Faisons-nous partie des gentil.les ?

Faisons-nous partie des gentil.les ?

Vous posez-vous souvent cette question ? Quelle est votre réponse ? Êtes-vous plongé.es dans la culpabilité, persuadé·e que vous n’êtes pas à la hauteur ? Ou êtes-vous, au contraire, convaincu·e de la justesse de vos positions ? 

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Publié le

30 septembre 2025

· Mis à jour le

9 octobre 2025
Portrait sur un fond noir de la correspondante à l'Appel Floriane Chinsky

Un phénomène connu est l’effet Dunning-Kruger, aussi appelé effet de surconfiance : on se sent d’autant plus compétent·e que l’on connait mal le sujet. Pour extrapoler, on se sent peut-être d’autant plus “gentil” et “dans le bon camp” qu’on ignore la complexité des problèmes et les réalités de terrain. Ce phénomène est lourd de conséquences, car les personnes les plus ignorantes sont les plus affirmatives, et ont donc plus de chance d’imposer leur point de vue. Point de vue mal informé qui contribue à la non-résolution des problèmes. 

GUERRIÈRES DE LA PAIX

Ce thème est au cœur de l’actualité, avec la reconnaissance de la Palestine et le Nouvel An juif. Ce week-end, j’ai eu la chance incroyable d’intervenir au deuxième Forum mondial des femmes pour la paix, organisé par les Guerrières de la Paix, à Essaouira, au Maroc. Au cours de ce Forum, des militantes de la paix de tous les pays se sont retrouvées pour échanger des idées et de la force, et pour réaffirmer cette idée fondamentale : l’antagonisation est la première ennemie de la paix. Cette antagonisation joue contre la paix en Israël-Palestine. Elle place la population israélienne dans le camp des “méchants” et la population palestinienne dans celui des “gentils”. Agir ainsi, c’est invisibiliser les personnes, très nombreuses et très courageuses, qui, en Israël, sont des alliées engagées contre la guerre. 

Qui veut le bien de la population palestinienne doit vouloir le bien de leurs allié·es en Israël. Placer toute personne palestinienne dans le camp des “gentils” revient d’ailleurs à légitimer le Hamas qui tente de maintenir les Palestiniens sous sa coupe. Cela revient à invisibiliser tous celles et ceux qui se battent contre la domination violente de cette organisation terroriste. À l’heure où je me sens souvent accablée par la pression que des organisations françaises prétendument propalestiniennes font peser sur les juifs et juives de France, ma rencontre avec des militantes palestiniennes et israéliennes travaillant main dans la main a été pour moi une immense bouffée d’espoir. Ali Abou Awwad, Huda Abu Arqoub, Yael Admi et Nava Hefetz savent bien l’importance du travail de terrain, et du refus des généralisations. Elles m’ont fait toucher un monde où moi, et toutes les personnes juives, pouvons être envisagées comme humaines, ayant le droit d’exister. Cela vous semble peut-être étrange, mais les juifs et juives ont peur. Avec seulement 0,5% de la population mondiale, le judaïsme est très vulnérable. Le monde catholique et ses 18% de la population mondiale, le monde musulman et ses 24% ont du mal à réaliser l’ampleur de cette vulnérabilité. Mais les personnes qui s’y connaissent, qui sont sur le terrain, le savent : ce n’est pas en accablant les juifs qu’on fait avancer la paix, bien au contraire.

PHASE D’INTROSPECTION

Le début de l’année juive s’inscrit dans cette même thématique : nous ne savons pas qui sont les “méchants” et qui sont les “gentils”, et, toutes et tous, nous entrons dans une profonde phase d’introspection. Nous examinons nos comportements pour les rendre meilleurs (téchouva), nous ouvrons nos cœurs à la peine d’avoir échoué et à l’espoir de faire mieux (téfila), nous rétablissons l’équilibre du pouvoir social de notre mieux en redistribuant de l’argent (tsédaka). Nous considérerons que chacune de nos actions peut faire pencher la balance : notre balance individuelle certes, mais aussi l’équilibre de toute l’humanité. Nous ne cherchons pas de “coupable extérieur” ou de bouc émissaire, nous ne nous prétendons pas “gentils”, mais nous disons et répétons : « Nous avons commis des fautes ». Nous espérons, en ces temps cruciaux, que nous serons nombreux et nombreuses à prendre notre juste responsabilité, dans notre propre domaine de compétence, pour agir d’une façon toujours plus puissante et plus efficace pour la paix. Ainsi, l’équilibre global des forces de paix dans le monde pourra protéger l’humanité du chaos, pour une année encore.

Rabba Floriane CHINSKY 

florianechinsky.fr/

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