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Edito

SILENCE. ON TOURNE.

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Chuuut ! Tendez l’oreille...
À la question : « Qu’entendez-vous ? », bien peu d’entre vous auront sans doute l’honnêteté de me répondre : « Rien ». Parce qu’ils sont devenus bien rares, ces endroits et ces moments où l’on se trouve dans un endroit réellement sans bruit. Sans son. Même si on est en recherche d’un spot « de silence ».

Notre petit territoire, celui de la Belgique, est un lieu rêvé pour en faire l’expérience : même dans ses coins les plus reculés, perdu au milieu d’un grand nulle part, on ne parviendra pas à y éviter des présences sonores. Et, souvent, des nuisances : les échos de moteurs automobiles se répercutant sur les versants d’une vallée ; le vrombissement de motos un peu truquées ; le grondement d’oiseaux d’acier quand, là -bas tout là -haut, ils percent le ciel...

Nous sommes tellement accoutumés à être plongés dans un environnement sonore que l’absence de bruit autour de soi en devient troublante pour bon nombre d’entre nous. Tant et si bien que, dès que le silence menace, on s’em- presse de tout faire pour l’éviter.

Le non-bruit en vient à faire tellement peur qu’on le prévient en coiffant sa tête d’un casque. Non, comme à la guerre ou sur un chantier, pour se protéger. Mais pour se garantir qu’on aura ainsi, en permanence, le crâne encerclé, via ses deux oreilles, de mélodies ou de paroles.

À première ouà¯e, le silence ne ressemble-t-il pas à la mort ? Faut-il dès lors crier : « Vive le bruit ! », puisque ce dernier est signe de vie ? Pas sûr. Ne faudrait-il pas aussi parfois, sinon souvent, relever le pari de se noyer dans le silence à l’instar du plongeur s’enfonçant petit à petit dans les profondeurs d’un océan ? Sans aller jusqu’aux abysses, s’immerger dans sa baignoire, ou dans un bien nommé "caisson d’isolation sensorielle– qui peut procurer la même sensation. Une fois le corps perdu au fond de la masse liquide, que lui reste-t-il encore des sons ? Au mieux, quelques faibles ondes assourdies, qui peinent à parvenir à des tympans envahis de fluides. Même dans ces
conditions, les oreilles, encore, entendent...

Pour empêcher l’invasion du son, l’Homme a dû inventer le caisson antibruit, tellement capitonné que lui seul permet d’isoler réellement son utilisateur de toute perception sonore. Preuve que la nature elle-même n’a pas été programmée pour permettre aux Humains (qui ne souffrent pas d’un handicap de "mal-entendance– ) de vivre dans un monde sans un son, le plus faible soit-il.

À moins que faire le vide du son ne soit pas tant question de perception que de travail mental. Se défaire du monde phonique serait alors possible où que ce soit, à tout moment, même en plein coeur d’un brouhaha.

Spiritualités et religions ont toujours privilégié ce silence-là . Celui qui se pratique par la concentration sur soi, l’abstraction, avec le coeur et l’âme. Les écoles de pensée orien tales se sont souvent bâties sur cette démarche, qui n’est parfois, en occident, que l’apanage de personnes extraordinaires...

La période des vacances, et la pause temporaire qu’elle procure, peut offrir l’occasion de prendre le temps de cher cher à "faire silence– , ou à apprendre comment le faire, à défaut de le trouver autour de soi. L’environnement origi- nal dans lequel on s’installe, un paysage, une atmosphère particulière que l’on découvre ont toutes les chances de contribuer à la possibilité de redécouvrir, à partir de l’en- soi, un monde exempt de bruit.

Ce qui ne peut que nous faire du bien alors que, autour de nous, tout semble constamment si hurlant, tonitruant. Bonnes vacances au pays du silence.

Frédéric ANTOINE, Rédacteur en chef du magazine L’appel

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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