Si le nouveau pape le peut…
Si le nouveau pape le peut…
Ce texte a originellement été rédigé, avant l’élection du pape Léon XIV, pour répondre à une demande du rédacteur en chef du journal Dimanche, Vincent Delcorps, à propos des attentes à exprimer à l’occasion de cette élection. La version figurant ici est la version complète de ce texte. Elle ne tient pas compte de l’identité du pape élu.
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À quoi bon proposer ou recommander au nouveau pape élu ce jeudi 8 mai de prendre des mesurettes au début de son pontificat ? La formule plus que prudente du step by step a montré ses limites sous le pontificat de François : dans quelques domaines, cette démarche de Sioux peut permettre de faire progresser certains dossiers de quelques pas. Mais, dans la plupart des cas, elle n’aboutit à rien de tangible, tant elle se heurte à un immobilisme dû à la structure et aux logiques qui président à l’organisation de l’institution catholique. Même si le Vatican est dirigé par une sorte de monarque absolu, l’universalité de l’Église, qui fait partie de ses principes fondamentaux, l’empêche de décider seul. Par la force des choses, l’Église n’est pas très éloignée de ces démocraties terrestres bloquées par leur impossibilité de s’affranchir de la règle des partis et de parvenir à faire émerger en leur sein des majorités outrepassant clairement les blocs et les blocages.
Le fonctionnement synodal, voie que François avait choisie pour faire progresser son Église, a démontré ses limites. Il a mobilisé des catholiques actifs, engagés, et les hiérarchies. Mais qu’a-t-il fait des périphéries, de l’immense reste du monde qu’il n’a pas cherché à associer? Et, à part à la marge, qu’est-il resté des années de palabres que les synodes ont suscitées ? Quand l’Esprit y a-t-il vraiment soufflé ? Recommander au pape de reconvoquer des synodes, très liés à l’ad intra, ne semble pas la voie la plus radicale pour sortir l’institution d’une partie au moins de ses ornières.
La proposition de ce texte se veut donc plus radicale, « révolutionnaire » et, à mon avis, plus évangélique : l’acte prophétique que l’on devrait attendre du nouveau pape serait l’annonce, dès son élection, de la date très proche où serait convoqué le concile Vatican III. Par exemple : fin décembre 2025. Un concile chargé non d’envisager un nouvel aggiornamento de l’institution, mais de mettre les pendules de l’Église à l’heure du XXIe siècle. Et pas de la fin du XXe.
Cela fait exactement soixante ans qu’on nous affirme que l’Église catholique n’a pas encore digéré le concile Vatican II, qui s’est clôturé fin 1965, et que, avant de s’aventurer au-delà, un temps de pause s’impose. Alors que l’institution romaine se fissure de plus en plus, on ne peut attendre de son successeur qu’une chose : qu’il parvienne à ouvrir définitivement les horizons du monde catholique. Un nouveau concile, destiné à éradiquer tous ces symptômes de la maladie qui accable l’institution catholique : son caractère clérical, sa vision patriarcale et masculiniste du monde, sa structure hiérarchique verticale, pyramidale et autocentrée, son centralisme exacerbé et sa conviction d’être « une » et donc « l’unique », l’universelle, hors de laquelle il n’y a point de salut.
Interpeller sur ces fondements l’institution, quitte à oser remettre en cause son existence même : peut-on imaginer fixation de cap plus forte et signifiante ?
Avec un regard occidental, européanocentré, on aimerait dire oui, bien sûr, trois fois oui. Tout en craignant que pareil souhait ne puisse qu’être taxé d’irréalisme. Car les maux qui rongent l’Église l’empêchent, et l’empêcheront peut-être toujours, de pouvoir entamer sereinement pareil travail de remise en cause. À commencer par sa volonté d’universalisme, qui fait peu de cas des contextes socioculturels et socioéconomiques différents dans lesquels le catholicisme s’est implanté, et vit ou survit, en divers points du globe.
Pour pallier cette difficulté, comme lors de Vatican II, voire même plus fort encore, l’Esprit devrait alors sortir de sa réserve et souffler une bonne fois sur les mitres, calottes et couvre-chefs en tous genres, en en faisant s’envoler quelques-uns. Que les fenêtres s’ouvrent et que certains pans de murs volent en éclats.
Vatican II a marqué l’Église de la deuxième partie du XXe siècle. Il est temps que Vatican III arrive, pour devenir la pierre angulaire du catholicisme du XXIe. Quitte à ce que celui-ci, humble et inculturé dans la diversité du monde, ne ressemble plus beaucoup à celui des siècles précédents. Mais est-ce imaginable sans une sorte d’implosion du Vatican lui-même ?
Frédéric Antoine