Réseaux sociaux : se distinguer par la qualité et le contrôle
Réseaux sociaux : se distinguer par la qualité et le contrôle
« La presse quotidienne, plus que jamais essentielle », affirme une publicité des éditeurs de presse. Au même moment, le Conseil de déontologie journalistique lançait une campagne pour se faire connaître. La véracité de l’info est devenue un enjeu crucial pour les médias traditionnels.
Publié le
· Mis à jour le

« Plus que jamais, les fake news se répandent. Plus que jamais, la désinformation influence. Plus que jamais, la désinformation influence l’opinion. Plus que jamais, les rumeurs dénaturent les faits. Chaque jour, plus de 500 journalistes filtrent l’info et vérifient les faits. » La campagne de pub des éditeurs de presse belge n’est pas passée inaperçue. De même que celle du CDJ, le Conseil de déontologie journalistique, affirmant que « le journalisme, c’est plus que produire du contenu et le diffuser. C’est aussi vérifier ses sources ».
Car les médias traditionnels ne sont pas les seuls à jouer un rôle dans la véracité de l’information. Gravitent autour d’eux différents satellites tels que, en amont, les agences de presse, et en aval, le Conseil de déontologie journalistique.
DOUBLE VÉRIFICATION
En ce qu’elles produisent, à une cadence folle, des dépêches directement reproduites dans tous les médias du pays, les agences de presse, Belga pour la Belgique, assument une forte responsabilité en matière d’information. Malgré son impératif de rapidité, elle assure adhérer au principe de double vérification. « Nous essayons toujours de trouver une seconde source qui confirme l’information si nous ne l’avons pas reçue directement ou si l’expéditeur nous est inconnu », explique Hans Vandendriessche, rédacteur en chef de Belga. Mais l’erreur est humaine, et l’agence le reconnait : « Celle qui nous poursuivra probablement encore longtemps est un communiqué de 2009 dans lequel nous avons déclaré la mort de la reine Fabiola. À l’époque, un site web permettait aux citoyens de signaler des nouvelles à la rédaction de Belga. En raison d’une erreur technique, ces messages ont été envoyés directement à nos clients médiatiques. Quelqu’un en a profité pour déclarer la reine morte à titre de plaisanterie. Nous avons tout de suite reçu un grand nombre d’appels, y compris du Palais… »
Lorsqu’un média diffuse un contenu contesté, le Conseil de déontologie journalistique (CDJ) peut être saisi si un manquement déontologie est reproché. À noter que le CDJ ne recherche pas la vérité, mais vérifie que le journaliste a suivi, dans sa méthode de travail, les principes du code de déontologie. « On ne va pas refaire l’enquête du journaliste, confirme Muriel Hanot, sa secrétaire générale. On va identifier ce qu’il a fait pour diffuser le contenu contesté. Sur le plan du devoir de vérification de l’information, on contrôle par exemple que plus d’une source a été contactée, que celles de première main ont été sollicitées, que les points de vue des personnes mises en cause ont été recherchés, que le journaliste a analysé des pièces qui existent vraiment, et tout en prenant en considération l’intérêt caché de la source… »
CUMUL DE RESPONSABILITÉS
En cas d’information erronée publiée dans une dépêche d’agence, elle-même reproduite ensuite dans les médias, qui risque d’être inquiété sur le plan de la déontologie ? Le média client peut-il se cacher derrière la seule responsabilité de l’agence ? Normalement, oui, confirme Belga : « La responsabilité finale repose sur nos épaules. Les clients doivent pouvoir nous faire une confiance aveugle. » Une information provenant de Belga ne nécessite donc pas de vérification. « Dans sa jurisprudence constante, le CJD a indiqué que, dès lors qu’il existait une relation commerciale et de confiance entre l’agence et ses clients, basée sur le fait que l’information factuelle est vérifiée et recoupée, le média peut s’y fier », confirme Muriel Hanot.
Pourtant, deux décisions récentes du CDJ viennent nuancer ce principe. La première date de 2016 et concerne l’identification problématique d’une personne dans une dépêche. « La protection de cette personne est une responsabilité déontologique qui reste assumée par le média, malgré la relation avec Belga », résume la secrétaire générale du Conseil. La seconde décision concerne spécifiquement les questions de vérification de l’information. Lorsqu’une personne est mise en cause de sorte que cela porte gravement atteinte à son honneur ou sa réputation, le journaliste doit veiller à recueillir son point de vue avant diffusion de l’article. Si la personne ne donne pas suite, le journaliste doit le mentionner dans son article. « Dans le cas de l’affaire Mathot, c’était un média qui n’avait pas respecté ce droit de réplique », raconte Muriel Hanot. Belga reprend l’info et ne le fait pas non plus, puis tous les médias répliquent la dépêche. Le CDJ considère alors que tout le monde est en faute. « Si Belga avait précisé, dans sa dépêche, que la personne visée n’avait pas été contactée par le média source, cela aurait lancé un “warning” pour tous les médias clients, qui auraient rempli leur obligation déontologique soit en cherchant à le contacter eux-mêmes, soit en mentionnant dans leur article qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de le faire. »
FACE AUX “MÉDIAS SOCIAUX”
Dans le contexte actuel, la véracité de l’information est un enjeu particulièrement important pour les médias et leurs satellites. « Il circule plus de fausses nouvelles que jamais auparavant, et cela représente un défi, surtout parce que ces messages semblent de plus en plus crédibles », soulève Hans Vandendriessche. D’où la campagne de publicité lancée par les éditeurs de presse, cherchant à se distinguer des médias sociaux afin d’attirer un nouveau public.
« Les médias qui choisissent de se soumettre au contrôle du CDJ prennent une responsabilité vis-à-vis du public. Ils prennent l’engagement de tout mettre en œuvre pour respecter la déontologie. C’est un engagement très fort qui mérite d’être connu du public. Or, ils ne médiatisent pas cette responsabilité. C’est pourquoi le CDJ communique là-dessus », détaille de son côté Muriel Hanot à propos de la campagne du CDJ.
L’enjeu de notoriété du CDJ est plus important pour les médias et les journalistes que pour lui-même. « D’une enquête menée auprès des journalistes, il ressortait une demande d’accroître la notoriété du CDJ pour davantage protéger les journalistes eux-mêmes. Le fait de rencontrer des règles de déontologie garantit aux journalistes la confiance du public. Et pour que cela puisse fonctionner, il faut que le public soit conscient qu’il y a cette instance qui veille au respect des règles. Plutôt que d’agresser les journalistes et de déclarer tous les médias de coupables des fautes d’un seul, adressez-vous au CDJ ! » En 2019, un étudiant en journalisme avait interrogé les rédacteurs en chef de différents médias pour évaluer l’évolution de la déontologie sur les dix premières années d’existence du CDJ. Plusieurs d’entre eux ont déclaré que, dix ans après la naissance du CDJ, leurs pratiques avaient évolué en mieux. Qu’ils faisaient des choses qu’ils ne faisaient pas avant, ou l’inverse. « Tant mieux pour le public, on a gagné en qualité ! se réjouit Muriel Hanot. Pour moi, c’était le plus beau compliment qu’on pouvait nous faire… »
François HARDY