Vous êtes ici: Archives / Numéros parus / N°456

Edito

AU CARREFOUR DU SENS.

Télécharger cet article

Shibuya. Tout le monde en a, au fond de sa tête, une représentation imagée. Car Shibuya n’est rien d’autre que le plus grand carrefour du monde, où passent trois millions de piétons par jour. Qui n’a vu une photo de cet endroit dont les feux de circulation s’alignent pour permettre de le traverser dans toutes les directions en même temps ?

À première vue, les passants semblent se contenter de s’y croiser le plus rapidement possible. Mais Shibuya est aussi un lieu de rencontres et de retrouvailles pour des Japonais venant de toutes les directions. Un carrefour peut ainsi être un simple croisement sur un itinéraire, un moment où l’on peut choisir quelle direction prendre, ou pas. Mais il offre, en même temps, un "point de rencontre– , ou "de confrontation– , comme le définissent de nombreux dictionnaires.

En ce sens, le carrefour participe pleinement à ce que, en 1962, le philosophe allemand Jà¼rgen Habermas définissait comme "l’espace public– . Un lieu de communication et de débat public permettant aux citoyens de discuter librement des enjeux de leur époque. Habermas considérait cet espace public comme le fondement d’une société démocratique Chez les anciens, cette fonction était remplie par l’agora, la place (ou le carrefour) où se rassemblaient les citoyens. Habermas considérait qu’il appartenait aux médias de remplir ce rà´le d’information, de médiation et d’échange. Analy- sant l’histoire de la presse, le philosophe estimait toute- fois que celle-ci avait petit à petit abandonné ce rà´le au profit d’intérêts économiques et financiers.

Actuellement se développent des médias qui contribuent à conforter les idées toutes faites qui circulent dans les populations, ou qui cherchent à les manipuler dans un sens précis. Ces médias-là ne nourrissent pas l’espace public. Ils se contentent d’en faire tourner les utilisateurs en rond, une fois ceux-ci arrivés au carrefour.

Et puis, il existe des médias qui s’efforcent de jouer leur rà´le d’espace public, et qui cherchent toujours davantage à ouvrir des voies menant au carrefour symbolique où ils se trouvent, pour se faire rassembler et partager leurs lecteurs. L’appel est de ceux-là . Son rêve est de devenir de plus en plus un carrefour d’échanges d’informations, d’idées, et d’opinions autour de ce qui fait l’essentiel de l’Humain : la quête du sens. Notre rubrique "Croire ou ne pas croire– , occupée par des chroniqueuses et chroniqueurs de diverses obédiences en est la matérialisation. Deux fois l’an, ces penseurs se retrouvent au coeur du carrefour, et livrent leurs avis et réflexions autour d’un thème commun. L’étape suivante sera de susciter entre eux de véritables discussions. Nous y parviendrons, comme nous réussirons à élargir l’éventail des confessions et philosophies prenant part à ce carrefour des idées.

Une de nos chroniqueuses n’a pas pris part au croisement de paroles que nous reportons ce mois-ci. Josiane Wolff a posé sa plume au même moment où elle renonçait à ses fonctions à la tête de la laà¯cité du Brabant wallon (cf. p.13). Nous regretterons ses textes si pertinents et justes, dont on ne pouvait que saluer et partager les contenus. Elle sera remplacée par son successeur, Anthony Spiegeler, qui dit « porter des valeurs de liberté, de solidarité, de lutte contre les inégalités, d’accès à la culture et une kyrielle d’intérêts résolument tournés vers l’Autre ». « Ce sont ces valeurs qui me permettent de construire mon identité et les projets humanistes que j’entends développer à large spectre  », nous écrit-il.
Nous lui souhaitons bienvenue dans notre carrefour, où nous aurons prochainement l’occasion de le lire.

Frédéric ANTOINE,

Rédacteur en chef du magazine L’appel

Mot(s)-clé(s) : L’édito
Documents associés
Partager cet article
Vous êtes ici: Archives / Numéros parus / N°456