Santé mentale et précarité
Santé mentale et précarité
En Wallonie et à Bruxelles, les plus démunis sont particulièrement vulnérables. Mais ils ne sont pas les seuls, relève Action Vivre Ensemble qui consacre un dossier fouillé à ce sujet.
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Découvrir la vie quotidienne et peu médiatisée des équipes et des bénéficiaires d’initiatives locales de lutte contre les pauvretés et les exclusions sociales est la tâche d’Action Vivre Ensemble. Chaque année, avant Noël, l’association invite à la solidarité les citoyennes et citoyens de Belgique francophones, et notamment les membres des communautés catholiques de Bruxelles et de Wallonie.
Ces appels à la solidarité sont accompagnés d’informations, d’analyses et d’invitations à des engagements au plan politique à propos d’une thématique particulière liée aux causes, réalités et conséquences des pauvretés et exclusions, qui ne sont souvent pas assez connues. En 2023, la campagne était axée sur le droit au logement inscrit dans la Constitution belge et reconnu au niveau européen, tout en étant loin d’être une réalité pour tous les habitants du pays. Porte ouverte à des échanges en groupes, l’affiche de cette année montre un labyrinthe symbolisant les épreuves de la vie et le poids de la société touchant les personnes en situation de précarité. Et elle prévient que « La pauvreté nuit gravement à la santé mentale ».
UN DOSSIER FOUILLÉ
Perdre pied n’est pas permis et S’attaquer aux inégalités sont les deux mots d’ordre mis en avant, en introduction et en conclusion, dans le dossier très fouillé que publie à cette occasion Action Vivre Ensemble. Ce document de quarante pages est accompagné d’illustrations, tout en étant dépourvu d’une approche de type “recherche de sens” ou spirituelle. De nombreuses citations viennent enrichir l’étude. Elles émanent notamment d’un psychiatre, d’un épidémiologiste ou du mouvement Vie Féminine. Ainsi que du Belge Olivier De Schutter, rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté à l’ONU et intervenant à la Journée d’automne 2024 d’Action Vivre Ensemble-Entraide et Fraternité. S’y ajoutent des références à la Convention des droits de l’enfant de l’ONU.
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Ce dossier comprend trois parties qui abordent en profondeur différentes problématiques. La précarité, d’abord, est analysée par ses déterminants ou facteurs socio-économiques, comme le logement et son environnement, le milieu social et le niveau d’éducation qui sont responsables pour 60% de l’état de santé global. Les inégalités liées à la santé, ensuite, perceptibles dès la naissance, dépendent fortement de l’origine sociale et progressent en importance quand l’accès aux soins est rendu plus difficile par la barrière de la langue, l’analphabétisme et l’illettrisme. La réduction du nombre de lits en hôpitaux psychiatriques découlant de la Réforme Psy 107 de l’organisation des soins de santé en Belgique, est montrée du doigt.
VULNÉRABILITÉ DES JEUNES
À propos de la vulnérabilité, enfin, il est indiqué que « plus que n’importe quel public, les enfants doivent recevoir ce dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin ». Et aussi que « les conditions de vie des parents sont déterminantes pour la santé mentale et l’avenir des enfants ». Il est rappelé que, selon le Délégué général aux droits de l’enfant, on observe une dégradation effrayante de la santé mentale des jeunes de Wallonie et Bruxelles. Ce constat rejoint les travaux du colloque intitulé Les précarités étudiantes : enjeux, défis et perspectives et organisé fin novembre, à Anderlecht, par le Think Tank InES (Inclusion, égalité, solidarité).
Il apparaît que ces précarités vont bien au-delà des difficultés matérielles et incluent les défis socio-culturels, les parcours de vie fragiles et les conditions de travail jobiste qui ont un impact sur la réussite des études. Elles sont liées aux pratiques différentes des CPAS, des services sociaux et des hautes écoles et universités, au point de faire croître les inégalités aussi parmi les jeunes pouvant accéder aux études.
En conclusion de ce dossier, Action Vivre Ensemble écrit encore que « loin d’être une affaire individuelle, la santé mentale est étroitement liée aux conditions de vie. Les maladies mentales sont le symptôme d’une société qui ne va pas bien. Une bonne santé mentale passe par une bonne cohésion sociale. Les pouvoirs publics doivent concentrer leurs efforts sur l’éradication de la pauvreté, des inégalités et de l’exclusion sociale. » Cette étude s’ajoute à celles réalisées les années précédentes et à de régulières analyses que propose l’association chrétienne. La présentation de sa campagne a été reprise dans une courte vidéo contenant des apports de membres de l’association Revers à Liège.
CHANGER DE REGARD
À l’instar d’autres associations, Action Vivre Ensemble met en avant des pistes de changements structurels et prône davantage de collaborations et de moyens financiers. Elle défend une approche globale et la prévention des problèmes de santé mentale, ainsi qu’une amélioration des conditions de vie des personnes en situation de pauvreté. La campagne invite aussi à changer de regard et à découvrir ou redécouvrir les associations luttant aux côtés des plus pauvres en leur proposant un accompagnement social de qualité et déconstruisant les stéréotypes.
Cette année, les associations luttant en premières lignes contre les pauvretés et exclusions sociales qu’Action Vivre Ensemble invite à soutenir sont au nombre de septante-deux, dont dix en région bruxelloise. Elles ont été sélectionnées par des commissions régionales composées de permanents et de bénévoles. Si certaines d’entre elles sont présentées comme n’offrant que des repas, des colis de fruits et légumes ou des lieux conviviaux, elles ont toutes été retenues parce que leurs projets encouragent la participation active des personnes bénéficiaires, afin qu’elles puissent relever la tête, retisser des liens, se sentir progressivement mieux et reconnues comme actrices au sein de la société.
Parmi ces projets, figurent par exemple L’espace du lien, créé à Genval en 2016 par des acteurs et actrices de terrain en santé mentale, le centre de planning familial Infor-Femmes à Liège et l’association De Maux en mots à Herseaux (Mouscron) qui accompagne des victimes de violences sexuelles en situations précaires. Ou encore les Maisons Croix-Rouge de Charleroi et de Liège. S’y ajoutent des dizaines d’autres initiatives qui rencontrent les diverses facettes des pauvretés et exclusions sur de multiples terrains : logements intergénérationnels et interculturels, accompagnements de victimes de décrochages, de sortants de prisons, d’immigrés et de MENA (mineurs en exil non accompagnés), accès à des services de transports en monde rural ou à la psychomotricité, formations diverses.
SELON TROIS “P”
Comme le rappellent volontiers ses responsables, permanents ou bénévoles, Action Vivre Ensemble propose, d’année en année, toute une démarche qui repose sur trois “P” : pour la permanence dans le travail, au-delà du temps fort qu’est la campagne d’Avent ; pour le pluralisme et des soutiens à des initiatives où collaborent des citoyens qui sont chrétiens, mais pas uniquement ;et P encore pour des interpellations politiques basées sur la solidarité et sur l’attention que Jésus a accordée, dans sa vie et son message, aux plus démunis et aux plus rejetés, dont les malades physiques et mentaux. Avec une invitation à en faire de même.
Jacques BRIARD
Le slogan « La pauvreté nuit gravement à la santé mentale » est développé à la fois dans la Gazette de l’Avent et tout au long du dossier Quand la détresse est partout – Regards sur les liens entre précarité et santé mentale. Mais pas seulement. Elle se retrouve également abordée dans les Pistes de célébrations et les Quatre Petits Contes D’Avent pour les 6 à 10 ans et leurs accompagnateurs adultes. Écrits par Geneviève Bergé, ces contes liés aux lectures des offices de décembre invitent à s’ouvrir aux autres. Ils sont en outre accompagnés d’une proposition de réaliser une silhouette symbolisant les individus confrontés à des problèmes de santé mentale, avec le rappel que tout un chacun peut être amené à y faire face. Dans les différents documents, on peut lire que, « en 2022, en Belgique, environ une personne sur quatre présentait un trouble anxieux et/ou dépressif, un chiffre en augmentation depuis la crise du Covid-19 ». Et aussi qu’« une personne en situation de pauvreté court entre une fois et demie et trois fois plus de risques de développer des signes de dépression ou d’anxiété. » Les initiatives soutenues le sont grâce aux dons et aux collectes faites aux messes du troisième dimanche de l’Avent, soit ce 15 décembre. (J.Br.)