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Edito

Le GSM avait sonné en pleine réunion. Sur l’écran, un SMS : « Je suis un au supermarché. Tu crois que je peux acheter des mandarines avant la St Nicolas ? » Le message l’a fait sourire. La précaution prise par la maîtresse de maison était subtile. C’est vrai que, pour lui, l’odeur de la mandarine, comme celle du speculoos, de la couque de Dinant et du chocolat, est associée à celle de ces matins de six décembre où, avec ses frères et soeur, il découvrait ce que le « Grand Saint » leur avait apporté. Pour savourer la première mandarine de l’hiver, il fallait savoir attendre.

Comme on attendait St Nicolas depuis le fameux mercredi d’octobre où il était entré en ville lors d’un grand cortège. L’attente était bien émaillée de petits rendez-vous : les catalogues des marchands de jouets qui tombaient dans la boîte aux lettres, la file à l’Inno devant le Paradis qui menait au trà´ne... Chaque attente renforçait un peu plus le goût du plaisir futur. Et, quand on décortiquait enfin la mandarine en essayant d’éviter les quartiers à pépin, tous ces moments passés, eux aussi, revenaient à la bouche.

Sur les marchés d’aujourd’hui, il n’y a pas que les mandarines et les Clémentine à occuper les étals. On n’a jamais vu autant d’asperges à pareille période de l’année... Importées de l’autre cà´té du globe. Tout comme les fraises. Et il n’y a plus non plus de saison pour les tomates. Or, au potager, cela fait longtemps que le dernier plant a rendu son ultime fruit. À table aussi, on a perdu le goût de ce qu’était l’attente. Se préparer de longue date à jouir de la première pomme de terre nouvelle nappée de beurre fondu ou de la première framboise fondant sous la langue...

Dans ce monde où de plus en plus de monde veut tout, tout de suite, sur sa table, dans son portefeuille ou dans son lit, il ne reste peut-être plus qu’un événement que l’on attend et que l’on prépare : Noël. C’est vrai que les magasins y invitent désormais dès le 1er novembre. Mais l’on s’installe alors pendant plusieurs semaines dans une lente montée en puissance d’une ambiance de joie et de fête.

Noël nous réapprend la patience de l’attente, du pas à pas, et de l’espoir. Malgré la crise, il n’y a donc pas un moment à perdre : il faut d’urgence que nous nous mettions à attendre Noël.

En évitant un seuil écueil : que le jour de Noël, toutes les joies de l’attente ne se dégonflent comme une triste baudruche...

Joyeuse attente !

Frédéric ANTOINE

Mot(s)-clé(s) : L’édito
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