Bienvenue dans le métavers!

Bienvenue dans le métavers!

Le métavers est un univers virtuel en tous points semblable au réel. Il sera bientôt accessible à tous, promet Mark Zuckerberg. Le patron de facebook investit des milliards de dollars dans cette technologie qui soulève toutefois de nombreuses interrogations.

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Publié le

1 septembre 2022

· Mis à jour le

29 août 2025
FACE A SON AVATAR. Mark Zuckerberg pose les bases d’un nouvel univers numérique.
FACE A SON AVATAR. Mark Zuckerberg pose les bases d’un nouvel univers numérique.

Dans un futur relativement proche, un riche entrepreneur crée un monde parallèle mêlant réalités virtuelle et augmentée afin de contrôler les esprits et d’ainsi accroître son pouvoir. Il nomme ce nouvel univers metaverse (en français métavers). C’est également équipé d’un casque de réalité virtuelle, muni de gants et d’une combinaison, que l’on pénètre dans l’Oasis, un espace virtuel mondial devenu un exutoire pour l’humanité en ce temps de crise énergétique, climatique, économique, humanitaire, guerrière… Ces deux dystopies sont respectivement développées par Neal Stephenson dans Le Samouraï virtuel (1992) et par Ernest Cline dans Ready Player One (2011), adapté au cinéma par Steven Spielberg en 2018. Or ce qui relevait de la science-fiction à l’époque n’en sera bientôt plus : prochainement, chacun pourra en effet, coiffé d’un casque de réalité virtuelle sans fil, après avoir installé différents jeux et applications et choisi son avatar, évoluer dans l’un de ces espaces parallèles collectifs et partagés.

FEU FACEBOOK

En annonçant, en octobre dernier, le changement du nom de son groupe en Meta, Mark Zuckerberg, le patron de facebook, a posé les bases d’un univers numérique pour lequel il reprend le terme de metaverse, contraction de meta et de universe. « Ce que j’espère, a-t-il déclaré, c’est que si nous faisons ce qu’il faut, d’ici à peu près cinq ans, nous serons considérés par les gens plus comme une entreprise metaverselle que comme un réseau social. Une construction de réalité virtuelle destinée à supplanter internet, à fusionner la vie virtuelle avec la vie réelle et à créer de nouveaux terrains de jeu sans fin pour tout le monde. » Pour travailler à l’élaboration de son projet, il a annoncé la création de dix mille emplois dans l’Union européenne.

Le métavers disposera de son propre système économique et réunira toutes les activités du monde réel : acheter, se cultiver, créer, apprendre, collaborer, travailler, faire du tourisme, se soigner, voter… Et le métavers est persistant. Contrairement aux jeux, il ne s’arrête jamais, même quand on le quitte.

ACHATS ET CONCERTS

Dans cet univers en trois dimensions, les utilisateurs pourront faire virtuellement les boutiques en achetant des (vrais) vêtements avec du véritable argent pour habiller leur avatar ou les récupérer dans le monde réel. Cette monnaie sonnante et trébuchante pourrait également être utilisée pour assister à un concert (virtuel) donné par un artiste (réel). Fabio Lavalle, fondateur de l’agence belge de marketing digital Pixel Passion, vient par exemple de débourser quinze mille euros pour acheter son premier terrain. Dans La Libre Belgique, la journaliste Jessica Flament imagine que, « sur le même principe des cours en distanciel, les cours dans le métavers permettraient aux étudiants d’interagir entre eux et de suivre des conférences données dans n’importe quelle université du monde. » « Au lieu de prendre l’avion pour se rendre dans le laboratoire d’un pays étranger, ils pourraient y avoir directement accès dans le métavers. Ce nouveau monde rendrait plus accessible des dispositifs éducatifs de qualité présents dans le monde entier. »

Plutôt que d’être le substitut de la réalité physique, le métavers deviendrait ainsi son prolongement, accélérant les interactions sociales, au même titre que les réseaux sociaux ont pu créer de réelles amitiés même avec des personnes jamais rencontrées ? « Pour l’individu, il va créer une extension de soi dans le virtuel, remarque l’anthropologue Fanny Parise. Toute la question sera alors de trouver une harmonie entre nos différentes identités. » Elle s’interroge : « Est-ce que ce sera une forme de transhumanisme qui augmentera nos capacités ? Est-ce qu’il amènera une réflexion sur une nouvelle manière de vivre, peut-être plus compatible avec des contraintes environnementales ? Ou alors est-ce que ce sera une duplication de la réalité ? »

QUESTIONS ÉTHIQUES

L’émergence de ces univers virtuels s’accompagne toutefois de nombreuses questions éthiques et… pratiques. Quelle forme devront revêtir les avatars ? Humaine ? Animale ? Purement imaginaire ? Des personnes pourraient se disputer, se battre, attenter à l’intégrité numérique d’un autre avatar, voire le tuer. Serait-il jugé ? Et que deviendrait l’avatar mort ? Son propriétaire pourrait-il en recréer un nouveau ? A contrario, que deviendrait celui d’une personne décédée ? Disparaitrait-il ou continuerait-il à coexister avec les vivants ? Et quid du hacking ? Un avatar pourrait-il être pris en otage et libéré contre une rançon ? 

Dans une tribune au quotidien français Libération, le psychiatre Serge Tisseron, auteur de L’Emprise insidieuse des machines parlantes (Les Liens qui Libèrent), redoute que les métavers deviennent « un nouveau Far West où règnera partout la loi du plus fort, du plus fortuné, du plus agressif ». « Les grandes marques et les spécialistes du marketing qui en tiendront les rênes soumettront les usagers à la puissance manipulatrice de leurs algorithmes. Les inégalités propres à la vie réelle risquent d’y être non seulement transposées, mais même aggravées. » Selon lui, ces inégalités seront économiques, sociales, mais également humaines. « Le choix des avatars risque de renforcer les stéréotypes liés à la couleur de peau, à l’apparence sexuelle, au choix de certains marqueurs identitaires, d’une façon dont les créateurs de métavers se déclareront évidemment non responsables. » Même si, « les métavers peuvent être de formidables espaces pour la création de communautés virtuelles. Des algorithmes peuvent y favoriser le travail collaboratif et la construction des savoirs au service d’une démocratie citoyenne », concède-t-il, sans vraiment y croire.

Michel PAQUOT

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