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Edito

SOLITAIRE OU SOLIDAIRE ?

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Il y aura un « apreÌ€s » coronavirus, comme il y eut un « avant ». Un monde qui ne sera plus tout aÌ€ fait le meÌ‚me parce qu’on ne pourra s’y deÌ faire des traces laisseÌ es par l’eÌ preuve. On consideÌ rera sans doute demain comme naturels des gestes auxquels on n’imaginait pas hier devoir un jour se plier. Certaines coutumes tomberont peut-eÌ‚tre aÌ€ la trappe, alors qu’on les croyait aussi vieilles que la planeÌ€te ou presque, comme la pratique contemporaine du bisou, que nous abordons dans un des articles de ce numeÌ ro.

Mais les fondements meÌ‚mes de la socieÌ teÌ seront-ils modifieÌ s ? Certains en reÌ‚vent. D’autres pensent au contraire que, comme apreÌ€s les grandes guerres, hommes et femmes n’auront de cesse de reprendre leur existence anteÌ rieure, aÌ€ chercher aÌ€ jouir de la vie de manieÌ€re exacerbeÌ e, comme pour conjurer le mauvais sort et rattraper le temps perdu.

Ces choix qui deÌ termineront l’organisation humaine de la suite de ce sieÌ€cle s’opeÌ€rent maintenant.

Un eÌ leÌ ment central de cet enjeu concernera la manieÌ€re dont nous geÌ rerons notre vivre ensemble. AÌ€ voir comment le monde tourne depuis les anneÌ es 1980 et l’aveÌ€nement du neÌ o-libeÌ ralisme, on conclura vite que, ces derniers temps, notre existence commune eÌ teÌ envisageÌ e de manieÌ€re minimaliste, en consideÌ rant que ce qui y comptait surtout eÌ tait d’abord de l’ordre de l’individuel et de la queÌ‚te de bonheur personnel. Un monde baÌ‚ti sur le « chacun pour soi », sans neÌ cessairement y ajouter l’ancien compleÌ ment de la formule : « ... et Dieu pour tous ». La socieÌ teÌ des anneÌ es 2000 s’est organiseÌ e selon le principe de la bulle individuelle, rythmeÌ e par l’eÌ motionnel et le souci de proteÌ ger ma liberteÌ . Un univers composeÌ d’une multitude d’egos, ouÌ€ tout le monde posseÌ€de sa propre veÌ riteÌ , que chacun consideÌ€re comme la seule vraie, intouchable et indiscutable.

Ce monde-laÌ€ a, eÌ videmment, pris la crise de la covid-19 de plein fouet. Ce fut un seÌ isme, un cataclysme. Bien suÌ‚r, le coronavirus peut toucher chacun, individuellement, dans sa vie et sa santeÌ . Mais, pour geÌ rer la pandeÌ mie, les EÌ tats n’ont eu d’autre choix que d’imposer des mesures collectives, affectant grandement « mon petit preÌ carreÌ  » ouÌ€ l’on croit pouvoir s’arroger le droit de tout se permettre. Pour deÌ passer les eÌ goïsmes, les autoriteÌ s ont duÌ‚ menacer de punir, puis passer aÌ€ l’acte. Le temps des restrictions de liberteÌ perdurant, on a vu surgir des opposants, remettant en cause le droit aÌ€ l’injonction des autoriteÌ s publiques. Aujourd’hui, nombreux sont les responsables qui redoutent un souleÌ€vement des populations face aÌ€ la persistance de contraintes qui reÌ duisent le droit de chacun de vivre comme il l’entend.

Expliquer que ce n’est que collectivement que la crise pourra eÌ‚tre reÌ solue devient inaudible. Tout comme on a la liberteÌ de fumer, et d’eÌ ventuellement contracter un cancer, n’a-t-on pas le droit de ne pas se proteÌ ger de la covid, voire de refuser de se faire vacciner, quitte aÌ€ se faire infecter par le virus ? Bien suÌ‚r, dans les deux cas, si on tombe malade, on estimera tout aussi normal de faire appel aÌ€ l’Assurance maladie-invaliditeÌ , qui est un des meilleurs exemples d’action collective de protection...

La covid-19 a deÌ montreÌ combien l’eÌ‚tre humain eÌ tait un animal social, et non un loup solitaire. Au moment de choisir comment sortir de la pandeÌ mie, prendre en compte ce vivre ensemble est essentiel. La maladie ne sera vaincue que par la solidariteÌ . Si ce message pouvait transcender les individualiteÌ s, et s’imposer en- suite comme moyen de partager le monde, l’eÌ preuve actuelle n’aura pas eÌ teÌ vaine. Et permettrait de ne pas deÌ sespeÌ rer de l’Homme.

Frédéric ANTOINE

ReÌ dacteur en chef

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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