Guerres et religions : la guerre demeure un échec

Guerres et religions : la guerre demeure un échec

Il nous appartient, en tant que chrétien, de chercher tous les moyens de résistance possibles autres que la violence. Mais, plus encore, notre tâche est de travailler à prévenir la guerre et préparer la paix.

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Publié le

31 mars 2024

· Mis à jour le

20 février 2025
Photo de la chroniqueuse Laurence Flanchon souriant à la caméra

Le protestantisme est né d’une séparation, en Occident, avec l’Église catholique romaine. Même si l’intention originelle de Martin Luther n’était pas celle de créer une nouvelle confession dans le christianisme, les débats et les actes initiés par ses idées, ainsi que son excommunication, ont conduit à cet état de fait. Qui, à son tour, a engendré divers affrontements violents. Le tout premier fut la révolte des paysans en Allemagne ; pas moins de huit guerres de religion se sont succédé en France avant que catholiques et protestants ne trouvent les moyens de cohabiter durablement. Plus près de nous, le régime d’apartheid qui prévalut en Afrique du Sud jusqu’en 1991 rappelle la responsabilité de l’Église réformée dans la mise en place d’un régime structurellement raciste.

« TU NE TUERAS POINT »

À l’écoute de Celui qui s’est laissé crucifier par amour et qui a dit « Aimez vos ennemis ! », à l’écoute, aussi, du commandement « Tu ne tueras point », la seule option possible pour le chrétien est-elle celle du pacifisme ? Les anabaptistes, les mennonites ou les quakers sont des familles qui, au sein du protestantisme, ont fait du refus de la violence un élément essentiel de leur identité. Mais le protestantisme réformé ou luthérien, au cours de l’histoire, s’est plutôt attaché à la doctrine de la “guerre juste” qui rend le recours au conflit armé légitime sous certaines conditions.

Différentes traditions coexistent au sein des récits bibliques, certaines plus violentes que d’autres. On ne peut en déduire une seule attitude face à la guerre. Mais le commandement biblique « Tu ne tueras point » demeure. Comme le relève Henry Mottu dans son livre, Artisans de paix, le terme de “commandement” que nous utilisons pour désigner les dix paroles n’est pas à entendre comme un ordre ; il peut être considéré comme une loi générale et absolue – c’est la position pacifiste – ou comme une injonction concrète et personnelle réclamant alors une réponse individuelle qui tient compte des circonstances et relève d’un choix dont je suis responsable devant Dieu. La guerre est un “cas limite” et il faut parfois se résoudre à la résistance armée ; cependant, comme l’écrit encore Henry Mottu, « il ne s’agira ni d’une “guerre sainte”, ni d’une croisade, mais d’une action mesurée, rationnelle, défensive face à l’injustice et au déshonneur ». 

CULTURE DU DÉBAT

Je ne crois pas qu’une guerre puisse être « juste » – car la guerre reste un lieu de violence abominable, d’abus et de souffrances -, mais elle est parfois nécessaire quand tous les autres moyens ont été essayés pour l’éviter. Cependant, elle demeure un échec et relève de la catégorie du péché. Si l’on est contraint à la violence, soutenait le théologien Jacques Ellul, il faut continuer à croire à la fécondité de l’affirmation radicale de la non-violence.

Il nous appartient, en tant que chrétien, de chercher tous les moyens de résistance possibles autres que la violence. Mais, plus encore, notre tâche est de travailler à prévenir la guerre et préparer la paix. Dieu ne nous a-t-il pas donné le « ministère de la réconciliation » ? (2 Co 5,18) Cette tâche commence par le fait de reconnaître avant toute chose ce qui, dans notre propre tradition, a généré de la violence. Pour lutter contre les circonstances qui mènent à la guerre, il nous faut encourager une culture du débat, l’élaboration d’une parole qui fait droit tant à la nuance qu’à la complexité ; mais aussi refuser les logiques d’enfermement, lutter contre les discriminations, les injustices et les humiliations dont les rancœurs souterraines mènent à l’affrontement.

Laurence FLACHON, Pasteure de l’Église protestante de Bruxelles-Musée (Chapelle royale)

Henry MOTTU, Artisans de paix, entre pacifisme et résistance, Genève, Labor et Fides, 2023, p. 73ss et p. 135. Prix : 18€. Via L’appel: – 5% = 17,10€.

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