Marie Balmary : « Le mot mystère me suffit pour espérer »

Marie Balmary : « Le mot mystère me suffit pour espérer »

Psychanalyste, bibliste, écrivaine, Marie Balmary propose, dans Ce lieu en nous qui nous ne connaissons pas, une redécouverte d’une dizaine de passages célèbres de l’Évangile, en invitant à d’autres traductions et interprétations. Éclairage et parcours de vie.

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Publié le

24 mars 2025

· Mis à jour le

25 mars 2025
Photographie portrait de Marie Balmary
Marie Balmary, psychanalyste et essayiste française, photographiée chez elle à Paris le mercredi 28 février 2024 par Mathieu Zazzo

— Pendant longtemps, j’ai reculé, d’abord à titre personnel, devant l’analyse du Nouveau Testament, puis, conjointement, avec des amis qui participent avec moi à un petit groupe d’études bibliques chaque semaine depuis 1987. Nous nous retrouvions très à l’aise dans l’étude de la littérature hébraïque et dans la tradition juive. En revanche, il n’en allait pas de même avec ce que l’Église nous racontait traditionnellement sur le Nouveau Testament

— Pourquoi cette réticence ?

— Nous avions l’impression que, souvent, ses traductions et interprétations étaient très moralisatrices ou peu encourageantes dans le sens de la vie. Cela nous semblait difficile d’affronter de but en blanc un public catholique ou chrétien en lui disant : « Vous avez toujours lu et interprété certains passages d’Évangile comme cela, mais nous, on voit autrement… ».L’enjeu était quand même important, dans la mesure où il y a beaucoup de gens de milieu chrétien qui vivent d’une interprétation toujours la même de ces textes. Nous sommes tombés plusieurs fois sur des retournements importants d’interprétation et on s’est dit qu’il y avait plusieurs passages à revoir.

« Une bonne traduction et une autre interprétation, ça change tout »

— Lesquels par exemple ? 

— Une dizaine se retrouve dans mon livre, tels les Noces de Cana, la traduction du Notre Père, la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche, le lavement des pieds des disciples par Jésus avant sa mort, etc. L’une des phrases d’Évangile les plus détestées de ceux que je connais qui ont laissé tomber la religion est « l’invitation à suivre Jésus et à porter sa croix ». C’est vraiment quelque chose de difficile à supporter quand on veut être une personne libre et debout. Donc, nous sommes allés voir dans le texte en grec ce qui était dit sur le mot « suivre ». C’est l’un des premiers qu’on a retournés et travaillés. La traduction du mot grec akoloutheo vient d’un mot qui fait allusion au chemin. Cela veut dire cheminer ensemble. Nous lisons non pas « Suis-moi », mais « Accompagne-moi, chemine avec moi ». Vous voyez la différence qu’il y a entre suivre aveuglément quelqu’un ou l’accompagner en gardant sa liberté. En disant cela, on n’est pas révolutionnaire, on suit plutôt le texte grec au plus près. Une bonne traduction, cela change la perspective de l’enseignement et du type de vie spirituelle proposée. 

— Un autre exemple ?

— Peut-être l’invitation pendant des homélies à « faire tout bien » en appuyant sur le « tout ». Ainsi, dans le récit des Noces de Cana, Marie parle aux servantes : « Ce que Jésus vous dira, faites-le. » On a rajouté dans certaines bibles : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » J’ai entendu cela lors de certaines homélies. Cela n’est pas correct non plus selon moi. Dans le texte grec, il y a un petit mot qui veut dire éventuellement. Cela donne alors : « Ce qu’il pourrait éventuellement vous dire, faites-le. » Marie est alors loin de demander l’obéissance absolue à Jésus.

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