2026 : tout de même des raisons d’espérer
2026 : tout de même des raisons d’espérer
Où trouver du sens dans un monde qui en est de plus en plus dépourvu ? Après l’horrible 2025, L’appel a confié à plusieurs personnalités le soin de révéler avec quels espoirs elles entamaient la nouvelle année qui pointe le bout de son nez.
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Caroline Sägesser – Chercheuse au CRISP (Centre de Recherche et d’Information Socio-Politiques)
DAVANTAGE DE RETENUE
Le début de l’Avent a été marqué par une violente polémique à propos de la nouvelle crèche installée à Bruxelles. La représentation de la Nativité a choqué par son caractère moderniste, et en particulier l’absence de visages dessinés sur les personnages créés en tissus de récupération. Les déclarations de Victoria-Maria Geyer, l’artiste à l’origine de cette création, expliquant le caractère volontairement inclusif de ce choix, n’ont fait qu’attiser les oppositions. Bien que Geyer soit catholique pratiquante, nombreux ont été ceux qui, internautes, ont cru discerner derrière son choix l’influence de l’islam rigoriste qui proscrit la représentation des visages… L’outrance des propos tenus par beaucoup avait de quoi désespérer. Heureusement, à la suite de l’abbé Benoît Lobet, curé doyen de la cathédrale, des voix se sont élevées pour défendre cette réinterprétation de la Nativité, qui nous interpelle alors que la précarité est de plus en plus visible dans nos rues. Cet incident est venu à point nommé nous rappeler que nous avons en permanence un choix. Celui de rechercher à tout prix des raisons de nous indigner, ou celui de trouver des raisons d’aimer et d’espérer. J’ai l’impression, et j’espère ne pas me tromper, que de plus en plus de personnes sont lasses des tensions permanentes de notre société, et de la polarisation entretenue par les algorithmes de nos réseaux sociaux, et trop souvent exploitée par nos politiciens. Je forme le vœu que nous puissions en 2026 faire preuve de davantage de retenue dans nos réactions et de modération dans nos propos. J’ai la ferme conviction que nous sommes très nombreux à partager ce souhait. Bonne année !
Isabelle Durant – Présidente de Friends of Europe et experte ONU en Droit au Développement.
REPRENDRE LA MAIN
Au quart du XXIe siècle, on ne peut pas dire que l’espoir saute aux yeux ! Inutile de chercher les menaces : elles nous apparaissent de tous côtés, sont présentes dans nos vies et dans le flot d’informations qui souvent nous submerge. Nous, Européens, dans nos vies plutôt confortables, nous avions oublié ce qui fait le quotidien de millions d’hommes et de femmes. Alors que la conscience des dérèglements climatiques et de leurs conséquences n’a jamais été aussi partagée par les populations aux quatre coins de la planète, la mobilisation pour l’enrayer s’est essoufflée. Comme une sorte de résignation, tant nous nous éloignons des objectifs de l’accord de Paris. Une résignation sur laquelle, au mépris de tous les indicateurs scientifiques, nombre de décideurs politiques surfent avec insolence, alors même que la transition est sans conteste le projet le plus porteur et le plus indispensable. Cela dans un contexte de mise en cause du droit international et de fragilisation de notre démocratie. Les temps ne sont pas à l’optimisme. Mais l’espoir, ça se décide, comme le dit le penseur bouddhiste Daisaku Ikeda. Individuellement et collectivement. Ça se construit sur la cohérence. Être en phase tout en cultivant le doute autant que nécessaire. Préférer la lucidité à la vertu, les interstices à la marche triomphale, les coalitions inattendues aux alliances perdues. Cela vaut aussi en politique, dans un monde plus interconnecté que jamais. Non, l’Europe n’est pas ce grand corps malade que se complaisent à décrire nombre de commentateurs. Et même si ses décisions récentes peuvent parfois décourager, elle dispose encore de solides atouts dans ses relations avec le reste du monde. Non, le Sud prétendument global ne l’est pas. Il est même extrêmement divers. C’est une chance à saisir pour mieux accueillir ceux qui ont pris le risque de nous rejoindre et pour contrer l’accroissement de la pression chinoise, l’agression russe et le vandalisme américain. À nous de reprendre la main.
Bruno Humbeeck – Psychopédagogue et directeur de recherche au service des Sciences de la famille de l’UMons.
DIX RAISONS D’ESPÉRER
Ce n’est pas parce que l’on devient un peu plus vieux qu’il faut cesser de demeurer ensoleillé. Bien au contraire, les années qui passent doivent nous inviter à prendre le temps d’énumérer les raisons d’espérer plutôt que nous inciter à le dilapider en accumulant les motifs de se plaindre. C’est comme cela, en faisant régulièrement l’inventaire des raisons d’espérer pour maintenir à un niveau supportable leur plaisir de vivre en dépit des misères du monde, que les personnes un peu plus âgées exerceront sans doute le mieux leur fonction principale : donner aux plus jeunes l’envie de grandir. C’est ainsi que je me suis découvert dix bonnes raisons d’espérer. (1) Un petit nombre d’hommes, malheureusement généralement les plus puissants, veulent la guerre ou passent leur temps à prétendre qu’il faut la préparer pour l’éviter, mais l’immense majorité des êtres humains préfèrent la paix et ne demandent qu’à vivre tranquilles. (2) Les êtres humains ont de plus en plus tendance à se mélanger, ce qui rend la tâche des racistes de plus en plus compliquée. (3) Les oiseaux continuent à chanter et beaucoup d’hommes parviennent encore à trouver des endroits où le silence est suffisant pour leur permettre de les écouter. (4) Les bébés pleurent en venant au monde mais, très vite, ils apprennent, partout, aux quatre coins de la terre, à sourire naturellement. (5) On continue, partout, à publier des livres et des journaux en papier. (6) Je vois de plus en plus de gens qui n’ont plus honte de ressentir des émotions et d’éprouver des sensations. (7) Les villes, de plus en plus, cherchent à prendre leurs vacances à la campagne. (8) On confond de moins en moins la lucidité souriante de ceux qui, conscients des imperfections du monde, continuent à s’émerveiller de ce qu’il contient de beau avec de la bêtise. (9) Les lents ont pris leur revanche sur les trop pressés parce qu’ils savent qu’ils sont les seuls à pouvoir s’offrir le luxe de contempler. (10) La terre, même malmenée, continue à tourner, imperturbablement, au même rythme, sous le regard placide de la lune et des étoiles qui l’habillent chaque nuit puis, tous les matins, autour d’un soleil qui, fidèle à chaque rendez-vous, lui offre des aubes chantantes. Dix raisons d’espérer qui n’empêchent évidemment pas de se préoccuper de l’état du monde et de ceux qui l’habitent, mais aident à garder le sourire pour pouvoir, éventuellement, le distribuer à tous ceux qui, jeunes pluvieux ou vieux mal-ensoleillés, en auraient un peu besoin.
Timur Uluç – Responsable du département Campagne au CNCD (Centre National de Coopération au Développement).
RECONSTRUIRE LE SENS PAR LA SOLIDARITÉ
L’actualité de 2025 nous l’a rappelé quotidiennement : les défis internationaux que nous sommes en train de traverser sont nombreux et gigantesques. En Belgique, comme sur la majorité du globe, les mêmes logiques sont à l’œuvre : remise en cause du modèle démocratique, instabilités et guerres, dérèglement climatique et pillage des ressources, polarisation accrue et repli sur soi, montée des inégalités… Ce sont des dynamiques qui sont délétères, qui se renforcent et qui peuvent susciter chez nous un sentiment d’impuissance. Malgré tout, au milieu de cet océan d’incertitudes, nous ne pouvons pas céder au découragement ou au pessimisme. Nous devons relever ces défis, ensemble. Heureusement, pour y parvenir, nous pourrons nous référer à une boussole solide et rassurante : celle de la solidarité internationale et des droits humains. Nous pourrons également nous servir de carburants efficaces : celui de nos convictions, de la science et de la justice. En outre, l’espoir se dessine pour 2026 à travers le collectif. Car ce trajet, nous ne le faisons pas tout seul. En Belgique et partout dans le monde, les mobilisations citoyennes sont vives, la société civile démocratique est plus active que jamais. Cela témoigne d’une vigueur démocratique, d’une volonté collective de se retrouver, de dialoguer, de construire et de lutter pour des politiques publiques fortes. Cela se construit à travers de nombreux espaces, alors rejoignons ces initiatives démocratiques, véritables navires de la paix et de la solidarité ! Militons ensemble, joignons nos “petits” gestes et multiplions les groupes de solidarité, ceux qui construisent les solutions. Et si vous ne savez pas comment faire… rejoignez-nous !
Koen Vermeulen et Pierre Verjans – Secrétaire général et administrateur de l’Union Bouddhiste de Belgique.
LES GRAINES D’UN RENOUVEAU
Après des décennies portées par les promesses d’un progrès économique et technologique censé garantir paix et prospérité sociale, le monde semble aujourd’hui s’enfoncer dans une logique de confrontations identitaires. La chute du Rideau de fer avait semblé ouvrir une ère d’espérance, mais cet espoir n’était qu’une illusion : le triomphe du capitalisme a rapidement révélé ses failles, l’argent devenant horizon unique et les premières fissures s’élargissant jusqu’à menacer l’équilibre global. Les algorithmes qui aiguillent les choix économiques, qui canalisent les flux financiers, qui orientent les préférences électorales sont basés sur la cupidité, le conformisme mimétique et autres mécanismes psycho-sociaux manipulés par les plateformes électroniques. Mais l’humain n’est pas seulement prévisible et calculable. Il a besoin de donner du sens à sa vie. Le bouddhisme – comme d’autres formes de spiritualité authentique – agit comme l’un des facteurs qui nourrissent l’humain en donnant une direction claire : œuvrer pour le bien de tous les êtres sensibles, humains comme non humains, dépasser la poursuite effrénée des apparences. Et c’est là que réside désormais un nouvel espoir : après les illusions d’hier, aujourd’hui s’ouvrent des perspectives réelles. Un peu partout, des initiatives émergent. Résistances au cynisme, germes d’idées nouvelles, expériences de solidarité. Autant de signes que, même au cœur de la crise, les graines d’un renouveau sont déjà en train de pousser. Nul ne sait quand ni comment mais les chuchotements des intériorités vont couvrir les angoisses des égos torturés.
Philippe Defeyt – Économiste,expert en politiques sociales et transition durable.
UNE BONNE ET UNE MAUVAISE NOUVELLE
Je commence par laquelle ? Allons-y pour la bonne. Malgré les réactionnaires de tout poil, dans l’industrie et le monde politique, des acteurs, nombreux, continuent à croire à un monde meilleur. Ils ne font pas qu’y croire. Ils agissent sur le terrain, tous les jours. Il faut se pincer pour y croire, mais des industriels demandent à leur gouvernement et à l’Europe de ne surtout pas abandonner les réformes dans lesquelles s’inscrivent les changements qu’ils portent, avec conviction. En font partie des entreprises (dans le vrai monde, pas celui fantasmé des libéraux du passé), des coopératives, des agriculteurs, des petites et grandes associations, des citoyens. Même aux États-Unis, les errements et ukases de Trump n’arrêtent pas le développement des énergies renouvelables ; la réalité du marché – ces énergies sont devenues très bon marché – l’emporte sur des croyances hors sols. De nouvelles technologies – énergétiques et autres, par exemple en matière de pesticides “naturels” – arrivent sur le marché, parce que des entrepreneurs y croient, mais aussi parce qu’elles représentent des perspectives économiques intéressantes. Et donc pourquoi s’en priver ? Et la mauvaise nouvelle alors ? Certains, comme dit, alimentent l’illusion, le doute, la confusion, la division, l’instabilité, l’insécurité, les images d’un passé qui n’a jamais existé. C’est immensément regrettable d’en passer par là, mais ces politiques égarés vont subir les retours de bâton du monde réel. Et le monde a toujours changé grâce à des coups de pied au cul. Bonne nouvelle finalement ?
Michel Claise – Ancien juge d’instruction financier, et romancier.
I WISH YOU A MERRY CHRISTMAS…
Comme le temps a passé vite. À peine l’équinoxe d’automne a-t-il fait se revêtir les arbres de leurs somptueuses couleurs rousses que déjà les vitrines des magasins s’éclairent des loupiotes annonçant l’approche des fêtes et que les familles se préparent à chercher dans la cave les décorations de Noël, avant de se mettre en quête du sapin qui envahira un coin du salon, pour le plus grand plaisir des petits, et aussi des grands. Décembre… Le mois des hommages aux chers disparus. Adieu Claudia Cardinale, Gene Hackman, Tcheky Karyo, Robert Redford, Émilie Dequenne… Une larme à l’œil en nous souvenant de tel ou tel grand rôle qui nous fit frémir. Le temps des rétrospectives aussi. Là, pas de larmes mais un frisson de terreur, en revivant les images de Gaza, les grandes catastrophes causées par le dérèglement climatique, la violence de la guerre en Ukraine… Et un haut-le-cœur aussi face au triste spectacle donné par la classe politique dont le scénario laisse le citoyen désemparé. Il faut les subir, ces mesures économiques prises par l’Arizona qui s’acharne à détricoter le tissu social pour réaliser des économies de bouts de chandelle. Il faut la digérer, cette impéritie face à la montée en puissance des organisations criminelles auxquelles on ne veut pas toucher, sans compter la guerre des égos qui empêche la formation d’un gouvernement à Bruxelles, etc. Alors, que peut-on se souhaiter pour 2026, tant cette année qui arrive à son terme laisse un goût amer aux démocrates. Eh bien, permettez-moi de glisser sous l’arbre deux paquets cadeaux. Le premier, c’est un kit pour reconstruire la démocratie, à monter en premier lieu. Le deuxième, c’est un manuel pratique pour faire la révolution. Oui, il faut se convaincre qu’en 2026, ça ira. Ça ira, ça ira…
