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EDITO

Le Titanic et l’iceberg.

« Problème de communication ». Depuis ce 2 novembre, ces mots sont sur
toutes les lèvres quand on parle de l’Église de Belgique. Parmi les experts,
chez certains journalistes très proches du monde chrétien ou dans le chef des responsables de « médias catholiques », ces supports officiels
de communication de l’Église-institution dont, faut-il le rappeler, L’appel ne fait pas partie. Oui, si un orage sans pareil a secoué l’Église de
Belgique depuis la rentrée, et si la foudre est tombée avec fracas sur son sommet début novembre, la cause ne serait, en définitive, qu’un problème de communication. L’appel lui-même a-t-il dit autre chose dans son numéro d’octobre, où l’un de nos trois articles consacrés à l’Église et la pédophilie parlait d’une « communication catastrophique » ? Assurément. Mais, justement, nous avions choisi d’écrire trois textes sur le même sujet. Car il est trop simple de dire qu’« on ne peut plus parler comme voici cinquante ans » ou que certains sont simplement « malades » de leur communication.
« La manière de communiquer est aussi importante que le fond », a récemment rappelé un ex-porte-parole du cardinal Danneels. Cette analyse-là distingue la juste part des choses. Dans le monde actuel, la façon dont on s’exprime est essentielle. Mais, pour autant, on ne peut dire n’importe quoi à condition de respecter les préceptes de la communication.
Or, certaines réactions au séisme que vit l’Église tendent à réduire le problème à une question de forme. La faute serait de trop s’exprimer, de mal dire, de se laisser tenter par la séduction médiatique. La recommandation donnée par plusieurs acteurs du monde de la communication religieuse n’a d’ailleurs été que dans ce sens : on a invité le principal intéressé à se taire, c’est-à -dire à ne plus communiquer. C’est en dehors des sphères traditionnelles de l’Église que l’on a plutà´t dénoncé la teneur des propos tenus. À l’intérieur, il aura fallu qu’un porte-parole se sente désavoué par la tournure que prenaient les événements
pour oser dire : « On ne peut parler d’une bonne communication de
crise que lorsqu’il y a une bonne gestion de la crise ».
Pourtant, tout le monde sait que c’est autant sur le fond que sur la forme que le message a cessé de passer. C’est pour des raisons de fond qu’une certaine Église est en train de mourir, alors qu’on cherche toujours les formes permettant de faire passer dans notre monde le Message de l’Évangile (et qu’on s’épuise en même temps, à coup de millions d’euros, à chercher à rendre séducteur le message du Magistère). « L’important, c’est ce qu’il y a dans la boîte », disait une vieille pub tv. Quiconque achète des pâtes pour la beauté de l’emballage mais les trouve immangeables à la première bouchée jurera qu’on ne l’y reprendra plus. Dorénavant, il achètera celles qui lui goûtent, pas les plus séduisantes...
La catastrophe de ces dernières semaines a tout d’un remake du Titanic : avec joie, le navire Église, qui se croit insubmersible, heurte l’iceberg de la modernité. Si le bateau coule, nombreux seront ceux qui accuseront la forme, la communication. Mais ceux-là n’auront vu que la part visible du drame. En refusant de se souvenir qu’un iceberg, c’est 10 % hors de l’eau et 90 % immergés. Or c’est cette part-là , qu’on refuse de voir, qui soulève les questions de fond.
En ce mois de décembre, l’Église est en Avent. En attente. Quelle belle image de ce qui se passe chez nous...

Frédéric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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