Rachel pleure ses enfants : une application cruelle de la loi du talion
Rachel pleure ses enfants : une application cruelle de la loi du talion
La liturgie de Noël nous rappelait les enfants innocents de Bethléem. La prophétie de Jérémie sur Rachel pleurant ses enfants s’applique aujourd’hui à la bande de Gaza.
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Le roi fantoche, Hérode, se sentant berné par les Mages qui, ayant été avertis en songe, étaient retournés dans leur pays sans passer par Jérusalem, fut pris d’une colère meurtrière. N’ayant pu apprendre de la part de ces Rois Mages l’identité de ce nouveau “Roi des Juifs” dont ils lui avaient appris la naissance et qu’ils venaient adorer, il fit tuer tous les enfants de la région ayant moins de deux ans. L’évangéliste Matthieu, qui rapporte ce fait, cite la prophétie de Jérémie (31, 15) décrivant Rachel pleurant ses enfants, parce qu’ils ne sont plus.
BANDE DE GAZA
La même prophétie de Jérémie pourrait être mise en relation avec les événements actuels sur la bande de Gaza. Une pluie aveugle de bombes s’abat sur cette prison à ciel ouvert depuis plusieurs semaines ayant fait, en fin d’année 2023, plus de 32.000 victimes civiles, sans compter la destruction à peu près totale de toutes les structures nécessaires à une vie normale, y compris les hôpitaux. Ces destructions s’ajoutent à un blocus soutenu, privant cette population de quelques millions de Palestiniens, de tout approvisionnement en nourriture, eau potable, électricité, médicaments. Parmi ces victimes se trouvent au moins huit mille enfants. Rachel a raison de pleurer !
Les représentants de nombreux organismes internationaux, à commencer par le Secrétaire général des Nations-Unies, n’ont pas hésité à utiliser le mot génocide pour décrire le carnage actuel dans la bande de Gaza. Évidemment, cette attaque massive qui, selon Netanyahu, durera toute l’année 2024, est conçue comme une riposte – disproportionnée, s’il en est – à l’attaque d’une journée (7 octobre 2023) d’une cellule armée du Hamas en terre d’Israël. Concernant cette attaque, l’archevêque Jean-Paul Vesco, d’Alger, a sans doute eu l’expression la plus juste : « La violence barbare du Hamas est sans excuse mais elle n’est pas sans cause. » Il ne faut surtout pas identifier le Hamas avec le peuple palestinien.
Depuis plus de 70 ans, le peuple palestinien, dépossédé de ses habitations et du pays qu’il occupait depuis trois millénaires, est l’objet, dans toute la Cisjordanie, de l’occupation militaire et policière d’un État étranger – occupation plusieurs fois condamnée par les Nations-Unies depuis 1967. Il est soumis quotidiennement à toutes sortes de harcèlements, d’arrestations arbitraires, de destructions de ses maisons et de spoliation de ses terres au profit de colons israéliens. La goutte d’eau de trop, qui suscita l’attaque de la cellule du Hamas en Israël, fut l’expulsion de familles palestiniennes de Jérusalem-Est, au profit de colons juifs. Il ne faut pas oublier que, selon le droit international et les Nations-Unies, il s’agit d’une partie de la ville occupée et annexée illégalement par Israël. Les Nations-Unies déclaraient encore, le 7 mai dernier, que « les expulsions forcées de familles palestiniennes sont un crime de guerre et violent le droit humanitaire ».
On sait maintenant que cette attaque de la cellule du Hamas était préparée de longue date et que cette préparation était connue des services secrets israéliens (voir le document Jericho Wall), qui l’auraient laissée se produire, justifiant ainsi l’attaque massive actuelle contre la bande de Gaza. Netanyahou voit dans cette destruction de Gaza la “solution finale”. Une application des plus cruelles de la loi du talion. Le peuple palestinien représente une population de treize millions d’habitants ; mais seulement environ quatre millions vivent dans leur propre pays, avec une liberté limitée, alors que 5,4 millions vivent dans des camps de réfugiés en deux provinces du pays, et aussi en Syrie, au Liban et en Jordanie. Le reste (environ 3,6 millions) est dispersé de par le monde.
GARDER VIVE L’ESPÉRANCE
La prophétie de Jérémie, citée plus haut, se terminait sur un ton d’espérance : « Ainsi parle le Seigneur : Assez ! Plus de larmes dans les yeux ! Ils reviennent des pays ennemis. Ton avenir est plein d’espérance. » Par le partage de la Palestine et la création de l’État d’Israël, en 1947, justice a été faite au peuple juif victime de tant de persécutions durant les siècles précédents. Il est grand temps que justice soit faite au peuple palestinien par la création d’un État palestinien, parallèle à celui d’Israël, comme l’avaient envisagé les accords d’Oslo, signés en 1993 entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, sous la présidence de Bill Clinton.
Armand VEILLEUX, Moine de l’abbaye de Scourmont (Chimay)