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Edito

Seconde zone.

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Duaa et Dalal Al-Showaiki sont deux jeunes Saoudiennes de dix-huit ans. En juin 2019, elles ont profiteÌ d’un voyage aÌ€ Istanbul pour eÌ chapper au joug de leur peÌ€re. Sans papiers ni moyens, menaceÌ es par les hommes laÌ‚cheÌ s aÌ€ leurs trousses, elles attendent que le Haut Commissariat aux ReÌ fugieÌ s de l’ONU leur trouve un pays d’accueil. Alors que leur situation
devait se deÌ bloquer, elle ne l’est toujours pas suite aux pressions exerceÌ es par l’Arabie Saoudite sur la treÌ€s musulmane Turquie. EnvoyeÌ SpeÌ cial, sur France 2, a il y a peu consacreÌ un reportage aÌ€ ce cas embleÌ matique de la situation de tant de femmes qui ne disposent d’aucune liberteÌ et deÌ pendent du bon vouloir des hommes.

Le 8 mars, on ceÌ leÌ€bre aÌ€ l’instigation de l’ONU la Jour- neÌ e internationale des femmes, que les Français appellent la « JourneÌ e internationale des droits des femmes ». Car pareille journeÌ e ne peut eÌ‚tre qu’un moment de revendication au nom de ces droits, ignoreÌ s ou bafoueÌ s, qu’illustre le cas de Duaa et Dalal, mais aussi de toutes ces femmes qui se leÌ€vent pour ne pas eÌ‚tre traiteÌ es comme des eÌ‚tres de seconde zone.
AÌ€ commencer pour leur corps, comme l’a deÌ montreÌ l’action Le violeur, c’est toi meneÌ e par des femmes chiliennes, et reprise par des militantes marocaines qui, au-delaÌ€ du fleÌ au du viol, voulaient « parler de la manieÌ€re dont la socieÌ teÌ nous consideÌ€re : comme des citoyens de seconde zone ».

La JourneÌ e internationale des femmes 2020 a pour theÌ€me : « Je suis de la GeÌ neÌ ration EÌ galiteÌ : Levez-vous pour les droits des femmes ». Ce slogan deÌ montre que, si l’eÌ galiteÌ entre les sexes est en progreÌ€s, elle est loin d’eÌ‚tre devenue une eÌ vidence.En treÌ€s large majoriteÌ , les religions, par exemple, ne constituent pas les lieux les plus ouverts aÌ€ l’exercice de cette eÌ galiteÌ . Comme si traiter la femme en eÌ‚tre infeÌ rieur faisait partie de l’ADN de presque tous les systeÌ€mes convictionels institutionnaliseÌ s. Et que remettre en cause ces marqueurs si profondeÌ ment ancreÌ s relevait de l’exceptionnel, voire du
miracle. ParticulieÌ€rement empeÌ‚treÌ es dans l’immuabiliteÌ des traditions et des pratiques, les religions arriveront-elles un jour aÌ€ se deÌ faire du modeÌ€le patriarcal qu’elles ont largement contribueÌ aÌ€ impleÌ menter aux treÌ fonds des mentaliteÌ s ?

Certes, certains systeÌ€mes religieux parviennent par- fois aÌ€ « hisser la femme » aÌ€ la hauteur de l’homme. Mais au terme de quels deÌ bats et de quels efforts, qui ressemblent souvent aÌ€ des concessions ou des sacrifices !

Dans l’EÌ glise catholique, quelques avanceÌ es fort mineures ont bien eÌ teÌ conceÌ deÌ es aux femmes. Mais, sur les questions de fond, elles y sont toujours consideÌ reÌ es avec la bienveillante commiseÌ ration qui les empeÌ‚che d’y devenir l’eÌ gal de l’homme... ceÌ libataire. Pour l’exercice du sacerdoce ministeÌ riel, l’EÌ glise de Rome continue en effet aÌ€ mettre sur un meÌ‚me pied d’ineÌ galiteÌ femmes, et hommes marieÌ s. Parce que le Saint-Esprit ne s’y est pas encore manifesteÌ pour qu’il en soit autrement...

Il est temps que survienne la prise en compte de l’autre, de toutes et de tous les autres. Et de toutes les diffeÌ rences. Dans le respect et le dialogue, comme nous le pratiquons dans L’appel. Et comme le deÌ clinent audacieusement ce mois-ci, sur le theÌ€me du « rapport au plaisir », nos chroniqueurs issus de divers horizons convictionnels (hors monde catholique). Chroniqueurs qui sont, pour la plupart, des chroniqueuses... â– 

Frédéric ANTOINE

Rédacteur en chef

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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