Développer l’agriculture au Kivu
Développer l’agriculture au Kivu
Préparé par une mission sur place, et avec la visite de partenaires du 8 au 25 mars, le Carême de Partage met l’accent sur ce qui est vécu et mené à l’est de la RDC, dans un contexte difficile pour les communautés rurales et l’environnement.
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Dans l’est de la République Démocratique du Congo, les paysans et paysannes du paradis qu’était au départ la province du Sud-Kivu ont souffert des deux guerres du Congo qui se sont déroulées entre 1996 et 2003, et toujours, depuis, “prolongées” par diverses armées et autres groupes militaires de la région. À présent, des hommes, femmes et enfants y délaissent l’agriculture pour aller travailler, dans de terribles conditions, au fond des mines industrielles ou artisanales d’où sont exportés de nombreux minerais, dont l’or et les diamants, le cuivre (deuxième réserve mondiale) et le cobalt (première réserve mondiale), ou encore l’étain, le tungstène, le coltan, etc. Certains d’entre eux aboutissent dans les GSM, smartphones et ordinateurs sur toute la planète. Cet exode a de graves conséquences sur l’environnement et sur les gens, car les travaux dans les champs se font désormais avec moins de main-d’œuvre pour nourrir la population locale.
MALÉDICTION DES RESSOURCES
Cette “malédiction des ressources” a été constatée en juin dernier durant la visite de représentants d’Entraide et Fraternité ainsi que de la Commission Justice et Paix – Belgique francophone chez leurs partenaires locaux. De ce séjour est né un dossier, Le cri de la Terre – L’extractivisme minier en RD Congo : entre espoir et exploitation, qui désigne les nombreux responsables du travail inhumain imposé dans les mines. À savoir : les pouvoirs successifs et les entreprises industrielles à capitaux canadiens, israéliens, chinois et autres, présentes depuis la libéralisation du secteur et faisant fi des codes miniers de 2002 et de 2018.
Mais les utilisateurs d’appareils fabriqués grâce à ces minéraux ne sont pas, non plus, étrangers à ces situations. D’où cette invitation lancée par Entraide et Fraternité : « L’impact de nos écrans, on y regarde de plus près ? » Par ailleurs, cet éprouvant labeur ne respectant pas les codes est également appliqué dans les mines artisanales, surtout par les femmes et les enfants. De cela, viendra témoigner sœur Espérance Munswinwa, avocate et assistante juridique auprès de la Commission Justice et Paix de l’archidiocèse de Bukavu.
DU CARRÉ MINIER AU CARRÉ POTAGER
Dans ce contexte, il est fondamental de promouvoir l’agriculture dans la région. C’est pourquoi le Réseau international pour une économie humaine (RIEH), prolongeant l’œuvre du père Lebret qui a inspiré le pape Paul VI pour l’encyclique sur le Développement des Peuples, apporte, depuis fin 2021, son soutien à l’Action territoriale pour un Développement durable au Kivu. Sur ce terrain, sont aussi actifs depuis des décennies Entraide et Fraternité et ses partenaires. Dont Patient Bagenda, convaincu que « les Congolais doivent se battre pour que l’État existe grâce à des personnes éclairées pour cela ». Cinq de ces partenaires témoigneront de leurs vécus durant le mois de mars à Bruxelles et en Wallonie : Clément Bisimwa, coordinateur du programme d’Entraide et Fraternité en RDC ; Charles Saidi, technicien en développement au Comité pour l’autopromotion à la base ou ex-Comité anti-kwashiorkor ; Sylvain Akilimali, fondateur de CHANGE (Cœur humanitaire en action novatrice pour la régénération effective) ; et Nunu Salufa, directrice de l’APEF (Association pour l’autopromotion et entrepreneuriat féminin).
Le travail de ces partenaires est aussi lié aux suites des élections présidentielles, législatives, provinciales et municipales de décembre dernier en RDC. Marquées par des fraudes, comme l’ont relevé les Églises catholique et protestante, celles-ci ont conduit à la réélection du président Tshisekedi qui avait disposé de bien plus de moyens pour mener campagne que ses adversaires qui, dans leur majorité, ne s’y étaient pas assez préparés. Alors que ce scrutin général n’a pas entraîné de gros changements, reste à voir comment le président et les députés et conseillers (ré)élus rencontreront l’engouement des citoyens à participer aux prises de décisions, notamment les femmes et jeunes qui se sont bien plus impliqués en 2023 qu’en 2018.
TISSER DES LIENS
Lors de la journée de lancement du Carême de Partage, les délégués des deux associations belges ont rappelé que les violences au Kivu se poursuivaient. Et, sans vouloir engager leurs partenaires à ce sujet, ils ont mentionné les exportations de minerais du Congo vers le Rwanda. Ce petit pays voisin qui n’en possède pas, mais qui en livre à travers le monde, sera le théâtre d’élections en juillet prochain. En guise de suite à la présente campagne, les responsables politiques belges actuels et futurs devront être invités à soutenir les attentes et les interpellations des Congolais, sans dédouaner de leurs responsabilités les utilisateurs des GSM et ordinateurs. De plus, en lien avec ce qui est à la base des Carêmes de Partage, il faut plus que jamais tisser des liens, tant au plan personnel que collectif, entre sobriété, solidarité, altérité et spiritualité.
RENCONTRES, OUTILS ET COLLECTES
À l’occasion du Carême de Partage, la visite des cinq partenaires du Kivu s’ouvrira par une “messe congolaise” le dimanche 10 mars à 11 h à l’église Saint-Roch (chaussée d’Anvers, à Bruxelles). En plus de l’étude de la Commission Justice et Paix, Le cri de la Terre – L’extractivisme minier en RD Congo : entre espoir et exploitation, Entraide et Fraternité propose plusieurs outils : deux courtes vidéos sur les actions de leurs partenaires congolais et sur la responsabilité des consommateurs d’outils numériques, la brochure Vivre le Carême de Partage 2024, le poster Du carré minier au carré potager et des Pistes de célébrations pour adultes et enfants. Celles-ci comprennent une méditation de Mgr Delville faisant un lien entre le Livre de Job et les conditions de travail inhumaines dans les mines en RDC,
des commentaires contextualisés sur les Écritures et des textes du pape François au sujet d’un pays et d’un continent à respecter.
Dans une démarche ecclésiale lancée par les évêques de Belgique en 1961, mais pas toujours acceptée, les communautés chrétiennes sont invitées à destiner leurs collectes des 9-10 mars et des 23-24 mars aux partenaires d’Entraide et Fraternité. Ces collectes et dons peuvent aider l’ONG à bénéficier de cofinancements du Gouvernement belge.
- Entraide et Fraternité careme.entraide.be/
- Commission Justice et Paix – Belgique francophone justicepaix.be/
- Réseau international pour une économie humaine rieh.org/
Jacques BRIARD