Farid el Mokaddem : la météo, une passion devenue profession

Farid el Mokaddem : la météo, une passion devenue profession

Fan de météorologie depuis toujours, Farid est devenu un personnage incontournable du paysage médiatique des prévisions du temps. D’abord un peu OVNI dans la météo belge, il est maintenant connu dans le monde entier. Sa sympathie et son franc-parler font fi des quolibets qui ont pu lui être adressés.

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Publié le

31 août 2024

· Mis à jour le

26 février 2025
Le présentateur météo Farid el Mokaddem, les bras croisés, se trouvant sur un toit
Météo Farid el Mokaddem

Cela a en quelque sorte été l’orage de sa vie. Ce jour de mai 2016, la fête du Doudou bat son plein à Mons quand Farid annonce l’arrivée imminente d’un monstrueux orage sur une vidéo de sa petite page Facebook. Quarante minutes plus tard, pile à l’heure, le cataclysme s’abat sur la Ducasse. Le ciel explose, tout comme les compteurs du réseau social : la vidéo est partagée plus de cinq mille fois, et de son petit millier de fidèles, la page Météo-Mons grimpe à dix mille abonnés en deux jours. Sa communauté continuera de grandir à la vitesse de l’éclair pour atteindre aujourd’hui les 260 000 abonnés. Elle affiche un taux d’engagement de 7%, ce qui la classe dans le top 10 belge. Difficile de déterminer avec précision la recette de ce succès, mais sa proximité avec les habitants n’y est pas pour rien. Comme, par exemple, la présence sur sa page, en marge de l’indice de température et de précipitations, d’un “indice barbecue” pour chaque midi et soir…

LA MÉTÉO DANS LA PEAU

Même si le cœur de Farid el Mokaddem a toujours battu pour la météo, la voie était pourtant loin d’être toute tracée. Tout petit, il a déjà le coup de foudre pour elle. « Quand j’étais en première primaire, dans la cour de récréation, je courrais vers le thermomètre pour aller relever la température, la noter, vérifier s’il y avait de la pluie dans le pluviomètre… », évoque-t-il.  Une passion qui a longtemps été entourée d’un tabou : « Dès qu’on a eu internet, je scrutais les forums de météo pour discuter avec d’autres passionnés. J’avais l’impression d’être fou. Tous mes copains aimaient le foot, le cinéma, les sorties… Moi, j’aimais la météo, suivre l’arrivée de la neige pendant la nuit, voir si elle allait tenir. À douze ans, je faisais des climatogrammes sur du papier millimétré. »

C’est pourtant vers la médecine que Farid s’oriente dans un premier temps. Contraint d’arrêter ses études après la deuxième année à cause de circonstances familiales difficiles, il entreprend un graduat en sciences, mais abandonne également. Durant ces années, il garde toutefois, dans un coin de sa tête, les principes de thermodynamique et de mécanique des fluides. À 25 ans, il reprend des études de commerce international. Son diplôme en poche, il trouve une place de consultant dans le secteur cosmétique à Charleroi. Il la quittera rapidement, avec une dépression. C’est lors de son emploi suivant qu’arrive l’anticyclone salutaire. Alors qu’il est employé au tout nouvel établissement d’Ikea à Mons, son épouse l’interpelle un jour : « Écoute Farid, tu parles tout le temps de météo. On le voit, que tu es passionné. Pourquoi ne ferais-tu pas un blog ? » Mais en 2015, les blogs étaient déjà has-been. Alors, il crée une page Facebook.

DE MONS AU MONDE ENTIER

Météo-Mons est un bulletin météo express, réalisé tous les jours. La page a le vent en poupe : après le buzz de l’orage pendant le Doudou, elle touche progressivement quinze, vingt, puis cinquante mille fidèles l’hiver suivant. C’est en 2021, quand le contenu météo de Farid, toujours bénévole, atteint les cent mille abonnés, que SoFlamingo, l’agence chargée de sa communication, vient le sortir d’Ikea. Télé MB, la chaîne locale montoise, lui propose un petit bulletin météo. Une première expérience médiatique pour lui qui a la tête dans les nuages : « Franchement, au commencement, je regardais les oiseaux en présentant la météo… Quand je me vois maintenant, j’en rigole, parce que j’étais ultra-timide et vraiment très dissipé. Mais ils m’ont fait confiance dès mes débuts et ça a été un pari gagnant. » 

Toujours grâce à David Flament, son agent, il décroche ensuite un contrat de cinq ans à L’avenir, journal dans lequel il écrit six jours sur sept une chronique élaborée avec les mêmes ingrédients que Météo-Mons : proximité, information, accessibilité et bonne humeur. « J’ai une boîte mail sur laquelle je reçois plein de questions. Chaque jour, j’en choisis une et j’y réponds dans le journal, de manière personnalisée. Par exemple, Martine habite à Couvin et me demande si elle peut faire un barbecue ce week-end. Je réponds en expliquant ce qui se passe du côté atmosphérique, mais sur un ton assez sympathique. Ça sort des codes de la météo traditionnelle. » Cette chronique est également déclinée en format vidéo sur le site du quotidien régional. 

Tout s’enchaîne par la suite. En 2022, Dreamwall, le studio d’animation carolo qui produit la météo de TV5 Monde, appelle Farid en renfort. « Franchement, c’est chaud, se dit le Montois. Impossible, je ne me vois pas présenter la météo dans quatre-vingts pays pour cent millions de personnes. Je fais quand même le test. Stress de malade. Mais je gère la première prise et ils m’engagent pour cinq à six bulletins par mois. » Farid évolue parmi les grands, puisqu’il fait les rotations avec Daniela Prepeliuc et Stéphane Piedboeuf. Enfin, c’est la chaîne d’info en continu LN24 qui lui propose une chronique de quatre minutes, deux fois par jour. Farid accepte et, du lundi au vendredi, apprivoise l’adrénaline du direct.

LE SYNDRÔME DE L’IMPOSTEUR ?

L’exposition nationale s’accompagne aussi de critiques. « Je m’entends toujours super bien avec les météorologues, explique-t-il. Sincèrement, je connais très bien la météo belge, je peux apporter une certaine expertise, qu’ils reconnaissent. Je ne suis pourtant pas météorologue ! C’est très important de le préciser, je suis un passionné depuis toujours. J’ai d’ailleurs eu pendant longtemps le syndrome de l’imposteur. Quand on n’est pas un vrai météorologue prévisionniste, on est parfois mal vu. J’ai déjà entendu beaucoup de sous-entendus de certains d’entre eux. Mais ce syndrome de l’imposteur n’a pas lieu d’être. Je suis un peu le trait d’union entre les scientifiques qui ont fait cinq ans d’équations différentielles et le citoyen lambda, par ma manière humoristique d’expliquer la météo. On va dire que je suis un peu le Jamy de la météo… »

Farid a également appris à composer avec les haters (les “haïsseurs”). À l’image du racisme décomplexé dont la présentatrice météo de la RTBF Cécile Djunga avait fait l’objet en 2018, ses chroniques dans L’avenir lui valent régulièrement des réactions haineuses en lien avec son prénom et son origine marocaine. Le monsieur météo de Mons choisit d’y réagir avec humour. Les propos racistes sont même parfois convertis en audience, comme cette fois où il en a proclamé un « meilleur commentaire de la semaine », en précisant à son auteur qu’il remportait une djellaba dédicacée Météo-Mons. La proportion de ce type de réactions reste néanmoins minime par rapport aux commentaires positifs, souligne Farid : « J’ai la chance de vivre dans un pays super chouette avec une population très chaleureuse et très cosmopolite. » 

Né d’un papa marocain et d’une maman belge, il se sent très bien en Belgique : « Je suis quelqu’un d’ultra ouvert. Ma femme est catholique et je fête Noël avec elle. Moi, je suis musulman et je fais le ramadan. » Ceux qui l’effrayent le plus sur les réseaux sont les climatosceptiques, d’autant plus qu’il constate de très près le réchauffement climatique. « J’observe les modèles climatiques depuis vingt-cinq ans maintenant et il est réel, c’est clair. Mais beaucoup de gens pensent que c’est un complot et nous traitent de complices du gouvernement. » Pour l’heure, Farid reste concentré sur la météo montoise et sur ses nombreuses collaborations médiatiques, nationales et internationales, sans oublier sa femme et ses deux enfants de sept et trois ans. Les vrais soleils de sa vie.

François HARDY

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