Climat : des grands-parents qui s’engagent
Climat : des grands-parents qui s’engagent
Venus de dix pays différents, ils étaient en tête lors de la marche climatique, début décembre dernier, reconnaissables à leurs tuniques où sont dessinées deux mains qui se joignent. Ce sont Les Grands-parents pour le climat, un mouvement devenu très actif en Belgique depuis son lancement en 2015 par Thérèse Snoy.
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Depuis très longtemps, Thérèse Snoy milite pour la cause environnementale. En 1973, elle s’est engagée au sein d’associations diverses qui opèrent en ce domaine et, entre 2007 et 2014, durant deux législatures, elle a exercé un mandat de députée fédérale. Entretemps, elle est devenue une grand-mère heureuse, un rôle qui lui tient à cœur, ne pouvant s’empêcher d’imaginer l’avenir chaotique, tant au niveau climatique que social. « Ce sont des thématiques que je défendais professionnellement, mais, ici, il s’agissait de mes petites filles. Cela passait vraiment par mes tripes. » Mais comment faire ? Comment intervenir en tant que grand-mère ? Cette battante n’étant pas du genre à baisser les bras, elle s’est mise à chercher une manière d’agir et a découvert qu’il existait en Suisse une association appelée Les Grands-Parents pour le Climat. Se rendant sur place, elle a été conquise par ces gens réunis pour contribuer à léguer à leurs petits-enfants un monde habitable, solidaire, où les richesses naturelles seront préservées. C’est ainsi qu’en janvier 2015, à partir de son réseau d’adresses personnelles, soit une trentaine de personnes, elle a décidé de lancer le mouvement belge.
L’ÉVEIL DES CONSCIENCES
« Nous avons travaillé de manière assez informelle la première année, tout en préparant la COP 21 de Paris, raconte-t-elle. Nous avons vite réalisé qu’en plus du mouvement suisse, il y en avait dans beaucoup de pays, et particulièrement dans le nord de l’Europe. Sans oublier qu’il existait des associations de ce genre au Canada et aux États-Unis. Parfois, elles s’appelaient “Mamans pour le futur” ou d’un autre nom, mais c’était toujours l’idée de l’intergénérationnel qui prédominait. La France est entrée aussi dans cet élan. Nous avons donc décidé de nous rencontrer à Paris avec le maximum des personnes qu’on avait pu réunir et nous avons contacté Laurent Fabius [ministre des Affaires étrangères] qui présidait la COP 21. Cela constitue vraiment notre premier fait d’armes. »
Fort de cette visibilité, le mouvement ne s’arrête pas là. Ses membres, dont le nombre ne cesse d’augmenter, ressentent la nécessité de réfléchir sur le fondement de leur action. À la fin de l’année 2015, une grande conférence est organisée à Louvain-la-Neuve, rassemblant des représentants de diverses convictions, comme l’islamologue Michaël Privot, Myriam Tonus pour le monde catholique et Eddy Caekelberghs pour les francs-maçons. Ainsi que des personnalités politiques ou économiques belges, tels l’ancien président du Conseil européen Herman Van Rompuy et l’économiste Éric De Keuleneer, ou encore le climatologue Jean-Pascal van Ypersele. « Ce fut un moment magnifique qui pourrait être appelé l’éveil des consciences, ce qui était le but de départ : celui de conscientiser notre génération d’aînés à sa responsabilité dans le domaine du climat et de la défense de la planète », se souvient l’initiatrice de ce mouvement qui devient de plus en plus visible et permet à de nombreuses personnes de s’investir ou de poursuivre leur engagement pour la sauvegarde de la planète.
Viser les grands-parents, c’est viser un groupe bien particulier. « Ils ont du temps, mais sont extrêmement sollicités, constate Thérèse Snoy. Nous sommes la génération la plus nantie, même si certains souffrent de la pauvreté. Néanmoins, nous avons les moyens de vivre et souvent notre empreinte écologique est assez importante. Nos petits-enfants nous interrogent parfois à ce sujet. Nous avons aussi un poids électoral considérable. Un mouvement de grands-parents de cette nature, qui exprime sa solidarité avec les jeunes qui sont ses propres petits-enfants est d’une grande puissance factuelle et surtout symbolique. C’est l’idée que notre génération ne considère pas qu’elle a terminé son job, mais veut continuer à s’engager, non pas pour défendre des intérêts des “vieux”, mais ceux de ses petits-enfants. »
TROIS AXES COMPLÉMENTAIRES
Cette défense s’est construite autour de trois axes qui sont les piliers de l’action de cette association ouverte à tous, quels que soient sa philosophie, sa religion et son engagement politique. « Pour le premier axe, il nous faut songer à interroger notre mode de vie et poser des gestes concrets pour entrer en cohérence avec notre souci de protéger la nature, de sauvegarder les ressources, d’éviter de produire des gaz à effets de serre, de mener une vie de sobriété consentie. Il parait important de s’intéresser à tout ça, de comprendre le pourquoi et le comment et, si nécessaire, de changer ou d’adapter notre mode de vie. Le deuxième axe est la transmission de ces valeurs de respect et de protection. Cette transmission s’adresse à la jeune génération, mais aussi à nos pairs. C’est ce qui nous conduit à mettre sur pied des interventions à la fois dans les mouvements de séniors et auprès des enfants dans les écoles. Le plaidoyer forme le dernier axe. On sait bien que ce n’est pas seulement les individus qui amèneront ce changement souhaité. Il faut des mesures structurelles, donc politiques, et nous tenons à nous adresser aux responsables à tous niveaux. »
Aujourd’hui, l’action des Grands-Parents pour le climat s’inscrit dans la Coalition climat qui réunit plus de nonante organisations de la société civile belge autour du thème de la justice climatique. Thérèse Snoy se souvient, lors de la première marche pour le climat, d’avoir aperçu tous ces jeunes qui se mobilisaient. « Cela a été pour nous un souffle d’air frais qui nous a beaucoup stimulés, dès qu’ils ont commencé à mettre en place les grèves du jeudi, dès qu’ils ont pris la parole et ont défilé. On s’est mis sur le trottoir, on les a vu passer, on les a applaudis et on les a suivis tout en se disant qu’on n’allait pas marcher devant eux. Ce sont eux qui portent leur message et nous les accompagnons, les encourageons, les soutenons. Nous sommes là avec eux, simplement. »
POUR DES POLITIQUES FORTES
Un accompagnement et un soutien qui se font sans culpabilité, mais avec un grand sens des responsabilités, ainsi qu’avec la volonté d’étendre ce mouvement en s’y engageant. « Certains de nos membres créent des antennes locales, se réjouit Thérèse Snoy. C’est quelque chose qu’on favorise beaucoup, cela permet une grande diversité d’actions possibles et contribue à un éveil collectif. Nous visons en effet une espèce de portance sociale des causes climatiques au sens le plus large. Actuellement, si cela avance si peu au niveau politique, c’est qu’il n’y a pas assez d’électeurs qui portent cette action à bout de bras. Les politiques renvoient toujours cette peur d’aller trop loin. Or, il faut aller plus fort, plus loin, plus juste. C’est notre slogan auquel nous tenons. Il est donc impératif d’élargir le nombre de gens qui soutiendraient les politiques les plus fortes, les plus justes, plus rapides car il est vraiment grand temps. »
Christian MERVEILLE