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Edito

DES DÉMISSIONS. ET PUIS APRÊS ?

«  Nous, tous les évêques présents à Rome, avons remis nos postes entre les mains du Saint-Père, afin qu’il décide librement pour chacun d’entre nous. » C’est ainsi que les membres de la conférence épiscopale chilienne se sont exprimés le 18 mai dernier. Et d’ajouter qu’ils voulaient « demander pardon pour la douleur causée aux victimes, au pape, au peuple de Dieu et à notre pays pour les graves erreurs et omissions que nous avons commises ».

Convoqués au Vatican, les évêques du Chili avaient été reçus à quatre reprises par le pape, qui ne leur aurait jamais parlé d’éventuelles sanctions face à leurs manquements. Mais François a dû leur faire comprendre le tort que, collectivement, ils avaient contribué à causer à l’Église de Rome dans leur pays et, via sa personne, à la catholicité universelle.

Cette affaire ne confirme en effet pas seulement l’impression que toute hiérarchie religieuse est un corps social tellement compact que ses membres (solidaires, voire complices) préfèrent parfois agir pour protéger leurs congénères plutà´t que de faire triompher le respect de l’intégrité du prochain.

Au-delà d’un déni des principes évangéliques, l’attitude chilienne met en mauvaise posture un pape qui avait bâti son image sur sa volonté de se positionner en marge des systèmes établis. En effet, la confiance que François avait, ces derniers mois, manifestée aux évêques chiliens démontre plutà´t le contraire. N’avait-il pas été jusqu’à qualifier de « calomnies » et de « manipulations gauchistes » les accusations portées contre certains d’entre eux, avant de se rétracter face aux faits et de demander pardon ?

Ainsi que le commente notre confrère français, le magazine La Vie, le pape a écrit dans un message adressé aux évêques chiliens : « Nous sommes tous impliqués, moi en premier. » François a aussi essayé de reprendre la main, en revenant sur un thème qui lui est cher : la tentation d’élitisme de certaines hiérarchies religieuses qui « finit par générer des dynamiques
de division, de séparation, de "cercles fermés– qui conduisent à des spiritualités narcissiques et autoritaires où, au lieu d’évangéliser, l’important est de se sentir spécial, différent des autres, comme si ni Jésus Christ ni les autres ne comptaient vraiment
 ».

Au Chili, comme dans le reste du monde, ces paroles dénonciatrices trouvent écho auprès des catholiques qui avaient vu l’arrivée de François comme porteuse d’espérance et d’ouverture. Mais qu’en sera t- il au-delà des mots ? Solidairement responsables, les prélats chiliens ont démissionné. S’en suivra-t-il pour autant sur le terrain un nouveau printemps pour l’Église, comme l’avait été pour l’Amérique latine la conférence de Medellà­n, dont on célèbre cette année le cinquantième anniversaire (voir pp. 10-11) ? Rien n’est moins sûr. Ces dernières années ont démontré
que le pouvoir pontifical était assurément celui de la force de la parole. Pour les actes, l’inertie conservatrice des pouvoirs ecclésiaux en place semble bien difficile de contrer... Reste donc l’espoir...

Votre prochain numéro de L’appel paraîtra, comme chaque année, début septembre.
D’ici-là , bel été à vous.

Frédéric ANTOINE

Rédacteur en chef

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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