Bai Kamara : paix et tolérance sur fond de blues

Bai Kamara : paix et tolérance sur fond de blues

Si les racines africaines transpirent de sa musique, c’est surtout le soul et le blues qui la distinguent. Né en Sierra Leone, Bai Kamara Jr est installé à Bruxelles depuis plus de trente ans. Un musicien de foi dont le fil conducteur est la défense des droits humains, la tolérance et la paix.

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Publié le

30 novembre 2023

· Mis à jour le

4 février 2025
Bai Kamara assis contre un mur blanc et gris, dans un costume blanc, jouant de la guitare

Quand on a vécu une partie de sa jeunesse dans l’un des États les plus pauvres du monde, où l’espérance de vie n’excède pas cinquante ans, cela laisse des traces. Bai Kamara Jr a grandi entre la Sierra Leone, son pays d’origine, et l’Angleterre, où ses parents étudiaient. Mais c’est en Belgique qu’il a fini par s’arrêter. « Ma mère était ambassadrice à Bruxelles et m’a proposé de découvrir le pays en 1992, raconte-t-il. Je suis tombé amoureux de la ville et j’ai finalement décidé de m’y établir. » Bai Kamara Jr, alors étudiant à Manchester, choisit de poursuivre ses études en gestion d’entreprise à l’université du Maryland, une antenne locale de la célèbre institution américaine.

VOIX CHAUDE ET CUIRASSÉE

« J’ai été approché par des musiciens qui m’ont demandé de composer pour eux. En Angleterre, je touchais déjà à la guitare et je composais facilement. J’ai accepté et mis mes études entre parenthèses, le temps de voir si cette collaboration musicale donnerait quelque chose… » Alors qu’il chantonne les mélodies qu’il compose pour ses amis musiciens, l’un d’eux repère sa voix chaude et cuirassée, et lui propose de chanter. Le groupe Odex Protocole se met en place dans la foulée et connait un rapide succès. La formation est propulsée au Jazz Rally et au Couleur Café, avant de s’envoler en Italie pour y assurer les premières parties de Zucchero, Terence Trent d’Arby, et Youssou N’Dour. 

Après huit ans de collaboration, Bai Kamara Jr commence à jouer en son propre nom, reprend la plume et écrit son premier album solo en acoustique, Living room. En 2011, il revient avec un autre projet, Aramakiab. Avec ce groupe, il arbore un style plus blues et funk. Les albums se succéderont encore, jusqu’au dernier, sorti en mars 2023, Travelling medicine man, son septième, trois ans après le succès international de son prédécesseur, Salone. Son groupe, les Voodoo Sniffers, compte désormais des musiciens issus des États-Unis, de Belgique, du Burkina Faso et du Togo.

UN HOMMAGE À SON GRAND-PÈRE

« Traveling medicine man, commente-t-il, est inspiré de mon grand-père, Tinka Tanner Kargbo, né en 1901 dans la province du nord de la Sierra Leone. Il a été éduqué par des missionnaires protestants et a ensuite voyagé avec eux à travers le pays pour apporter des soins médicaux aux villageois et aux citadins. Ce qui me fascinait le plus chez lui, c’était sa capacité à concilier ses croyances chrétiennes avec ses croyances et coutumes africaines traditionnelles. »

Ici, c’est Bai Kamara Jr qui se transforme en soigneur des âmes avec son blues métissé. À la fois authentique et plein d’émotion, cet album fait la part belle au blues rootsy, saupoudré de sonorités africaines. Le style engagé de l’artiste imprègne de nombreux titres, qui font sens. Ainsi, Mister President est-il une lettre ouverte au leader d’un pays accusé de corruption, tandis que It ain’t easy évoque les raisons de l’émigration vers l’Europe et des difficultés qui en découlent. Et que If I Could Walk on Water fait référence, avec ironie, au superpouvoir de Jésus, qui serait bien utile aux migrants africains lors de leurs traversées… « Toutes mes chansons délivrent un message, confie le musicien. Avant tout de justice sociale et de droits humains, mais aussi de paix, de tolérance et d’amour. » 

LA FOI POUR MOTEUR

Héritier du protestantisme du côté de sa mère, Bai Kamara Jr est très croyant. « Elle me disait souvent que la religion était très personnelle, et qu’il ne servait à rien de vouloir convaincre qui que ce soit. Dans mon cas, la foi est un véritable moteur dans mon métier de musicien, qui n’est pas facile tous les jours. Elle me donne la persévérance, la patience et le courage de me battre pour délivrer mes messages de paix et d’humanité, mais aussi pour montrer le bon exemple à mes trois fils. » Compositeur de talent, il ne tombe jamais en panne d’inspiration. « Je m’inspire des mots de mes enfants, des actualités, du quotidien des gens et des difficultés qu’ils rencontrent… J’ouvre simplement mes yeux et mes oreilles et en écris une histoire… »

Ce musicien aussi inspirant qu’inspiré est aussi le producteur artistique de plusieurs artistes, dont Matt Watts (un chanteur américain) et Alex Lebluy (un bluesman belge). Une autre casquette à laquelle il se montre très attaché. Humaniste engagé, il a par ailleurs secondé la star mondiale Youssou N’Dour en 1998 dans une opération intitulée Building Bridges, soutenue par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Il a également levé des fonds pour Médecins sans Frontières (MSF) en 2015 grâce à l’enregistrement de la chanson If I could walk on water interprétée par un collectif d’artistes engagés (Beverly Jo Scott, Manou Gallo, Marie Daulne des Zap Mama…). Autant d’actions qui lui permettent de défendre les valeurs qui lui tiennent le plus à cœur : la défense des droits humains, souvent bafoués dans son pays d’origine, la Sierra Leone, qui l’a marqué au plus profond de lui-même. 

DES HAUTS ET DES BAS

La vie d’artiste est souvent ponctuée de hauts et de bas. Bai Kamara Jr estime avoir eu de la chance au fil de son parcours. « Notamment lorsque j’ai joué pour Albert II, le roi de Belgique, le jour de la fête nationale, sur la place Poelart. C’était en 2003. » Il se remémore avec joie avoir assuré la première partie de la tournée internationale Love Album de Vanessa Paradis en 2014 (vingt-cinq dates) et avoir chanté en duo avec Dani Klein de Vaya Con Dios, en plus d’en faire aussi la première partie. « J’ai encore récemment écrit une chanson pour son dernier album », se réjouit-il. 

D’un autre côté, le musicien se souvient du confinement et de ses conséquences avec moins d’optimisme. « Pour les musiciens, comme pour tous d’ailleurs, cette période était particulièrement incertaine. J’ai vu beaucoup de collègues tomber en dépression… Certains ont même dû arrêter la musique car l’argent ne rentrait plus… » Un temps sombre, désormais révolu, qui n’aura en tous cas pas entamé l’enthousiasme, la force et la créativité de celui qui a fait de Bruxelles l’une de ses muses. 

Virginie STASSEN 

baikamara.com

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