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EDITO

Briser sa coquille

Sortira, sortira pas ? Il fait si bon, à l’intérieur. C’est douillet, tout confort. D’ici, il se doute bien qu’il y a un « ailleurs ». Dans le lointain, en sourdine, il en perçoit l’écho. Comme des murmures, parfois. Des bruits sourds souvent. Des détonations qui font peur, alors qu’à l’intérieur, tout est silence...
Cela vaut-il vraiment la peine d’y aller voir ? Pourquoi faire le grand saut dans l’inconnu ? Au fond de lui-même, il a la réponse : non. Bien sûr que non. Bien sûr qu’il préfère son univers, son très petit monde, dont il connaît tous les recoins. Bien sûr qu’il préfère la sécurité de sa bulle, ce luxe de savoir qu’il y a autre chose, dont il entend le remous, mais qui ne le concerne pas. Il est comme tout le monde : il n’a pas envie de quitter ses pantoufles.
Mais voilà . Soudain, au fond de lui, il y a comme une force irrépressible qui lui dit qu’il doit sortir. Qu’il doit oser. Qu’il est obliger d’oser, car ce n’est qu’ainsi que se réalisera son humanité. Qu’il n’existera que vis-à -vis de l’autre. Qu’il ne sera lui-même que par l’autre, à cause de l’autre.
C’est ce que la force lui dit. Mais il résiste. Pourquoi devoir aller vers l’autre alors qu’on est si bien quand on est juste entre soi ?
Mais la force est la plus forte. Elle le pousse, elle l’agite, elle le met en mouvements.
Il finira par briser sa coquille. Il pointera un oeil au dehors, en clignant pour échapper à la blessure de la lumière. Puis une tête, et un corps. Il se dépliera, frissonnera au contact de l’air, paniquera à l’idée de devoir désormais respirer... Mais il sera au monde.

L’imagerie pascale salue le poussin brisant sa coquille. Symbole de renouveau de la vie. De renaissance. De résurrection. Mais aussi symbole d’un hommage à l’homme, à tous les hommes, et pas seulement au petit d’homme. À tout moment de la vie, nous avons le choix de casser notre bulle ou de nous y réfugier. À tout moment de leur existence, les grandes institutions ont l’opportunité de décider de s’ouvrir, de naître au monde. Ou de préférer se recroqueviller sur elles-mêmes, dans le confort de leur cocon, sans se soucier de l’autre dont le coeur bat au dehors.
L’Église n’échappe pas à ces choix. Et si l’institution hésite à sortir, les chrétiens, eux, n’ont pas ce droit. Poussés par la force irrépressible, ils doivent renaître. Briser leur coquille. S’ouvrir au monde qui les entoure. Car c’est ainsi qu’ils ne mourront pas étouffés dans leur oeuf.

Bonne renaissance de Pâques !

Frédéric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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