Vous êtes ici: Archives / Numéros parus / N°412

L’ÉVANGILE SELON ARMEL JOB

Reconnu pour ses romans dont l’action se deÌ roule souvent dans son Ardenne natale, l’eÌ crivain belge se passionne aussi pour les fondements de la foi et de l’histoire chreÌ tienne. En teÌ moignent les trois pieÌ€ces de theÌ aÌ‚tre qu’il vient de publier :Le concile de JeÌ rusalem, Le FreÌ€re du fils prodigue et L’ange Gabriel .

Armel Job posseÌ€de un club de fideÌ€les lecteurs. Ses romans aÌ€ succeÌ€s, depuis La femme manqueÌ e (1999) jusqu’aÌ€ Une Femme que j’aimais, paru en deÌ but d’anneÌ e, tentent aÌ€ chaque fois de percer le mysteÌ€re d’une personne dont on ne connait le fin mot de l’histoire qu’aÌ€ la dernieÌ€re page. Mais il est un autre reÌ cit qui passionne depuis longtemps cet ancien professeur de grec, qui fut aussi directeur du colleÌ€ge de Bastogne : celui de JeÌ sus et des deÌ buts du christianisme. Il ne cache d’ailleurs pas que son regard sur le monde et la vie est nourri des eÌ crits eÌ vangeÌ liques. Il est un chreÌ tien assumeÌ , mais discret, toujours en recherche, doteÌ d’une solide connaissance des premiers temps de la religion chreÌ tienne. Il aime penser et reÌ fleÌ chir librement par lui-meÌ‚me, sans a priori.

NeÌ avant les anneÌ es 1960, il a, comme beaucoup de per- sonnes de cette meÌ‚me geÌ neÌ ration, appris le cateÌ chisme aÌ€ l’ancienne. Il a suivi les cours de religion, avant de se livrer, adulte, aÌ€ un examen critique de ce qu’on lui avait transmis, puisant ses informations aux meilleures sources d’exeÌ geÌ€tes ou d’eÌ rudits avertis. Sa foi originelle a ainsi eÌ volueÌ . Ce qui lui est apparu peu creÌ dible, il l’a laisseÌ de coÌ‚teÌ , sans toutefois tout rejeter en bloc. Connaissant le grec ancien, c’est dans cette langue qu’il a relu les eÌ vangiles. Cette lecture originale lui permet de retrouver la saveur initiale, et ensuite d’imaginer de manieÌ€re creÌ dible ce que le texte ne dit pas, mais suggeÌ€re. Bref, faire oeuvre litteÌ raire sur une base historique seÌ rieuse, de manieÌ€re romanceÌ e.

PERSONNAGES SECONDAIRES.

En 2004, dans La Femme de Saint-Pierre, il avait proposeÌ , de manieÌ€re savoureuse et droÌ‚le, douze courtes nouvelles mettant en sceÌ€ne des figures secondaires qui apparaissent dans les eÌ vangiles, comme la femme de saint Pierre, Joseph ou Judas. Des personnages qu’il deÌ crit comme ordinaires, au langage d’aujourd’hui, tout sauf des illumineÌ s, des hommes et des femmes avec leurs meÌ rites, mais aussi leurs faiblesses, heÌ sitations et contradictions au-delaÌ€ des images d’EÌ pinal convenues. Cette anneÌ e, dans le meÌ‚me esprit, il propose trois nouveaux reÌ cits, mais cette fois sous forme de pieÌ€ces de theÌ aÌ‚tre.

Dans Le concile de JeÌ rusalem, il est question de la rencontre entre Paul, Pierre et Jacques, le freÌ€re de JeÌ sus. Paul, fougueux, veut proposer aÌ€ tous, au-delaÌ€ du monde juif, la bonne nouvelle du Christ ressusciteÌ qui va bientoÌ‚t revenir.

Jacques, le freÌ€re de JeÌ sus, tient aÌ€ ce que les nouveaux adeptes se convertissent preÌ alablement aÌ€ la loi juive et aÌ€ ses rites. Pierre y apparait en homme de bonne volonteÌ , mais heÌ sitant et plus attentiste. Les discussions et tensions entre attitude d’ouverture ou de repli au sein de l’EÌ glise primitive sont ainsi preÌ sentes deÌ€s le deÌ but de l’histoire chreÌ tienne.

Armel Job a eÌ teÌ seÌ duit par la figure de Paul. «  Au-delaÌ€ de certaines images d’un homme figeÌ dans des scheÌ mas de penseÌ e anciens, comme celui du peÌ cheÌ originel et du ra- chat par le Christ, j’aime chez lui sa fougue, commente- t-il. J’imagine aussi que, malgreÌ son enthousiasme, il a douteÌ du retour attendu du Christ et de l’aveÌ€nement de son royaume. » Les figures traditionnelles de l’imagerie religieuse populaire se trouvent ici modifieÌ es. Selon son auteur, la famille de JeÌ sus ne le suivait pas, il avait des freÌ€res, et certains reÌ cits ou miracles sont des mythes.

EXPEÌ RIENCE PERSONNELLE INTEÌ RIEURE.

Au fil de cette fiction baseÌ e sur des recherches historiques, l’eÌ crivain reÌ veÌ€le ce qu’il imagine avoir eÌ teÌ l’histoire de JeÌ sus.
« Pour moi, il est un homme neÌ d’un homme et d’une femme, comme tout le monde, et, aÌ€ partir d’une expeÌ rience personnelle et inteÌ rieure, il a ressenti Dieu, non plus comme un Dieu autoritaire, justicier, mais comme une Personne, un PeÌ€re qui l’anime intenseÌ ment. Au point que l’on peut dire que JeÌ sus a Dieu en lui, qu’il est divin. Il a voulu transmettre cette reÌ veÌ lation personnelle. Je pense que sa penseÌ e a eÌ volueÌ et qu’il a compris qu’il n’eÌ tait pas un messie appeleÌ aÌ€ instaurer un royaume par voie guerrieÌ€re.  »
« Je suis toucheÌ par sa personnaliteÌ , sa compassion pour les pauvres, les malades, les exclus. Certains reÌ cits me tireraient presque des larmes, tant son attitude aÌ€ l’eÌ gard des personnes qu’il rencontre est bouleversante. Il est pour moi un maiÌ‚tre de vie. Comme dit le centurion au calvaire : "Cet homme eÌ tait un Juste– . Je pense aussi qu’au moment de son arrestation, il a cru jusqu’au bout aÌ€ une intervention divine. Quant aÌ€ la reÌ surrection, c’est l’irruption de quelque chose d’inattendu, de diffeÌ rent et c’est comme si Dieu avait eÌ teÌ toucheÌ par cet homme en croix. »

QUI EST DIEU ?

Dans la deuxieÌ€me pieÌ€ce, Le FreÌ€re du fils prodigue, Armel Job retravaille le reÌ cit de cette parabole. Il creuse la tension irreÌ conciliable entre la volonteÌ traditionnelle de justice ou d’eÌ quiteÌ reÌ clameÌ e par le freÌ€re resteÌ sagement aÌ€ la maison et l’appel du peÌ€re aÌ€ donner une nouvelle chance aÌ€ son fils prodigue, au-delaÌ€ du respect de la loi. Enfin, dans L’ange Gabriel, il reÌ veÌ€le, par petites touches, ce qui, selon lui, se cache peut-eÌ‚tre derrieÌ€re celui qu’on appelle Dieu, quelle est son histoire, lieÌ e aÌ€ celle du monde, de la vie et de l’apparition de l’homme.

« Dieu est un mysteÌ€re et peut-eÌ‚tre un mysteÌ€re pour lui- meÌ‚me, pense-t-il. On n’a pas trop inteÌ reÌ‚t aÌ€ parler en son nom. Il n’est pas le Dieu d’une seule religion. Les religions sont des suggestions de reÌ ponse au mysteÌ€re de la vie. L’univers le reÌ veÌ€le. Il ne parle pas en mots, mais il se fait pressentir dans une eÌ chappeÌ e de lumieÌ€re entre les nuages, dans un geste de bonteÌ . Je ne le vois pas comme un acteur direct dans le monde. Pourquoi ne pas imaginer qu’il eÌ volue dans l’interaction avec les hommes. S’il devait se montrer, c’est peut-eÌ‚tre en enfant faible, menaceÌ , chancelant. »Armel Job s’inteÌ resse au contenu de ce qu’on appelle la foi, sans preÌ tendre eÌ‚tre theÌ ologien. Il peut ainsi s’exprimer treÌ€s librement. Il a trouveÌ le ton, la forme, aÌ€ la fois litteÌ raire et theÌ aÌ‚trale, qui convient pour dire « ces choses-laÌ€ », leÌ geÌ€rement, avec humour, mais profondeur. Il approche, comme peu l’ont fait avant lui, la vie de JeÌ - sus, le deÌ but du christianisme et le mysteÌ€re de Dieu. Ces pieÌ€ces ont deÌ jaÌ€ eÌ teÌ lues en public, mais n’ont pas encore eÌ teÌ joueÌ es. Des projets sont en cours. â– 

Gérald HAYOIS

Armel JOB, Le concile de JeÌ rusalem, Le FreÌ€re du fils prodigue, L’ange Gabriel, Namur, EÌ ditions FideÌ liteÌ , 2018. Prix : 19,50€. Via L’appel : -5% = 18,53€.

Mot(s)-clé(s) : Le plus de L’appel
Partager cet article
Vous êtes ici: Archives / Numéros parus / N°412