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Edito

L’année du "Nous".

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Et si 2022 n’était plus une année du "Je– , mais l’année du "Nous– ? Quelle révolution dans un univers marqué par l’individualisme exacerbé ! Oserions-nous franchir le pas ?

Depuis les Golden Sixties et l’avènement de la société de consommation, dans le monde occidental, on s’est souvent d’abord préoccupé de son propre sort et de son propre bien-être. Et non de celui de la collectivité ou des "groupes– auxquels on appartenait.

En même temps, l’évolution de la pensée et du monde ont en quelque sorte "libéré– les consciences. Un grand nombre de gens ont alors décidé que ce n’était plus aux autres de penser pour eux, de dire à leur place comment il fallait se comporter et construire des échelles de valeurs. Une large partie des populations a pris sa liberté, contestant les idéologies, les courants d’opinion, les obligations imposées. Les mouvements politiques, philosophiques et religieux qui organisaient la société, et qui reposaient sur une mobilisation, souvent contrainte, de masses plutà´t dociles, se sont petit à petit effondrés, ou très largement fissurés. Le communisme et le christianisme n’y ont pas échappé.

La verticalité de l’organisation des sociétés a aussi été remise en cause. Nous n’avons plus supporté que ceux qui se trouvent au sommet de la pyramide
dirigent tout, alors que la base n’avait que peu à dire. Certains en sont venus à dénigrer tous les pouvoirs et tous les détenteurs de savoirs, quels qu’ils soient. Il en a été de même pour le mécanisme de la démocratie représentative, qui repose sur la délégation du pouvoir qui appartient au "peuple– aux personnes que chacun·e choisit et élit pour le représenter.

Les sociétés sont devenues plus "horizontales– que "verticales– . Notamment grâce aux médias numériques, qui jouent un rà´le majeur dans la
confirmation de cette tendance. Et en particulier grâce aux réseaux sociaux, lieux d’expressions individuelles en tous genres, où toute parole personnelle semble avoir autant de valeur qu’une autre.

L’individualité est partout. Chacun fait ses propres choix, et s’accorde autorisations ou interdictions, en fonction de ce qu’il estime personnellement bon ou non. Une opinion "personnelle– dans laquelle le tohu-bohu d’avis et d’opinions trouvés en ligne est parfois déterminant.

Il faut, bien sûr, relativiser cette généralité. Tout le monde n’a pas nécessairement adopté les chemins évoqués, et rares sont ceux qui se sont radicalisés au point de ne plus s’en remettre aux lois qui organisent le vivre ensemble. Mais les tendances sont lourdes.

2022 peut être l’occasion de rappeler que tous ces "Je– ne peuvent exister que parce qu’il y a un "Nous– . Un "Nous– qui se partage certes dans des groupes restreints, comme les chats ou les conversations sur internet, où on se retrouve souvent entre semblables. Mais aussi, sinon surtout, un "Nous– qui est celui de la société globale dans laquelle nous vivons. Un "Nous– social qui est bien plus qu’une addition de "Je– individuels. Il les transcende. Mais il exige aussi que chacune et chacun fasse vivre son "Je– en fonction de ce qui prime dans le "Nous– . Notre "Je– n’existe qu’à cause du "Nous– social. L’individualité doit tenir compte du collectif. Tout choix personnel ne peut être fait qu’en fonction des autres, qui sont aussi membres du "Nous– . Le "Je– ne peut simplement décider pour lui, mais en tenant compte des autres. Si chacun, en 2022, pouvait adopter pareille résolution, sans doute la planète (et la petite Belgique) tourneraient-elles plus rond...

Frédéric ANTOINE

Rédacteur en chef

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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