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Edito

Les samaritains de la crue.

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Ceux-laÌ€ ont eu "de la chance– . Enfin, de la chance dans leur malheur. Dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 juillet, la crue a daigneÌ s’arreÌ‚ter juste avant de mettre les pieds dans leur rez-de-chausseÌ e. Leurs caves ont eÌ teÌ envahies jusqu’au plafond, le garage a deÌ gusteÌ , mais pas l’habitation proprement dite. Un stress eÌ norme, une crainte du pire, puis un relatif soulagement.

Mais, quand les flots se sont retireÌ s, il leur a tout de meÌ‚me fallu, comme tous les autres sinistreÌ s, relever leurs manches et se botter ferme pour pomper des m3, puis se mettre aÌ€ eÌ vacuer tout ce que l’eau, meÌ‚leÌ e aÌ€ la boue, avait deÌ truit ou abimeÌ .

Au deÌ but, cela avait l’air facile. Si elle semblait lucide sur l’ampleur de la taÌ‚che, lui eÌ tait (presque) suÌ‚r que cela ne lui prendrait que quelques heures. Lorsqu’il avait repris le labeur, apreÌ€s deÌ jaÌ€ plus d’une longue journeÌ e de tra- vail eÌ reintant, son optimisme eÌ tait tombeÌ au ras de ses chaussettes. Sur les pages facebook d’associations ou d’habitants de la reÌ gion, elle a alors lu les offres d’aide proposeÌ es par plusieurs personnes des environs. Des petits messages simples ouÌ€ d’illustres inconnus offraient leurs services. Comme ça. Juste parce qu’ils avaient en- vie d’agir, d’eÌ‚tre solidaires. Lui, il reconnaiÌ‚t maintenant qu’il n’eÌ tait pas convaincu. Elle, elle leur a quand meÌ‚me reÌ pondu que, oui, un petit coup de main ne serait pas de refus. Quelques instants plus tard, les premieÌ€res reÌ ponses tombaient. BotteÌ es, armeÌ es de pelles, plusieurs personnes sont arriveÌ es dans les minutes qui ont suivi. De quoi prendre la releÌ€ve de corps fatigueÌ s de monter des deÌ chets, de racler la boue, et de karcheriser aÌ€ tout va pendant des heures, avant de jeter sur de grands tas tout ce qui eÌ tait irreÌ cupeÌ rable.

Sur internet, il fallait reÌ pondre que l’aide suffisait, et qu’on remerciait, bien suÌ‚r, ceux qui se proposaient en- core. Un de ces samaritains avait deÌ cideÌ de consacrer toute son apreÌ€s-midi aÌ€ travailler avec les sinistreÌ s. Il sillonnait le village pour repeÌ rer les endroits ouÌ€ l’on pour- rait avoir besoin de lui. Un autre racontait comment, aÌ€ son boulot, on avait ri de voir la pluie tomber pendant des jours, suÌ‚rs que l’on eÌ tait que jamais ce deÌ luge ne finirait en inondation geÌ neÌ raliseÌ e. Lorsque ces aides providentielles sont reparties comme elles eÌ taient venues, racontent-ils, une voisine a surgi, apportant une tarte qu’elle venait de cuire. Un autre moyen de contribuer aÌ€ alleÌ ger la peine et le deÌ sespoir qui, petit aÌ€ petit, prenait le pas sur la volonteÌ de se battre aÌ€ tout prix...

Elle a eÌ teÌ belle, la solidariteÌ rencontreÌ e lors des eÌ veÌ nements de cette mi-juillet. Elle a fait taire cette impression de "chacun pour soi– que l’on ressent parfois depuis le deÌ but de cette deuxieÌ€me anneÌ e de covid. Un eÌ goïsme qui pousse aÌ€ ne pas porter de masque, aÌ€ s’embrasser, ou aÌ€ se dire que, si on ne se fait pas vacciner, ce n’est pas grave. Puisque les autres le feront. Et qu’ils baÌ‚tiront, eux, pour les non-vaccineÌ s, la fameuse immuniteÌ collective qui permettra de retrouver une vie normale...

Les moments parfois dramatiques de cet eÌ teÌ ont aussi deÌ montreÌ que, en deÌ finitive, internet et les reÌ seaux sociaux pouvaient eÌ‚tre la pire, mais aussi les meilleures des choses. Que de rumeurs incitant au chacun pour soi ne circulent-elles pas sur la Toile ? Mais que de belles propositions d’humaniteÌ n’y trouve-t-on pas aussi...

Comme dans son origine latine, "solide– s’entend dans "solidaire– , ou "solidariteÌ – . Ces mots trempent leurs racines dans la neÌ cessaire soliditeÌ du lien entre les eÌ‚tres. Celle qui nous permet de nous sentir vraiment humains.

Frédéric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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