Les écrans passent, les écrits restent

Les écrans passent, les écrits restent

Confrontée à de nouveaux modes de consommation de l’info, la presse associative se diversifie, tout en restant attachée au papier. Immersion dans les rédactions de Plein Soleil, du Ligueur et d’axelle qui renouvèlent leurs pratiques.

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Publié le

31 mars 2024

· Mis à jour le

4 février 2025
Couvertures des magazines axelle (une personne à plusieurs jambes et plusieurs bras qui court de profil), Plein Soleil (des éoliennes dans un champ) et Le ligueur (une femme en tenue de travail avec une scie dans les mains)

« Si Plein Soleil est la vitrine du mouvement Action Catholique Rurale des Femmes (ACRF), explique Sylviane Bigaré, sa rédactrice en chef, dans son contenu, elle n’aborde pas uniquement ses activités. Elle parle des femmes et du milieu rural, de la réalité des villages qui est aussi celle du monde. La rédaction s’intéresse à différents thèmes, comme l’environnement, la solidarité, l’engagement, l’intergénérationnel, l’interculturalité… qu’elle défend fortement. Et on essaie de proposer des alternatives. On ne va pas seulement mettre en avant le problème des agriculteurs, par exemple, on va également étudier les pistes pour s’en sortir. On va à la rencontre d’initiatives qui vont dans un sens positif, on va essayer de mettre cela à l’honneur. » Ce qui signifie faire des recherches, prendre le temps, aller voir des gens, recouper les informations. Ces derniers mois, des articles ont été consacrés à des sujets aussi variés que la façon de contrecarrer les lobbyistes des pesticides, l’inceste, le télétravail ou la langue wallonne. « Je me sens journaliste à part entière, insiste Sylviane Bigarré. Je ne suis pas une porte-parole ou chargée de communication du mouvement. Il y a d’autres personnes pour cela. »

S’ADAPTER AU NUMÉRIQUE

Cette revue mensuelle qui ne s’adresse pas qu’aux membres du mouvement est éditée à deux mille exemplaires. « À l’heure actuelle, nous sommes en transition, mais pas en mutation, poursuit sa responsable. Nous gardons la version papier, tout en renforçant l’offre numérique. » La diffusion par des bénévoles s’éteint petit à petit vu l’âge des militantes et les réalités d’aujourd’hui pour ce qui est le monde rural et le bénévolat. Les abonnements par voie postale sont gérés par le secrétariat du mouvement. « Le recours au numérique vise à attirer un public plus jeune. Mais on n’envisage pas de supprimer le papier, car notre lectorat, assez âgé, ne va pas utiliser seulement une tablette ou un smartphone. » Cette adaptation signifie un investissement en termes de ressources humaines. « Une personne se forme aux différentes techniques, car gérer le numérique est un nouveau métier. Il faut communiquer sur les réseaux sociaux, créer des podcasts ou encore de petites vidéos. » Vu que la transition est toute récente, il est encore trop tôt pour pointer des réactions des lectrices. Si les contenus seront principalement les mêmes, la volonté est d’abord de poursuivre le travail d’information, tout en conservant une vitrine pour le mouvement. « Notre revue est une carte de visite importante. Nous la diffusons lors d’activités et d’événements, cela permet de garder le contact. »

(R)ÉVOLUTION AU LIGUEUR

« La presse associative a complètement sa place parce qu’elle vient avec une voix différente, pour autant qu’elle soit guidée par des principes déontologiques. Elle arrive avec un point de vue particulier », entame directement Thierry Dupièreux, rédacteur en chef du Ligueur. Organe de La Ligue des Familles, ce média est important, avec un tirage de vingt-neuf mille exemplaires pour vingt-sept mille abonnés. « On se situe dans une forme de journalisme engagé. Mais, à la différence d’un journal militant, on fonctionne en toute déontologie journalistique. Nous sommes adossés à la Ligue des Familles et les quatre pages qui lui sont concédées sont clairement identifiées : elle publie ses messages, ses plaidoyers. À côté, la rédaction est totalement indépendante et autonome. »

Au Ligueur, au vu des coûts de production et de diffusion liés au tirage, il a fallu réajuster le tir. « Nous devons adapter la parution pour résister à l’augmentation du prix du papier ou des frais d’envoi. C’est pourquoi nous passons de bimensuel à mensuel. Mais, pour moi, cela ne sert à rien qu’il y ait un projet qui ne soit qu’économique : il en faut d’abord un éditorial. » 

Suite à un sondage des lecteurs, la formule a évolué. Le magazine s’arrêtera sur des sujets moins liés à l’actualité immédiate, mais les traitera sur un temps long. « S’il existe certaines complémentarités avec le web, le focus reste le papier, confirme Thierry Dupièreux. Quand Le Ligueur pénètre dans une maison, il est posé sur la table du salon. Les gens l’ouvrent et découvrent des articles auxquels ils n’auraient peut-être pas pensé ou auxquels ils n’auraient pas accroché. Que ce soient des sujets pratiques pour répondre aux questions des parents sur leur vie de tous les jours ou des enquêtes… » L’objectif est de proposer de sortir des préférences dictées par les algorithmes. Le site, lui, a toujours été là. Il permet aux abonnés un accès aux contenus présents dans la formule papier ainsi qu’à d’autres articles. Il est aussi le relais d’informations plus courtes, comme la rubrique “littérature jeunesse” tous les week-ends, par exemple.

APPROCHE FÉMINISTE

« axelle [sans majuscule] est un magazine associatif, féministe et animé par des journalistes professionnelles, développe Sabine Panet, sa rédactrice en chef. On a un dialogue permanent entre une approche féministe du journalisme et une approche journalistique du féminisme. » Cet organe du mouvement Vie Féminine créé en 1998 n’en est pas à sa première rénovation, toujours mu par la volonté de réparer l’exclusion des femmes. « On veut renforcer leur point de vue. Publier un média féministe grand public s’avère très important, sinon les femmes sont exclues de l’information générale, soit comme productrices, soit comme lectrices. » Dans le numéro daté de mars-avril, à côté d’un dossier sur les élections de juin (avec notamment le portrait de six Flamandes engagées auprès des femmes et des minorités), on peut lire un article sur le foot au féminin et l’interview de la Rwandaise Félicité Lvamukuru à l’occasion des trente ans du génocide qui a dévasté son pays.

Chez axelle, le choix du format papier est central. Lors d’un récent sondage, 85% des lectrices défendaient cette formule. « Cela permet une lecture plus concentrée, et puis on peut refiler la revue à d’autres personnes. L’information circule en toute confiance. » Si son rythme de parution change, le mensuel devenant bimestriel, chaque numéro passe de 48 à 72 pages. « Ainsi, nous pourrons aller plus en profondeur dans nos dossiers. Ce traitement de l’info était déjà proposé dans des hors-séries plus fouillés. Le web permet de publier davantage d’articles, surtout dans l’actualité plus immédiate, comme le compte-rendu de la dernière mobilisation des femmes, le 8 mars dernier. »

Stephan GRAWEZ

Plein Soleil, ACRF, rue Maurice Jaumain 15, 5330 Assesse. ☎ 083/65.51.92  contact@acrf.beacrf.be

Le Ligueur, La Ligue des Familles, avenue Émile de Béco 109, 1050 Bruxelles. ☎ 02/507.72.11  leligueur.be

axelle magazine, rue de la Poste 111, 130 Bruxelles. ☎ 02/227.13.19  contact@axellemag.beaxellemag.be

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