Le tendre rien de Noël
Le tendre rien de Noël
Puisque Noël arrive, laissez-moi vous partager des souffles d’écriture en joie, avec une prédilection pour quelques poètes qui évoquent si bien le rien de Dieu.
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D’accord, l’âne et le bœuf n’apparaissent pas chez saint Luc. Et moins encore chez les autres, bien sûr. Mais qui vous dit qu’ils n’étaient pas à la crèche ? Au IVe siècle déjà, il en est question dans l’iconographie de la nativité, avant même Marie et les bergers. Et puis “mes” poètes les ont vus, je vous assure, et bien vus. Ainsi l’Évangile apocryphe du pseudo-Matthieu (à situer vers le VIIe siècle) les évoque très explicitement au chapitre IV. Écoutez :
« Or, le troisième jour après la naissance du Seigneur, Marie sortit de la grotte, entra dans l’étable et elle déposa l’enfant dans la crèche, et le bœuf et l’âne l’adorèrent. » (Is. 1,3) Ces animaux donc, qui avaient l’enfant entre eux, l’adoraient sans cesse. Ainsi fut accompli ce qui avait été dit par le prophète Habacuc : « Tu te manifesteras au milieu de deux animaux. » (Ha.3,2 d’après la version grecque).
GRAND DIEU, GRAND BŒUF !
Pourquoi pas ? Pourquoi, les hôtels fermés et les voyant perdus, un bœuf n’aurait-il pas guidé Marie et Joseph vers la crèche ? Grâce à ses cornes étoilées, comme le pense René Guy Cadou :
« Un bœuf marche seul dans la rue
Quand il lève les yeux les étoiles remuent
Dans la direction de l’étable
Tendent leurs cornes charitables. »
Mais pourquoi un bœuf ? demande Maurice Carême :
« À la veille de temps si neufs,
Qui nous dira jamais pourquoi
Dieu choisit les yeux noirs d’un bœuf
Pour refléter, cette nuit-là. »
Pour le souffle, pardi ! Et qui souffle le mieux ? La question préoccupe Pierre Menonteau :
« Qui souffle le mieux sur la crèche ? Est-ce le bœuf ? Est-ce l’ânon ?
Le père a peur qu’un d’eux ne lèche Le sourire de l’enfançon. »
Lucien Noullez, ce cher et si vivant poète belge qui nous a quittés il y a peu, n’a pas peur de ce souffle-là qui est souffle de joie :
« La joie parfois vous touche un œil, un cil, un bout de ciel,
Quelques secondes, un cheveu.
La joie. Prenez un bœuf, ce grand encensoir gris. Prenez sa bave sainte et les étoiles. Appelez-moi : Grand Dieu, Grand bœuf ! Soufflez dessus. »
UNE LUMIÈRE DANS LE SOUFFLE
Et si vous êtes à bout de souffle, regardez donc la « maman bon Dieu » dont parle Jean Mambrino :
« Les mains ! Voyez les mains qui tiennent
Cet enfançon silencieux.
L’une étreint fort le petit de Dieu
Et l’autre le soulève à peine.
Marie écoute la lumière
Qui respire contre son sein.
Mon lumignon, mon tendre rien
Tu embrases toute ta mère. »
Ta mère. Nos mères. Les mères…
Noullez encore :
« Les mères ont des secrets penchés sur nous.
Des secrets cousus dans la peau.
Nous errons tous, un sac d’amour dans chaque main.
On n’y peut rien : quand les valises se déchirent la joie se jette en vous. »
Je vous annonce une grande joie.
Le tendre rien de Noël que Jean Debruyne regarde comme :
« Un tout petit enfant
Aux yeux de feu
Aux mains de lait. »