Le prophète, la cité et le jardin

Le prophète, la cité et le jardin

Si le découragement nous saisit parfois face à l’ampleur et l’urgence des enjeux climatiques, l’écoute du prophète Amos nous incite à agir.

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Publié le

1 novembre 2023

· Mis à jour le

4 février 2025
Photo de la chroniqueuse Laurence Flanchon souriant à la caméra

Durant de – trop – nombreuses années, les Églises, comme le reste de la société, ont pensé un monde aux ressources comme illimitées et ont eu à cœur d’affirmer une place non seulement centrale, mais aussi dominante de l’humain. Aujourd’hui les perspectives ont changé : la “théologie verte”, qui donne l’occasion aux différentes Églises chrétiennes de renforcer les liens qu’elles entretiennent, cherche à repenser la place de l’être humain et l’exercice de ses responsabilités dans la création. Et si les Églises chrétiennes se sont saisies de ce sujet, c’est, notamment, parce qu’elles ont réalisé combien les questions écologiques étaient aussi des questions de justice. Ce sont, par exemple, la plupart du temps ceux qui sont à la fois les plus fragiles et les moins pollueurs qui subissent le plus grand impact des changements climatiques.

EXPLOITATION DES ÊTRES HUMAINS

Certains prophètes du Premier Testament, tel Amos, ont très tôt pressenti le lien entre l’exploitation des êtres humains et celle des ressources naturelles. À son époque, Israël connaît une période de paix et de fort développement économique. Les gens cherchent à tirer le maximum de profit des terres, de l’artisanat et du commerce. Malheureusement, les retombées de cette croissance ne profitent pas à tous. Les inégalités se creusent entre ceux qui font construire « des maisons bâties en pierre de taille » et ceux qui sont injustement dépossédés de leurs moindres biens et ne peuvent même pas faire appel devant les tribunaux, tant ceux-ci sont corrompus (Amos 5, 11-12).

Amos va dénoncer ce système social bâti sur la paupérisation et les injustices considérées comme un moyen de gain. Un message résolument contemporain ! À ceux qui se comportent de cette manière, le prophète va faire comprendre qu’ils sapent les fondements du pays et l’entraînent vers la ruine. Pourquoi ? Parce que le projet de Dieu, dès la Genèse, est d’ordonner le chaos, de créer l’harmonie entre les êtres vivants et avec le monde qui les entoure et dont ils sont partie prenante. Pour être fidèles à ce projet, les êtres humains ne peuvent ni exploiter leur prochain ni ravager la terre.

DROIT ET JUSTICE

Le prophète Amos présente Dieu comme celui qui assure la succession régulière des jours et des nuits, des années et des saisons ; celui, aussi, qui préside aux cycles des eaux qui s’évaporent des mers pour retomber en pluie sur la terre. L’action permanente de Dieu vise donc à assurer la vie, l’ordre, la paix et la sécurité au sein de la création. Or pour préserver cette harmonie, deux valeurs sont essentielles : le droit et la justice. Et en hébreu, la justice, la tsedaqa, comporte une connotation de pardon, de salut, de miséricorde et d’amour du prochain. Amos ne se contente pas de dénoncer des richesses basées sur l’injustice ou des modes de vie frivoles qui se moquent bien des ravages qu’ils peuvent causer ; il pointe le fait que ces comportements constituent une rébellion contre Dieu et son projet créateur. Lorsqu’on abuse des plus faibles, lorsqu’on les exploite, on réinstaure du chaos. Une société infestée par des injustices et de profondes inégalités sociales s’engage dans un processus de dé-création. 

Pour nous inciter à nous détourner de ces attitudes prédatrices, le prophète utilise cette belle image de l’eau qui évoque la vie et la générosité : « Que le droit jaillisse comme une source ! Que la justice coule comme un torrent intarissable ! » Si le découragement nous saisit parfois face à l’ampleur et l’urgence des enjeux climatiques, l’écoute du prophète Amos nous incite à agir :  les petits ruisseaux de chacun de nos changements de comportement peuvent, unis, contribuer à l’écoulement du fleuve puissant de la justice. 

Laurence FLACHON

Pasteure de l’Église protestante de Bruxelles-Musée (Chapelle royale)

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