ans et demi plus toÌ‚t et avait deÌ jaÌ€ engageÌ la vieille EÌ glise romaine sur le chemin d’une reÌ volution qu’une partie de sa hieÌ rarchie n’a toujours pas totalement digeÌ reÌ e cinquante ans plus tard.

Tout comme on reÌ‚vait alors d’une autre socieÌ teÌ , certains imaginaient aussi d’autres EÌ glises, ouvertes, deÌ mocratiques, non domineÌ es par la verticaliteÌ , et prenant en compte la vie et les attentes de leurs contemporains. AÌ€ l’eÌ teÌ 68, de nombreux catholiques avaient vu leurs espoirs de renouveau aÌ€ ce propos reÌ duits aÌ€ neÌ ant lors de la publication de l’encyclique Humanae Vitae, qui fermait la porte aÌ€ tout deÌ bat sur la contraception et l’avortement...

Mais le ver de Mai 68 eÌ tait dans le fruit. Et bon nombre de chreÌ tiens ont, depuis lors, pris des distances face aux interdits du magisteÌ€re, au nom de leur liberteÌ de conscience personnelle. Ce qui s’est deÌ rouleÌ aÌ€ ce moment-laÌ€ continue donc bel et bien aÌ€ exercer une influence sur la manieÌ€re dont nous vivons et percevons le monde.

Mais, comme le constate le journaliste et preÌ‚tre français Daniel Duigou dans l’entretien qu’il nous a accordeÌ dans ce numeÌ ro, les effets de Mai ne touchent plus du tout les jeunes d’aujourd’hui. Ceux-ci basent leurs actes, leurs positionnements et leurs existences sur d’autres reÌ feÌ rences et d’autres codes.

Il n’est donc pas inutile de rappeler qu’il y a cinquante ans quelque chose s’est mis aÌ€ changer pour toute une geÌ neÌ ration, et pour ses enfants. Mais il ne faut jamais perdre de vue que le monde ne cesse de se reÌ volutionner. Sur d’autres bases, d’une autre manieÌ€re. Et que ce sont celles-ci qui forgent le demain de notre monde.

Frédéric ANTOINE

Rédacteur en chef

Notre article d’il y a dix ans :
https://magazine-appel.be/Apres-Vatican-II-mai-68

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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