À la Pointe de l’art et de la société

À la Pointe de l’art et de la société

Lancé il y a presqu’un an par trois jeunes Bruxelloises passionnées par l’art, La Pointe est un site indépendant, à la fois “pointu” et grand public, qui entend promouvoir les artistes qui dynamisent la vie culturelle belge.

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Publié le

28 novembre 2023

· Mis à jour le

12 mars 2025
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Art, culture et société. L’association de ces trois termes définit le projet éditorial de La Pointe, média en ligne né en début d’année. « Ce qui nous intéresse, explique Laurence Van Goethem, l’une de ses trois cofondatrices, c’est de replacer l’art dans la société et dans la vie. On veut montrer en quoi il peut être concret, notamment en parlant des processus de création. L’art n’est pas juste un produit de consommation, il repose sur un vrai travail. C’est par exemple l’objet de la série “La double vie des artistes” qui regroupe des portraits d’hommes et de femmes qui ont un autre métier et font partie du tissu social. »

CHEMINS DE TRAVERSE

Ce besoin de relier l’art et la société s’est clairement manifesté lors du premier confinement au cours duquel le gouvernement a décrété que la culture n’était pas « essentielle ». « On veut au contraire montrer qu’on ne peut pas l’exclure de la société, qu’elle en fait partie intégrante. La culture, c’est chacun d’entre nous, c’est tout le monde. C’est pourquoi certains articles parlent plus de sujets de société, comme la série sur le zen qu’on relie aux pratiques artistiques. C’est aussi un biais singulier pour aborder la culture via des angles originaux. » 

Le média rend compte de la vitalité de la vie artistique belge en empruntant des chemins de traverse, des sentiers peu fréquentés. Et en évitant de parler de personnes que l’on voit ailleurs pour mettre en lumière des artistes moins connus. La série “La double vie des artistes” est représentative de ces choix. Laurence Van Goethem a rencontré des hommes et des femmes qui pratiquent leur art tout en exerçant une autre profession : comédien et guide au musée de Tervueren, sculptrice et maraichère, saxophoniste et importateur d’huile d’olive, actrice et institutrice, acteur et plombier/chauffagiste, etc. « Je montre qu’il est difficile de vivre de son art, commente son autrice. Je mets en avant ceux et celles qui ont choisi de faire un deuxième métier en regardant dans quelle mesure les deux activités se nourrissaient l’une l’autre. » 

CHAÎNON MANQUANT

La Pointe a été lancé le 31 janvier 2022, après deux ans de cogitations, par trois Bruxelloises passionnées par l’art et la culture : Émilie Garcia Guillen, sociologue, Karolina Svobodova, chercheuse dans le spectacle vivant d’origine tchèque, et Laurence Van Goethem, issue des arts de la scène. « On se connaissait via des articles qu’on avait écrits les unes et les autres, raconte cette dernière. En 2019, on a commencé à réfléchir à la création d’un média en ligne qui n’existait pas, qui serait le chaînon manquant entre la presse quotidienne et les revues spécialisées où Karolina et moi écrivions sur le théâtre. Nous avions envie de nous adresser à un public plus large, tout en dépassant le cadre des arts de la scène. De créer des liens entre les multiples tissus culturels qui maillent Belgique. » D’où le choix d’un « ton léger et décontracté ». Si les trois jeunes femmes viennent du milieu universitaire, elles bannissent tout jargon académique de leur site. Ce qui ne l’empêche pas d’aborder des questions complexes.

La décision de mettre ce média en ligne était évidente. Tant pour des raisons économiques que parce qu’internet favorise l’immédiateté et la réactivité. Lancée avec des fonds propres et grâce à quelques dons, La Pointe est gratuit et ses contributeurs sont tous bénévoles. Le trio qui le dirige cherche des subventions et, plutôt que d’imposer un abonnement, préfèrerait que les lecteurs le financent en achetant des articles. Quatre partenaires culturels sont actuellement associés au projet : le Centre de Recherche en Cinéma et en Art du Spectacle (CIASP) de l’ULB, le Centre du Film sur l’Art, la Revue Nouvelle et les Brigittines, un lieu d’accueil des nouvelles écritures de la scène.

ARTISTE ET MAMAN

L’équipe de rédaction du média est très majoritairement féminine. « On n’a pas voulu créer un média de femmes, indique sa cofondatrice, mais il se fait que nous en sommes trois et qu’on a envie de mettre en avant des artistes femmes qui sont trop souvent invisibilisées. Cela fait partie de ce qui manquait dans le paysage belge. » C’est ainsi, par exemple, que Laurence Van Goethem propose une série de podcasts intitulée “Maman* est artiste” qui explore les liens entre maternité et pratique artistique. Elle amène à se confier la scénographe Aline Breucker, à la comédienne Marie-Paule Kumps et à la jongleuse Gaëlle Coppée. Et le site recourt de loin en loin à l’écriture inclusive. Par exemple lorsqu’il affirme vouloir donner la parole « à toutes celles et ceux qui font exister la vie artistique en Belgique et au-delà ». « La réflexion est encore en cours, sur le point médian, notamment. On l’utilise un peu, sans trop alourdir l’écriture, on préfère les termes épicènes. Mais c’est un combat qui nous semble essentiel : si on dit “les spectateurs”, ne s’adresse-t-on qu’aux hommes ? Nous sommes dans un tournant, cela devient bizarre de ne pas l’utiliser, et y recourir, ce n’est pas idéal non plus. Ce sont des questions qui nous animent. »

Parmi les différentes rubriques rythmant le site – très bien conçu – de La Pointe, figure “Émois” qui permet à des contributeurs à laisser libre court à leur admiration. L’un témoigne de son enthousiasme pour l’œuvre d’Annie Ernaux, récente prix Nobel de Littérature, un autre évoque sa découverte des livres de Georges Perec, une troisième se souvient de sa rencontre avec le comédien Philippe Jeusette disparu en août dernier, etc. « C’est un espace de subjectivité, confirme la corédactrice en chef. On voulait remettre en avant les émotions car, au final, c’est elle qu’on cherche quand on va voir un film ou un spectacle. Or, souvent, elles sont mises de côté dans la presse. » Si le média est principalement riche d’articles de fond et de réflexions, avec un regard porté hors de frontières belges (“Au large”), il n’oublie pourtant pas de rendre compte de l’actualité à travers la rubrique “En ce moment” qui, dans de courts textes, propose des « recommandations » très diverses, à raison de trois nouvelles chaque semaine.

Aujourd’hui, La Pointe, qui s’apprête à lancer un double appel, à des contributeurs et pour une récolte de fonds et de subventions des pouvoirs publics, est consulté par environ cinq cents internautes par mois, avec quelques pics. « C’est presque utopique d’avoir lancé ce projet car on travaille toutes les trois à côté à temps plein, admet sa cofondatrice. Mais c’était pour nous urgent et nécessaire. »

Michel PAQUOT

lapointe.be/

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