Découvrir la ferme en s’amusant
Découvrir la ferme en s’amusant
Offrir l’occasion aux enfants de découvrir ce qui se passe derrière les murs d’une ferme, côtoyer les animaux dans leur lieu de vie, connaître d’où provient ce que l’on mange dans son assiette : c’est le projet mené par deux passionnés, à la fois fermiers et enseignants. Un gage de réussite.
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Sur le parking, un va-et-vient de voitures, malgré l’heure matinale. Des enfants en sortent, certains sont encore mal éveillés. Avec papa ou maman venus les accompagner, ils longent un mur de béton décoré de dessins réalisés la veille à la craie. Les voici accueillis par Guillaume Joiret et Cindy de Voghel. Lui est né sur place, son épouse a grandi dans un manège, entourée de chevaux. Et tous deux sont des enseignants passionnés autant par leur travail à l’école que par le quotidien de la ferme, le contact avec les animaux et tout ce que la nature peut apporter comme leçons de vie.
UNE TRADITION QUI SE PERPÉTUE
« Nous sommes la quatrième génération à exploiter cette ferme devenue familiale au fil du temps, raconte Guillaume. Mes parents organisaient des stages comme on le fait aujourd’hui, c’était l’époque où commençait à se créer des fermes pédagogiques. J’ai vraiment été baigné dans ce mouvement. Adolescent, j’animais déjà les groupes d’enfants, j’ai toujours adoré cela. Au décès prématuré de papa, on a continué, mon frère et moi, à faire en sorte que la ferme puisse exister. J’ai suivi tout naturellement les études d’instituteur, tout en travaillant ici. »
Les enfants, eux, parlent des activités vécues la veille. De ce pain réalisé avec de la farine qu’ils ont extraite des grains de blé et moulu le plus finement possible. De ce miel récolté avec l’aide d’un apiculteur invité. « J’ai mangé le pain avec le miel dessus, c’était bon », déclare joyeusement un gamin. Et la maman d’ajouter avec un large sourire : « Il ne nous en a pas beaucoup laissé. » « C’est aujourd’hui que vous faites des frites ? », s’enquiert un papa. « Non, c’est demain. On ira chercher les pommes de terre chez un fermier voisin. L’occasion aussi de voir les vaches de plus près. » Un baiser, un câlin, les parents s’en vont. Certains enfants se dirigent vers les ânes, d’autres vers les chèvres. D’autres encore dessinent sur le mur. Mais ce qui les attire le plus, c’est le hangar à ballots avec ses coins et recoins pour se cacher, un labyrinthe à explorer et, surtout, une maison de paille, sorte d’igloo de ballots.
UN LIEU REFUGE
« Ici, il y a de l’espace. Les enfants peuvent aller un peu partout, mais la “Maison ballot” est l’endroit le plus fort de la ferme. C’est là que la journée commence. Et dès qu’il y a un moment de récré ou qu’on se trouve entre deux activités, certains vont s’y réfugier, tandis que d’autres s’y installent pour la collation. C’est un lieu refuge, à taille d’enfant, où on se retrouve et où chacun se retrouve. Les enfants adorent. » Tout le monde est réuni, assis en rond dans cette maison de paille. Des chuchotis, puis le silence. Cindy explique que, ce matin, ils vont être répartis en deux groupes. Le premier ira nourrir les animaux, le deuxième confectionnera un cadre pour y mettre la photo prise la veille où chaque enfant posait en compagnie de son animal préféré.
La jeune femme se dirige vers un local aménagé en atelier qui permet de réaliser des dessins, des bricolages et des objets divers. Guillaume emmène l’autre groupe vers les lapins qui vivent dans un très grand clapier au cœur du hangar à ballot. Chaque enfant prend une carotte qu’il tend à l’animal. Il lui faut être calme et tranquille afin qu’il soit bien à l’aise. « Il ne vient pas manger », s’inquiète un garçonnet. « C’est peut-être que tu fais trop de bruit », diagnostique Guillaume. « L’approche des animaux induit la manière dont tout se passe ici, commente-t-il. Tout est dans le respect de la différence d’un autre être vivant avec ses besoins propres et sa présence particulière. Si les enfants ne respectent pas cela, les animaux ne viendront pas près d’eux. L’adulte donne des conseils, partage des informations. Pour approcher les animaux et apprendre d’eux, il est nécessaire de les respecter. Alors, ils nous apportent beaucoup. Certains enfants sont dans leur bulle avec l’un ou l’autre animal. Ils sont à l’aise, ils le caressent. Ils prennent du bon temps ensemble et on dirait que plus rien n’existe autour. Ce sont des moments précieux, vraiment très chouettes. Cela fait partie intégrante du stage et c’est sans doute cela que les participants emporteront avec eux. »
UN COUP DE BROSSE
Après les lapins, les chevaux. En plus de les nourrir, il faut balayer l’écurie. Hop ! Quelques ballots sur une brouette, et en avant ! Chaque enfant a sa brassée de foin puis, dans le couloir entre les box, il y va de son coup de brosse. « Y a vraiment beaucoup de travail », remarque l’un d’eux. Et Guillaume de confirmer : « Il y en a toujours à la ferme, ça ne s’arrête jamais. » Les chevaux repus, Guillaume emmène le petit groupe à la pâture dans une étrange procession conduite par les équidés qui connaissent le chemin par cœur. Pendant ce temps-là, les enfants de l’autre groupe, affairés autour d’une table, réalisent de fort jolis petits cadres, tout en racontant pourquoi ils ont choisi tel ou tel animal.
Mais c’est déjà l’heure de la collation, le moment des papotes et des confidences. L’occasion de terminer un travail, comme continuer à moudre les grains pour en extraire la farine. Les tâches des groupes sont ensuite permutées. Un immense enclos avec deux pyramides-poulaillers accueille les poules et un dindon. En allant chercher les œufs, Guillaume signale qu’il faut faire silence. Une poule est occupée à pondre. Une autre couve. Un enfant demande s’il peut en caresser une et la prendre dans ses bras. Guillaume explique comment faire et, surtout, que si l’animal crie ou s’ébat, c’est qu’il ne se sent pas bien. La poule reste sagement dans les bras de l’enfant dont le visage resplendit. Juste derrière le poulailler, voici un cochon et, encore un peu plus loin, deux paons. Et des jeux pour les enfants : balançoire, toboggan et même une tyrolienne.
AMUSEMENT ET APPRENTISSAGE
« Il ne faut pas se mentir, ce qu’on cherche, c’est l’amusement des enfants. Ils doivent se sentir ici chez eux. Et, derrière cet amusement, c’est l’apprentissage. Connaître les machines, les animaux, tout ce qui fait la ferme. Apprendre aussi d’où vient la matière première de ce qu’on mange tous les jours. Il faut les voir moudre des grains de blé avec passion pour en obtenir de la farine. Pétrir la pâte et cuire du pain qu’ils emporteront à la maison et dégusteront avec leurs parents. »
Les ânes attendent sagement les enfants. Ils braient de plaisir en les apercevant. Il y a aussi des chèvres et trois lamas. « Des animaux recueillis. On n’y pensait pas, mais ils sont très bien là », observe Guillaume. Et les vaches ? « Dans le temps, il y en a eu, mais, aujourd’hui, mon frère Thomas et moi sommes céréaliers. On fait l’inverse de ceux qui labourent des prairies pour y mettre des cultures, on réensemence de l’herbe dans des terres cultivables. On a développé cette activité à partir de 2015. Du temps de papa, on faisait deux mille ballots, à présent, on en est à près de seize mille. On s’est mécanisé en conséquence. Il n’est pas facile de trouver la main-d’œuvre pour cette tâche. » Transformer les prairies, c’est ce que Cindy et Guillaume ont aussi réalisé en aménageant les trois hectares d’un pré attenant à la ferme. « Il y a quatre ans, ce n’était qu’une immense prairie. Il n’y avait pas un poteau, pas un arbre, pas de parcelles clôturées. On a tout créé ici pour pouvoir faire vivre cette ferme pédagogique », confie Cindy, interrompue par le bruit assourdissant du petit train de fûts tiré par un quad piloté par son compagnon.
Les enfants y ont été installés et rient aux éclats. Ils vont jusqu’à la Mehaigne, une rivière qui longe la propriété. « Chaque année, on essaie d’innover pour attirer encore les enfants qui sont déjà venus aux stages, et aussi agrandir notre public. Cette année, c’est le petit train. Aujourd’hui, on étudie la possibilité d’effectuer la descente de la Mehaigne en barque, avec toutes les observations possibles des milieux humides. On l’a fait avec nos propres enfants, il n’y a vraiment aucun danger. On a pied quasiment partout et on peut suivre les barques depuis la berge pendant les trente minutes que dure la navigation. Il faut cependant des autorisations puisqu’à cet endroit, la rivière n’est pas déclarée navigable. On doit également faire l’investissement de barques adaptées, de gilets de sécurité pour chaque enfant. C’est une réelle opportunité pour nous. »
La matinée s’achève. Les enfants vont aller manger, puis ils embarqueront dans la calèche tirée par un cheval pour une visite au fermier voisin qui élève des vaches et cultive des pommes de terre. Demain, c’est le jour des frites préparées de A à Z et qui seront ainsi dégustées en connaissance de cause.
Christian MERVEILLE
La ferme Joiret, route de la Hesbaye 386, 5310 Éghezée. lafermejoiret.be/